Emanuele Giorgi revient sur son parcours et évoque sa belle actualité !

Publié le par Julian STOCKY

 

Bonjour Emanuele,

 

Merci de nous accorder un peu de votre temps pour répondre à quelques questions.

 

1/ Vous êtes un artiste aux multiples casquettes et aux nombreuses cordes artistiques. Vous êtes sur les planches, vous faites de la comédie, vous avez exercé votre métier notamment en France et en Italie. De façon générale, qu'est-ce qui vous plaît dans votre quotidien ?

 

J'aime la théorie selon laquelle, d'un point de vue de la naissance de toute société, nous étions au début des chasseurs-cueilleurs et, après, la plupart des gens sont devenus des agriculteurs sédentaires. Sans parler de l'artistique, un aspect de mon métier qui fait que je n'aurais pas pu faire autrement est la possibilité de pouvoir gérer mon temps, mon espace et mon indépendance. Avec une vie qui, matériellement, marche plus ou moins bien, ce qui fait parti du jeu, mais cet esprit “chasseur”, de ne jamais savoir demain où je serai, est un aspect très important de ma vie, qui va très bien avec l'artistique.

 

D'un point de vue strictement “artistique” justement, ça dépend. Déjà, je pense que l'on pourrait parler de l'art pendant des heures car, concrètement, il ne faut pas forcément être un “artiste” pour faire de l’art, même si je n'aime pas ce mot. Tout le monde peut, comme je crois, vivre de façon “créatrice” chaque jour, pourvu qu’on ait développé une profonde capacité de “sentir” et de traduire quelque chose qui aille au delà de notre subjectivité pour la rendre universel.

 

Concernant mon métier d’acteur, j’éprouve un profond plaisir à jouer et à rentrer dans la peau du personnage, ce qui me permet de développer d'autres points de vue, sur moi, sur le monde.

 

 

2/ Retrouvez-vous des complémentarités entre le jeu sur scène et celui devant une caméra ?

 

J'ai été élevé et j'ai grandi dans un milieu d'acteurs façon Actor’s Studio dans lequel, théoriquement il n'y a pas de différence. Mais, évidemment, d'un point de vue technique, il y a différents facteurs qui doivent être tenus en compte.

 

Je ne vais pas vous dire que c'est le même travail. Le grand acteur britannique Michael Caine disait que le théâtre est un travail au scalpel et le cinéma au laser…

 

3/ A titre personnel, l'une plus que l'autre vous plaît-t-elle davantage ? Ou est-ce le fait de faire les deux qui vous attire ?

 

Comme déjà dit, j’ai eu une formation purement cinématographique pendant des années. Je suis plutôt tourné vers le cinéma et l'audiovisuel du coup.

 

La vie, ensuite, a fait que, entre 20 et 30 ans, j'ai fait surtout du théâtre. Au moment où je me suis détaché de cet art, c'est plutôt la caméra qui est venue me chercher. Donc les deux sont très intéressants, mais si je devais choisir, je retiendrais le cinéma. Je ne sais pas si je marche mieux sur une scène ou sur un plateau, je sais juste que c'est différent.

 

4/ Spontanément, parmi toutes vos expériences, l'une d'entre elles vous a-t-elle plus marqué encore que toutes les autres ?

 

C'est évident que travailler sur « Plus Belle la Vie » est un paradoxe pour moi. Parce que je n'ai jamais cherché la télé. Je n'en ai même pas une chez moi !…

 

Ce n'est pas quelque chose vers lequel je serais allé spontanément, au moins à une certaine époque. Lorsque j'ai commencé « Plus Belle la Vie », ce fut une expérience très forte car, très rapidement, je me suis aperçu du potentiel lié au fait de tourner dans une série, d'un point du vue strictement lié au travail sur le personnage. Oui, il y aurait plein d'épisodes que je pourrais vous raconter. Cette série ne m'a pas changé, comme personne, mais c'est une expérience tellement “totale”, tellement complète que, effectivement, c'est très remarquable.

 

« Plus Belle la Vie » me permet d'explorer plein des facettes de mon personnage : quand j’ai fait le casting pour le personnage de Francesco Ibaldi, il était défini par les auteurs comme un “écorché vif” et, aujourd’hui, je me permets aussi de l’amener sur un coté plus brillant, parfois comique, tout en devant jongler avec sa sensibilité et son impulsivité.

 

En Italie j’ai travaillé aussi avec des acteurs importants comme Vincent Gallo ou Claudio Santamaria et avec des réalisateurs américains tels que Mike Figgis. Mais si je dois choisir les deux expériences les plus marquantes dans ma carrière, je crois que parmi toutes je citerais celle qui m’a permis d'interpréter le dieu Dionysos sur les “Bacchantes” d'Euripide, une expérience qui m’a profondément changé. Sans doute aussi cette magnifique aventure que je suis en train de vivre avec la Compagnie du Libre Acteur de Sebastien Bonnabel.

 

5/ Face à un rythme souvent soutenu sur un plateau de tournage, avez-vous en amont une méthodologie de préparation particulière, pour ensuite être aussi disponible que possible ?

 

Avec mon type de formation, il y a un certain protocole naturel à respecter. La première phase est la relaxation. Suivi du travail sensoriel où je vais chercher en moi les émotions dont je vais avoir besoin pour telle ou telle séquence. C'est un protocole plutôt stricte que j'ai souvent appliqué.

