Julia Mevel nous présente sa nouvelle pièce, On purge bébé !

Publié le par Julian STOCKY

 

Bonjour Julia,

 

C'est un réel plaisir de vous revoir pour cette nouvelle interview.

 

1/ On peut vous retrouver actuellement sur la scène du théâtre Le Lucernaire, dans la pièce « On purge bébé ». Très simplement, comment décrire ce spectacle à succès ?

 

C'est une des dernières pièces écrites par Feydeau. Mais ça reste très actuel. Il en a écrites d'abord beaucoup avec du comique de situation, il allait chez Maxim’s s'inspirer des joyeux discours sociaux de la grande bourgeoisie de l'époque.

 

En fait, pendant les dix dernières années de sa vie, l'auteur a vécu dans un hôtel à Saint Lazare, il a été chassé de son foyer, il trompait sa femme avec hommes et femmes et il est mort de la syphilis. Bref, il était dans un état où il était sûrement dégoutté des relations sociales. C'est pourquoi il a écrit, selon moi, ses meilleures pièces ou, du moins, avec les répliques les plus ciselées. Dont « Feu la mère de Madame », « On purge bébé », « Mais n'te promène donc pas toute nue » où le rôle de la femme est majeur et où l'humour vient presque plus du texte que de la situation. Avant, il écrivait de grandes pièces avec énormément de personnages, comme «  Le dindon  » « La Dame de chez Maxim ».

 

C'est beaucoup plus tranché qu'avant, on le sent plus révolté mais c'est d’autant plus drôle et tragique en même temps. Cela traite énormément des relations humaines dans le couple et dans le foyer, ça parle aussi du monde des affaires. Parce que le personnage du mari, Monsieur Follavoine, essaie de vendre ses pots de chambre en porcelaine incassable. Il a un entretien dans la journée avec Monsieur Chouilloux, qui en tant qu’employé au ministère de la guerre peut faire force d’influence pour fournir toute l’armée française en pot de chambres. L’enjeu est de taille alors pour Monsieur Follavoine, alors que sa femme, qui elle est à peine habillée, vient lui parler des problèmes de constipation de son fils Toto – que je joue.

 

Je joue en fait trois rôles dans la pièce, c'est génial, un vrai régal. Je joue la servante, Rose, Toto, l'enfant et Madame Chouilloux, qui arrive à la fin de la pièce. Madame Chouilloux est la femme adultère et elle trompe son mari avec son cousin Monsieur Truchet, c’est ce qui est annoncé en 1ère scène. Alors, quand tout ce beau monde se retrouve, tout éclate dans une scène finale totalement associée au comique de boulevard. C’est d'une modernité incroyable.

 

2/ Justement, selon vous, quelles sont les raisons du succès de cette pièce ? Pourquoi plaît-elle autant aux spectateurs qui viennent vous voir sur scène ?

 

Le public nous dit souvent qu'ils se retrouvent tous, de façon hallucinante. Aujourd'hui, on tend de plus en plus vers l'égalité hommes-femmes, c'est exactement ce qui est dit dans cette pièce, où le personnage de la femme ne démord jamais.

 

Les deux personnages de mauvaise foi sont drôles également, ils ont des réactions qui peuvent paraître excessives. Ça prend des proportions dingues, voire absurdes, pour des bêtises. N'oublions pas non plus le rythme crescendo, où à la fin tout explose. La fin est délirante, le public rentre dans une intimité dérangeante et se retrouvent témoins de cela c’est passionnant.

 

3/ Vous le disiez, vous jouez successivement trois personnages aux tranches d'âge variées. Comment, d'un point de vue artistique, passez-vous facilement de l'un à l'autre ?

 

Frédéric Jessua, le metteur en scène, a eu raison de faire totalement confiance au texte avec une sincérité de jeu et une prise en compte importante des enjeux pour chacun des personnages.

 

On n'est pas dans la vanne à tout prix. On a d'abord travaillé sur un jeu très épuré et sincère. Du coup, je joue Rose très sincèrement, elle n'est pas là pour prouver quoi que ce soit, donc elle est totalement naïve mais elle pense avoir fait Sciences Po. Elle ne comprend rien mais elle est persuadée de ce qu'elle dit, ce qui est drôle. Ce qui fonctionne, c’est de ne pas le jouer, c'est tout à fait sincère et spontané de sa part.

 

Ensuite, il y a Toto qui arrive. Il a sept ans, je ne lui ai pas mis forcément un âge mais des intentions de jeu. En plus, j'ai beaucoup joué des enfants donc cette énergie-là me plaît beaucoup. C'est un enfant butté, qualifié d'enfant roi, où il y a presque un complexe d’Œdipe avec sa maman. On s'en rend compte à la fin, fin qui, selon certaines critiques, « glace le sang ». Je suis d'accord. Bref, cet enfant est sans gêne, presque diabolique et maléfique. Plus il y de bordel dans la maison, plus il aime mais plus il en souffre aussi. Ce n'est pas juste méchant pour être méchant.

 

A la fin, j'arrive en Madame Chouilloux, je m'éclate dans la caricature d'un personnage entre Chantal Ladesou et celui que j’aime tant imiter le personnage de ma Maman. Elle est très maniérée, elle est juste inscrite dans le texte de Feydeau comme étant une bourgeoise mais je profite de déborder un peu sur ce rôle. Elle cartonne à chaque fois, c’est une joie de la jouer, elle est très féminine, avec des talons de vingt centimètres. Le travail de costume, avec un chapeau, un long manteau et des talons aide beaucoup. C’est important aussi qu’on ne me reconnaisse pas de suite.

 

Ce sont de vraies incarnations que j'aime faire. Le métier de comédien, je le définirais comme quelqu'un qui sait un peu tout faire, même si évidemment, on a un naturel qui nous tend vers un « emploi ». Je prends énormément plaisir à incarner des personnages, déjà quand je faisais de l'improvisation.

 

En plus, je n'ai pas le temps de me mettre dans un état conscientisé. Je sors de scène en Toto énervé et je me change directement en Madame Chouilloux. Je n'ai pas le temps d'y penser, il faut que j'y sois. C'est lié au travail aussi, le metteur en scène m'a fait travailler la voix, ce qui m'aide également à trouver mon personnage. C’est très amusant.

 

 

4/ En parallèle de cette belle pièce, quels sont vos autres projets en cours actuellement ?

 

C'est un projet qui me tient beaucoup à cœur, avec mon amie, ma colocataire, ma partenaire de scène aujourd'hui, Lucie Calvet, qui est danseuse et acrobate professionnelle. On a vraiment deux parcours totalement différents, on s'est rencontrées il y a un an et demi. On a eu un coup de cœur et nous avons créé un spectacle qui mêle nos performances, de danse, de théâtre, de chant et d'acrobatie avec le tissu aérien.

 

Elle prend plusieurs formes différentes dans le spectacle. Je joue le personnage d’une femme qui essaie, comme tout à chacun, de faire sa vie, de réussir dans ce qu'il aime, de se chercher. Dans cette quête, cette femme est accompagnée d’une présence mystérieuse jouée par Lucie qui traverse plusieurs personnages du doudou, à sa conscience, en passant par son coach de vie. On débute par la mort de cette femme, toutes les images se rembobinent et les moments forts de sa vie sont déployés sur le plateau. C'est une super rencontre et j'espère qu’on ira loin avec ce spectacle.

 

Merci Julia pour ce bel échange !

Publié dans Théâtre

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