Et si on s'aimait ? - Interview croisée avec Camille Cointe et Marie Iasci !

Publié le par Julian STOCKY

 

 

Bonjour Camille, bonjour Marie,

Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous !

Vous êtes les co-autrices de la pièce « Et si on s’aimait ? », actuellement à l’affiche dans un chouette lieu, A la folie théâtre. Camille, vous êtes aussi sur le plateau et Marie, vous vous occupez également de la mise en scène. A titre personnel, on imagine sans doute la joie que cela doit être pour vous de voir ce projet se concrétiser ?

Camille : Oui, c’est un rêve de petite fille qui se réalise. Quand on s’est rencontrées avec Marie il y a bientôt quatre ans maintenant, que l’on a commencé à écrire ensemble et que l’on a monté notre compagnie, si on nous avait dit à ce moment-là qu’une de nos pièces allait se jouer trente-trois fois dans un théâtre parisien avec, en plus, un public content, on aurait signé dix fois, on aurait dit « allez, c’est parti, allons-y ».

Marie : Il y a vraiment cette fierté de lancer notre compagnie, de se lancer dans le vide avec, en plus, un projet qui est vraiment le nôtre à part entière, que l’on a écrit. Quand on s’est rencontrées avec  Camille, on s’est tout de suite dit que l’on avait envie de raconter des histoires et d’écrire ensemble. C’est vrai que c’était très risqué, on est parti à l’aveugle, on a fait un saut dans le vide : on ne savait pas si la pièce allait marcher, ni si elle allait plaire. Ce bébé est notre projet, c’est une immense fierté de le voir naitre et évoluer !

Camille : On a aussi la chance d’avoir une équipe qui est la même depuis le début. Ils aiment tous le projet autant que nous. Je trouve que l’on a vraiment cette chance, sur ce premier projet, avec l’ambition que l’on y mettait, d’être suivies par nos comédiens. Ils sont quand même cinq, ça fait du monde, ils se battent pour notre projet. Ils sont contents d’être sur scène, vont tracter avec plaisir et je pense que l’on n’aurait pas pu rêver mieux pour une première exploitation.

 

 

Si l’on continue à se plonger dans la genèse de ce projet, quelles principales raisons vous avaient donné l’envie d’aborder ce thème ?

Marie : Alors, on va dire que l’amour est un sujet qui nous travaille beaucoup ! Avec Camille, on a eu des discussions entières tard le soir sur l’amour et sur le couple. En réalité, on avait déjà écrit toutes les deux une première pièce de théâtre qui parlait aussi d’amour et ce projet n’avait malheureusement pas vu le jour. Mais c’est au cours du travail sur ce premier projet inachevé qu’on a commencé à se raconter nos propres expériences. De fil en aiguille, on a évoqué nos anecdotes de premiers rencards plus ou moins concluants, plutôt moins que plus d’ailleurs et ça nous a fait beaucoup rire. Nous qui cherchions un nouveau sujet d’écriture pour répondre à un concours d’écriture organisé par notre école, Camille a eu l’idée de raconter justement une succession de rendez-vous amoureux qui se passent plus ou moins bien, et d’aller les décliner sous forme d’une comédie à scénettes. C’est comme cela que l’on a démarré l’écriture.

Camille : Avec Marie, on est très complémentaires et on travaille très bien toutes les deux. Mais je trouve que le plus compliqué reste de trouver une idée de sujet. Une fois qu’on l’a, on sait qu’on est lancées et j’aime l’idée de me dire que ce jour-là, on s’est regardées, on s’est comprises et on est allées là-dessus. On avait beaucoup de choses à raconter dessus, c’est un puits sans fond, entre nos anecdotes, celles de nos amis ou celles trouvées sur internet. C’est marrant, on a commencé l’écriture de cette pièce avec nos propres expériences, en parlant de nos propres rendez-vous, en les modifiant pour les rendre théâtraux mais, aujourd’hui, il n’y en a quasiment plus dans la pièce. Parce que l’on a eu d’autres idées et qu’on a eu envie d’autre chose.

Marie : L’écriture s’autonourrit, on part toujours de soi peu importe le sujet que l’on aborde. Mais, finalement, on s’est aperçu que les formes prises pour raconter nos histoires personnelles étaient intéressantes mais que le fond l’était moins. On a pris du coup le concept de style, que l’on a transposé dans une nouvelle histoire mais qui s’inspire toujours malgré tout de sentiments que l’on a réellement vécus, de petites phrases que l’on a entendues.