 

Mais sur un plateau d'une quotidienne comme « Plus Belle la Vie », je n'ai pas pu appliquer cette méthode sous sa forme la plus orthodoxe. Il y a une telle rapidité que le travail relève plus d'une forme de “performance”. En très peu de temps, on doit éveiller nos sens en étant à l'écoute de ce que l'on nous demande. On arrive sur le plateau, on a étudié nos textes parfois la veille lorsque l'on a beaucoup de séquences (jusqu'à huit par jour !), on fait une mise en place avec le réalisateur et l'équipe technique puis on tourne direct. Il y a une très bonne ambiance, ce qui est génial !

 

Avant de rentrer sur le plateau, je garde quand même mon petit rituel d'isolement. Lorsque j'ai une scène particulièrement dramatique, j'utilise de la musique, je me mets dans un coin, je me concentre, je rentre petit à petit dans le jeu. Avec mes outils, ma sensibilité, en cherchant ce que demandent le réalisateur et les acting-coachs, tout en voulant toujours être à mon aise. Je cherche à être en harmonie avec moi-même, même si parfois il faut faire des compromis, sinon je ne pourrais pas faire ce métier.

 

 

6/ Vous êtes sur ce tournage depuis de nombreuses années. Que dire sur cette belle aventure artistique ?

 

C'est une expérience extraordinaire d'un point de vue artistique, technique et humain. Il y a vraiment une très bonne ambiance, je n'arrêterai pas de le dire. Il y a une telle ambiance que tous ceux qui arrivent à Marseille ont envie d'y rester !

 

Cela fait trois ans que je vis une très belle aventure avec mes collègues. En plus, je travaille avec de plus en plus de partenaires différents. Je travaille aussi de plus en plus avec des hommes, parfois même plus âgés que moi. Ils ont d'autres registres, je vais donc chercher d'autres choses, car au début Francesco était souvent entouré d’une (ou “plus”) fille…

 

7/ En parallèle, vous êtes sur scène, au Ciné 13, avec « SMOKE RINGS ». Dans un genre théâtral assez particulier. Comment présenteriez-vous ce beau spectacle ?

 

Le théâtre immersif existe déjà comme genre, même s'il n'est pas très exploité en France. Mais les mise en scène de Sébastien Bonnabel sont, à mon avis, quelque chose de totalement révolutionnaire comparé à tout ce qu’on voit au théâtre aujourd’hui. Le public est en perpétuel mouvement avec les personnages dans une danse faite d’émotions, de sens et de volupté.

 

Les situations prennent vie soudainement autour et parmi le public, qui dans cette danse se reflète comme dans un miroir déformé. J’aime infiniment cette dimension “initiatique” de cette pièce, le parcours du public dans les espaces me rappelle immédiatement les "Mystères d’Eleusis" qui pendant toute l’antiquité greco-romaine étaient pour les participants le véhicule du développement d’une vision “autre” de soi et de l’âme humaine, à travers un parcours initiatique qui prévoyait une modification de la conscience. Le public reste à travers ce parcours et l’impossibilité de déterminer ce qui va se passer constamment éveillé sur le plan émotionnel, sensoriel et psychique et ça leur permet de vivre une véritable “expérience”. Dans ce sens, il s’agit pour moi, carrément d’un retour aux origines du théâtre grecque ancien.

 

A ça j’ajoute que l’esthétique de Sébastien, ainsi que sa direction des acteurs, m'ont immédiatement convaincu de faire cette pièce. D’ailleurs mes collègues sont des acteurs absolument remarquables, que très rarement on a la possibilité de savourer sur scène. J'avais vu la pièce deux fois avant de rejoindre la troupe et j'avais été étonné par leur niveau de jeu. Forcément, il se passe toujours quelque chose à chaque fois : ce que l'on voit n'est jamais machinal ou mécanique mais totalement vif et jouissif.

 

8/ En termes de jeu et d'interprétation, le théâtre immersif implique-t-il des adaptations, comparativement à un spectacle plus traditionnel ?

 

Il y a une logistique à respecter, on doit parfois réussir à se créer une place aux côtés du public ou à intégrer la présence des gens, comme si l'on était dans un café. Ensuite, c'est de la vie, il faut être vivant sur la « scène », dans cette autre forme artistique.

 

9/ Pour terminer, quels sont vos autres projets et actualités du moment ?

 

J'ai tourné un pilote d'une mini série, « Un italien à Paris », que j'interprète. Je produis ce programme avec peu de moyens mais avec une certaine fraîcheur. J'espère que le résultat sera à la hauteur. Nous avons tourné déjà trois épisodes. Par la suite, on essayera de proposer ce projet à des producteurs et des distributeurs, mais pour le moment c’est encore tôt.

 

C'est un petit format de quatre à six minutes, c'est très comique et grotesque. On y met en avant un italien qui vit un choc culturel en habitant à Paris. Le soleil et la nourriture italienne lui manquent. Il a du mal à mettre en place certains rituels, il a tendance à cacher un besoin d'air à sa copine Pauline, qui est interprétée par ma compagne, la “bravissima” Cécile Mazéas.

 

Pauline est plus cartésienne, plus carrée que Cesare, c'est une intellectuelle, lui est plus tourné sur le physique, sur une esthétique plus terrienne. Ses deux plans se croisent, une certaine alchimie se forme entre eux et ils s'aiment beaucoup. Je citerai aussi Gladys Cohen, une des piliers de « Plus Belle la Vie », où elle joue Seta. Elle joue ma maman dans ce programme court à trois personnages.

 

Ce fut un plaisir, Emanuele, d'échanger avec vous !

Publié dans Télévision, Théâtre

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