Un Si Grand Soleil et Dieu habite Düsseldorf : Renaud Danner revient sur son expérience sur France 2 et évoque son actualité théâtrale !
Bonjour Renaud,
Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous !
On a pu vous retrouver pendant plusieurs mois dans la série à succès de France 2 « Un Si Grand Soleil ». On imagine le plaisir et la joie que ce fut de faire partie de cette belle famille artistique ?
Et comment ! On m’a proposé de jouer un rôle qui était vraiment passionnant. On ne rencontre pas souvent, dans des feuilletons, des personnages aussi complexes et ambigus. C’était, pour moi, une joie, forcément.
Je n’avais jamais tourné dans ce type de programme mais on m’avait dit que l’ambiance était très bonne. Je le confirme. J’ai été accueilli de manière extrêmement chaleureuse, avec une équipe vraiment très présente et très proche des comédiens. Les gens sont très concernés, très pros, il y a à la fois cette gentillesse et ce côté professionnel, hyper bien huilé, qui va très vite. Oui, cela m’a plu, cette production met vraiment à l’aise les acteurs, du coup on a envie de donner notre maximum.
Avez-vous eu des sources particulières d’inspiration pour l’interprétation de votre personnage ?
Je savais que j’avais à faire un travail de rupture entre un moment où on voit un personnage souriant, décontracté et celui d’un personnage qui se fige et qui devient tout autre. A la fin, j’avais en tête le personnage de Nicholson dans « The Shining », un type en apparence très sympathique qui, petit à petit, devient extrêmement inquiétant et dangereux. D’ailleurs, la fin d’Hugues se passe en forêt, c’est un peu un cauchemar, comme dans ce film. (rires…)
Mais bon, je ne crois pas trop non plus à la notion de personnage, je suis plus intéressé par les situations. J’essaie de me concentrer dessus. Sur un feuilleton, et c’est une chance, on travaille sur la durée (même si ça tourne très vite.) On a le temps de se voir à l’image, pour améliorer les choses.
Avec ma partenaire, Chrystelle Labaude qui joue Elisabeth Bastide, on était obsédé par le texte et sa signification. Par le sous-texte aussi d’ailleurs. Comme on s’entendait bien, on échangeait beaucoup en amont sur nos scènes, pour les approfondir, essayer de se prémunir des clichés.
Je jouais une forme de séducteur, qui s’avère être un escroc et finalement un personnage assez effrayant. Un fan de la série a lancé une interrogation en demandant si mon personnage d’Hugues a, à un moment donné, vraiment été amoureux d’Elisabeth. En tout cas, on a essayé de travailler là-dessus, sur quelque chose de sentimental, sur une vraie relation, avec un personnage qui n’est pas que perversion et dissimulation. En même temps, il y a de la manipulation et de la perversion dans beaucoup de relations amoureuses.
Quels principaux retours avez-vous pu avoir des téléspectateurs ? Certains ont-ils réussi à prendre un peu de recul sur votre personnage ?
Oui, et heureusement. Il y a eu, à l’inverse, des gens qui m’insultaient littéralement, qui se sont attaqués à mon physique, qui pensaient même que j’avais besoin d’argent pour accepter un tel rôle (rires…) J’avoue que ça m’a un peu énervé au début. Quand on joue un personnage négatif, les gens ne se rendent pas forcément compte que l’on essaie de développer quelque chose de moche aussi dans ses expressions, dans ses réactions, quelque chose de maladif et je dois l’avouer, j'ai adoré ça.
Heureusement, plein de gens ont vu des choses formidables, ont été très intéressés par la relation entre nos deux personnages (Elizabeth et Hugues) et ont dit des choses bien plus intelligentes que ce que j’aurais pu penser moi-même. C’est gratifiant pour les comédiens, j’étais très surpris. Des tas de gens m’ont envoyé des choses hyper touchantes et hyper gentilles sur mon travail d’acteur. Au bout du compte, je n’ai retenu que du positif. J’ai préalisé que les gens sont proches de la série et que l’on fait partie de leur propre famille. C’est marrant, c’est incroyable.
Sur une quotidienne, le rythme de tournage est particulièrement soutenu. Au fur et à mesure, avez-vous peaufiné et affiné votre méthodologie de travail ?
