C’est pas facile d’être heureux quand on va mal : Baya Rehaz évoque la pièce de théâtre dans laquelle elle joue actuellement !
Bonjour Baya,
Quel plaisir de vous retrouver pour cette nouvelle interview !
Vous êtes actuellement sur scène, au théâtre Lepic, dans la pièce « C’est pas facile d’être heureux quand on va mal ». A titre personnel, on imagine la joie que cela doit être pour vous ?
C’est un cadeau énorme de la vie ! Je suis extrêmement centrée avec ce que je suis en train de faire, c’est exactement l’endroit où je voulais être, un endroit de jeu avec un personnage génial à défendre, entourée d’une équipe hyper bienveillante. Il y a vraiment un esprit de troupe, avec beaucoup d’amour. C’est excitant de rencontrer un public différent chaque soir et donc de se renouveler à chaque fois. C’est fou, c’est dingue !
Sans tout en dévoiler, avec vos mots, comment présenter cette pièce ?
Elle parle de la dépression, des difficultés à trouver le bonheur dans la vie, des raisons que l’on se trouve à être malheureux. Ce sont 5 parisiens, qui sont tous à un moment compliqué de leur vie et on les regarde se débattre avec leurs émotions. Il y a un couple où l’amour s’est vraiment épuisé ; elle est très en colère, lui est traumatisé par la Shoah, il y a une jeune femme qui apprend qu’elle a un cancer, il y a un jeune homme qui multiplie les rencontres sur les applications pour trouver l’homme de sa vie et un autre qui ne sait pas comment s’ouvrir aux autres…
Ce panel de personnages permet aux spectateurs de s’identifier et de se projeter…
C’est exactement cela ! Cette pièce est une espèce de miroir, un peu déformant bien sûr, qu’on tend aux gens, où chacun des spectateurs peut se retrouver, elle résonne énormément ... il y a même une identification qui peut s’opérer. C’est touchant, je trouve, après la pièce d’entendre les gens nous raconter à qui ils se sont identifiés et pourquoi. Les échanges post spectacle sont assez profonds du coup.
Quel regard, plus personnellement, portez-vous sur votre personnage ?
Je comprends Nora, mon personnage, surtout par rapport à mon métier d’artiste : j’ai été amenée à fabriquer mes projets en autoproduction parce que les portes ne s’ouvraient pas. Nora a ce rapport âpre à la vie parce que les portes ne se sont jamais vraiment ouvertes pour elle et que tout est difficile. Elle a dû trimer beaucoup et, à force, elle est devenue ce que les autres appellent, dans la pièce, « un raisin sec » : elle est un peu aigrie, un peu agressive, très en colère mais ça vient d’une tristesse profonde et d’un sentiment d’injustice. J’ai connu ça et du coup je voulais défendre au mieux Nora, qu’on comprenne sans raconter son histoire pourquoi elle était devenue comme ça. J’ai pu ramener cela à moi par rapport au métier d’acteur, où j’ai dû relever les manches, créer mes projets en auto production pour montrer mon travail…C’est mon parcours et j’en suis très fière. Le métier d’acteur, c’est être dans le désir de l’autre : quand j’ai commencé, je me suis dit que ça allait être simple mais j’ai vite compris qu’il allait falloir que je m’accroche. C’est parce que je me suis accrochée que je suis là aujourd’hui à défendre ce sublime rôle dans cette géniale pièce.
Artistiquement parlant, ce personnage vous permet une palette de jeu large et variée, ce qui doit certainement être particulièrement plaisant pour vous…
Vous avez dit les bons mots, c’est particulièrement plaisant, c’est jouissif même, c’est jubilatoire. Le théâtre a cette force que ça change tous les soirs : on joue sur l’immédiateté. Il faut de suite être très centré, très concentré, très exigeant, très précis, très dans l’écoute et dans le moment présent pour que ça marche. Ça joue aussi avec le public, du coup ça bouge tous les soirs.
Ce personnage passe par toutes les émotions, il est très haut en couleurs, il n’est qu’en ruptures de jeu, pour parler un peu technicité. C’est génial pour moi ! Nora passe par tout, par de l’émotion, par du lâcher-prise, par des phases de colère, par des phases de tristesse. Je ne pourrais pas être à un meilleur endroit pour montrer aux gens la comédienne que je suis. C’est hyper rare d’avoir cette opportunité de défendre un personnage aussi complexe avec toutes ces couches. Le faire au théâtre est encore mieux parce que c’est sans filet : je ne suis sauvée par rien, il n’y a pas de montage, de musique, d’étalonnage, de jolis costumes, de jolis maquillages. C’est génial, c’est brut, j’y suis telle que je suis…Oui, c’est incroyable !