 

 

Camille : Oui, on s’inspire de ce que l’on est, de ce que l’on vit au quotidien, de notre état d’esprit au moment où on écrit. L’avantage que l’on a avec Marie est que l’on est très complémentaires dans l’écriture, on n’écrit pas de la même manière mais on veut dire les mêmes choses. On s’est toujours comprises…

Marie : C’est vraiment notre force, on n’a pas, à la base, le même style d’écriture et, du coup, ça se mélange assez bien. C’est aussi rassurant, pour une première écriture parce que l’on est de jeunes autrices, de ne pas se lancer seule dans ce truc qui peut être effrayant, à savoir la création d’une œuvre artistique littéraire. Le fait d’être à deux nous permettait de nous compléter mais aussi de nous soutenir. Oui, c’était une bonne chose, le duo était toujours proactif !

Camille : D’ailleurs, cette pièce n’a pas mis beaucoup de temps à être écrite. Pour l’école, il fallait que l’on ait une version de vingt minutes, ce qui était équivalent à environ cinq scènes. On s’était dit que l’avantage des scénettes était que l’on pouvait en écrire autant qu’on voulait et que l’on choisirait les cinq meilleures. C’est ce que l’on a fait mais, en fait, on avait quasiment déjà une version longue, il ne manquait plus qu’à la réorganiser. Alors, ça a beaucoup changé depuis mais, en écrivant nos vingt minutes, on avait déjà plus d’une heure de matière…

Marie : C’était très agréable de travailler par scénettes, d’autant plus quand on parle d’un sujet comme le premier rendez-vous. Cela a été un vrai challenge pour nous deux à l’écriture et pour moi, personnellement, à la mise en scène, de se dire comment raconter dix premiers rendez-vous sans tomber dans des redites ou des banalités.

 

 

Camille : Quand on a joué le format de vingt minutes au concours, une professeur nous avait dit qu’elle avait adoré, trouvant cela super et nous avait alertées sur le fait d’être vigilantes à ne pas tourner en rond. Du coup, on s’est dit qu’il fallait créer des concepts de rendez-vous, plus que des rendez-vous finalement.

Marie : Du coup, on s’est torturé un peu l’esprit mais c’était ultra stimulant en termes de recherche d’écriture. Globalement, on a une écriture qui est presque déjà de la mise en scène, elle porte en elle la façon dont elle va être traitée au plateau. Donc on s’est amusées à ne pas partir dans quelque chose de réaliste, certaines scènes le sont mais la majorité se déroulent dans une espèce de réalité alternative où, en fait, c’est le sentiment amoureux qui fait faire des folies dans ce que l’on raconte et dans le corps. On est presque dans un univers fantastique, par moment poétique ou burlesque. Cela nous a stimulées, on ne s’est mis aucune barrière, ni à l’écriture, ni à la mise en scène. Globalement, on a toujours pu faire ce que l’on voulait.

Camille : On s’est fait plaisir, on ne s’est pas frustrées dans nos choix !

Camille, nous l’avons dit, vous êtes aussi l’une des comédiennes de la pièce. Cette succession de situations doit sans doute vous permettre de proposer une palette de jeu large et variée ?

Camille : Etant cheffe de projet avec Marie, j’ai pu choisir les scènes que je voulais jouer. C’est intéressant, quand on a écrit ces personnages avec Marie, on les a forcément imaginés et, du coup, je ne sais pas si j’ai la même vision qu’un comédien qui a rejoint le projet. On en avait tellement parlé toutes les deux que je savais déjà ce qu’on voulait. Je trouve que la pièce à scénettes a cet avantage que l’on ne s’encroute pas dans un personnage. En même temps, on ne travaille pas un personnage sur la longueur, ce qui est très intéressant aussi. Là, on sait que l’on a cinq à sept minutes pour tout donner. Les enjeux ne sont donc pas les mêmes, là on ne cherche pas à ce que le public s’attache à nous, on est là pour faire vivre aux gens un instant intense avec nous sur cinq à sept minutes et pour recommencer ensuite sur une nouvelle scène. Je trouve cela stimulant ! On a aussi beaucoup travaillé en amont sur les liens entre nos personnages et sur leur passé.

Marie : En effet, le danger de la comédie à scénettes est de ne pas provoquer d’attachement du public aux personnages qu’ils voient sur scène. C’est aussi pour cela que l’on a voulu que chaque comédien ait entre quatre à six personnages. A chaque fois, on a essayé, en répétition, de créer de vraies personnes, et non pas des archétypes. On a exploré le passé des personnages, comment ils se sont rencontrés, d’où ils viennent, à quel point ce sont des galériens en amour. Même si c’est quelque chose qui ne sera jamais dit au public, les comédiens, eux, le savent, jouent avec et ça rajoute du corps, de la vérité à des personnages temporaires. C’est plus agréable pour les artistes et cela crée de l’attachement parce que ça rend réels les personnages en fait.