Bien sûr ! J’avais déjà travaillé dans des conditions encore plus drastiques. J’ai été le héros d’une série de France 2, il y a dix ans, « Préjudices », dans laquelle je jouais un policier, un personnage vraiment positif, à l’opposé d’Hugues. On tournait plus de vingt minutes utiles par jour, ce qui est dingue.
J’avais donc l’habitude de tourner très vite. Au début, ma première scène a été quand même un baptême du feu. J’étais en équipe 1, en studio, tout le monde virevoltait autour de moi…mais, au bout d’une journée, j’avais retrouvé le rythme. Je suis un laborieux, je travaille en amont, comme je le disais, j’apprends le texte au cordeau car il faut être précis et fluide en télé.
Evidemment, on aimerait passer plus de temps, on est un peu frustrés parfois, il y a des séquences que l’on aimerait peaufiner. J’ai le syndrome de l’escalier en moi, j’ai toujours envie de refaire, même si je me suis un peu soigné par rapport à celaJ. Mais il faut accepter, c’est un mode de production, c’est le jeu du feuilleton. On fait confiance, les séquences qui ne conviennent pas sont refaites. Et puis on travaille avec des réalisateurs talentueux et des coachs « aux petits oignons » avec nous, ça rassure.
En parallèle, dans un autre registre, on pourra vous retrouver d’avril à juin 2021, au Lucernaire, pour une pièce que vous avez déjà jouée l’année dernière. Pièce aux multiples personnages à interpréter. Comment présenteriez-vous ce spectacle ?
On touche du bois car plus rien n’est sûr avec cette pandémie. Ça s’appelle « Dieu habite Düsseldorf », un titre assez évocateur. C’était l’un des premiers textes de Sébastien Thierry, l’auteur à succès connu pour ses pièces caustiques et grinçantes. Là, c’est vraiment un festival, si j’ose dire, de noirceur mais aussi de rire. Ce ne sont que des situations où deux personnages n’arrivent absolument jamais à leur fin. Ce spectacle est un catalogue d’incapacités. Les personnages sont incapables de sortir de leur névrose et, en plus de cela, incapables de communiquer entre eux. Ça donne des quiproquos à n’en plus finir et des situations extrêmement comiques et pathétiques. Ça parle du monde du travail, de l’amitié, ça parle de la famille, de la sexualité, de la vie de tout un chacun en somme.
C’est un spectacle que je joue avec un acteur formidable, Éric Verdin, avec qui on a fait la mise en scène. On a créé un univers de déglingue un peu années 70, faussement futuriste et ringard en même temps. Qui est un peu une métaphore de notre société aussi. Ça nous a particulièrement amusé de faire un spectacle où les gens ne font que rater, alors qu’il y a aujourd’hui cette obsession permanente de la performance dans tous les domaines. Là, ce sont en quelque sorte des antis performants. L’écriture date d’il y a quinze ans mais elle entre en résonnance de façon extraordinaire avec l’époque que nous traversons. C’est un spectacle assez jubilatoire, on passe d’un personnage à l’autre, ce sont souvent des relations dominant-dominé, ultra réaliste et burlesque à la fois .Il y a par exemple un personnage qui veut acheter un zizi chez un vendeur comme ceux de la Fnac. Un autre est soudainement reçu chez un médecin car il a été dénoncé comme étant un imbécile. Sans oublier un employé de banque qui va dans une émission de télé parce qu’il a fait perdre des milliards à son entreprise. On est dans un univers à la fois de cauchemar et de poésie, ultra contemporain. C’est un spectacle qui nous tient à cœur, qui a eu beaucoup de succès quand on l’a monté à Paris.
Passez-vous « facilement », dans le jeu, d’un personnage à un autre ?
C’est la complexité de ce type de spectacle, ça demande une énorme concentration car, justement, il faut jouer à fond des situations complètement opposées, en l’espace de dix minutes. C’est un gros travail de lâcher-prise, pour passer d’une énergie à une autre. C’est un défi, c’est ultra fatiguant. Il faut de suite se reconcentrer, surtout qu’il y a tout un travail sur l’espace et la scénographie, pour créer des univers différents. Mais, à force de répéter, on a réussi à le conceptualiser et à se rapprocher de ce que l’on voulait.
Merci, Renaud, pour toutes vos réponses !