 

 

Marie, vous êtes aussi en charge de la mise en scène mais, contrairement à Camille, vous n’êtes pas comédienne cette fois-ci. Comment vivez-vous ces moments, lors des représentations, où vous laissez quelque part le projet dans les mains de l’équipe ?

Marie : La casquette d’auteur/metteuse en scène est intéressante et, en plus, je suis moi-même comédienne aussi. Il y a parfois une petite frustration quand je les vois s’éclater au plateau et que j’entends les gens rire dans la salle. J’aimerais alors bien être avec eux sur scène et, en même temps, c’est un plaisir en fait très très différent de faire la mise en scène. En fait, j’ai une confiance aveugle dans cette équipe de comédiens et je sais très bien que le projet est lancé, qu’ils n’ont plus besoin de moi. Maintenant que le spectacle est bien lancé, on peaufine deux à trois trucs mais mon travail est principalement fait : la scénographie est créée, la mise en scène est faite, le travail de répétitions a eu lieu. Quand je me mets dans la salle, je suis parfois juste en mode spectatrice et je suis fière d’eux. Ils arrivent encore à me choper et me faire rire sincèrement. C’est un plaisir de les voir jouer.

Plus généralement, quels principaux retours pouvez-vous avoir du public ?

Marie : On a des retours très très positifs et on en est très heureux. Celui qui revient le plus est que les gens n’ont pas vu le temps passer. Le public nous dit parfois qu’à la fin, il aurait voulu des scénettes supplémentaires, pour prolonger le plaisir. On a d’excellents retours sur les comédiens, beaucoup de personnes viennent me voir pour me dire que l’équipe est super, que c’est jeune, frais et dynamique. Les gens s’identifient aussi aux histoires, personnages ou dynamiques. Car on met en scène à la fois des gens qui se rencontrent pour la première fois, des amis ou encore des collègues de bureau. Tout le monde peut choper quelque chose…

Camille : C’est marrant, quand on a défendu le projet, on s’était donné une fourchette d’âges cibles, on comptait sur du 25/45 ans et, en fait, on a des couples qui viennent, qui ont 50/60 ans et qui nous disent, à la fin, avoir adoré. Malgré le fait notamment que l’on parle aussi des applications, dès les deux premières scènes. J’étais assez surprise de cela, on parle vraiment à tout le monde !

Marie : Parce que la pièce parle d’amour en fait, au-delà même du rencard et de la rencontre amoureuse. On se rend compte que ça parle à tous les âges, même aux pré-ados que l’on a accueillis.

Camille : J’ai eu un moment d’émotion assez importante, il y a quelques jours. C’était un super week-end et, les trois soirs, des gens sont venus nous voir pour nous remercier. Je me suis alors dit que c’est pour ces retours-là que l’on a fait ce projet. En effet, avec Marie, ça nous éclate, on a écrit une pièce, on a pensé aux scénographies, on a recruté des comédiens, on a bossé, on a fait des résidences, on s’est marrées, on s’est disputées, on a eu beaucoup d’émotions en deux ans et c’est pour ces retours du public qu’on l’a fait. Je pense à ces deux « inconnus » venus de Picardie qui nous ont remerciées d’avoir passé un super moment. On se dit que ça valait le coup d’avoir passé ces deux ans à dormir et à manger « Et si on s’aimait ? ».

Marie : On n’a pas fait cela pour rien. Pendant une heure dix, on transporte les gens dans un moment qui va juste les faire rire, les émouvoir et ils vont sortir de là avec la banane, en étant heureux d’être venus au théâtre. Avec Camille, on a envie de faire un théâtre qui va donner l’envie aux gens d’y retourner.

 

 

Au-delà des dates déjà prévues jusqu’à mi-avril, quelle suite aimeriez-vous pouvoir donner à cette aventure ?

Camille : On a toujours cru à ce projet, dès le premier jour. On a toujours été d’accord, avec Marie, pour se dire qu’on l’emmènera le plus loin possible, même s’il finissait par tourner sans nous.

Marie : A plus court terme, après cette exploitation, l’objectif, oui, serait de faire vivre le spectacle le plus possible et d’essayer d’aller proposer la pièce en dehors de Paris. Pour la compagnie en règle générale, au-delà même de cette pièce, on a envie, avec Camille, de raconter d’autres histoires et donc je pense que ce n’est pas le seul et unique projet. On cherche encore l’idée du prochain mais on trouvera !

Merci, Camille et Marie, pour toutes vos réponses !

Publié dans Théâtre

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