Pour en revenir à la pièce dans son ensemble, il est à noter que les scènes se répondent les unes aux autres, dans les répliques…
Oui, c’est vrai que c’est une des forces de l’écriture. Une scène se finit sur un dialogue et la réplique de la scène suivante répond à ce dialogue de fin. Donc cela permet un fil directeur, accentué par la fluidité trouvée dans la mise en scène. Ce qui fait que l’on est dans l’énergie d’une scène et qu’on n’a plus qu’à se tourner, à bouger le module central du décor pour se retrouver, tout d’un coup, dans une autre scène, dans une autre énergie, à un autre moment, parfois une semaine ou un mois plus tard. C’est dingue parce que ça permet, je crois, de ne pas perdre les spectateurs. En tout cas, ce qui l’en ressort, c’est qu’il n’y a pas de moment où les gens déconnectent : ils sont tenus, il n’y a pas de temps mort, il y a cette fluidité et cette précision, il y a un rythme de jeu assez dense,…C’est une des grandes forces de cette pièce.
D’ailleurs, parmi les autres grandes forces, une petite surprise attend les spectateurs avant même le début du spectacle…
C’est un choix qui est arrivé assez rapidement pour Nicolas et Rudy, où on emmène gentiment les spectateurs dans l’univers, sans qu’ils ne s’en rendent vraiment compte. Il y a un pré-show, avec de la musique : les chansons sont interprétées par Erwan et jouées par Nicolas. Nous sommes sur scène dans notre groupe, c’est un moyen pour nous d’entrer de suite en contact avec le public. Après, évidemment, il y a ce fameux quatrième mur que l’on ne casse jamais mais on sent de suite la salle. En fait, cela détend vraiment beaucoup, on sent une énergie bienveillante et un amour pour nous. Ensuite, très doucement, sans coupure, on rentre dans le spectacle en partant de cela…Je trouve que c’est une idée géniale !
Après seulement quelques jours à l’affiche, les retours sont chaleureux et l’affluence est au rendez-vous. Sans doute que cela doit vous faire chaud au cœur ?
Oui ! On est seulement dans notre troisième semaine d’exploitation, les salles se remplissent, on a été complets plusieurs fois, c’est une chance folle ! Le bouche à oreille s’est fait très vite, c’est dingue, on n’en revient pas nous-mêmes. A chaque fois, on est trop contents, ça ne nous met pas de pression parce qu’on est très investis, on est vraiment dans le travail, on ne se relâche pas d’une représentation à l’autre, on rejoue tout à chaque fois ! On a vraiment envie que ça marche, que ça plaise et on met tout, on est très impliqués. C’est génial de savoir qu’un travail est récompensé, que ce que Rudy a écrit en 2020 pendant le confinement est aujourd’hui sur scène et plait aux gens. Quand on est dans le travail, on n’a pas de public, on joue à vide donc on ne sait pas ce qui va marcher et ce qui ne va pas marcher…On avait hâte d’être face au public, il aide au dynamisme de la pièce. De savoir que ça plait, que ça répond bien, que les gens ont envie de venir est un cadeau dingue !
Au fur et à mesure des représentations, certainement que vous affinez encore, à la marge, et ajustez, selon vos impressions et les retours de la salle ?
Exactement ! De toute façon, le théâtre bouge tout le temps. Ça ne finit jamais d’évoluer : on trouve des choses tous les jours…En fait, le spectacle est tellement mis en place et précis que, pour nous, à l’intérieur, ça change parce qu’on est plus fluides, plus à l’aise, plus entreprenants mais le spectateur, lui, reçoit à chaque fois le même spectacle : c’est quand même signe qu’il y a, à la base, un travail très solide ! En tout cas, c’est génial de trouver de nouvelles choses au fur et à mesure : tout d’un coup, on dit une réplique autrement et on la comprend tellement mieux. C’est fou de trouver cela ! On cherche en permanence, on n’arrête pas de grandir… Je crois que je retiendrai cela de cette expérience.
Que peut-on ainsi vous souhaiter pour la suite de cette belle aventure ?
On espère que ça va continuer comme cela, qu’il va y avoir de plus en plus de monde, de plus en plus de curiosité pour cette pièce…On espère que les gens seront heureux et contents de voir notre pièce : on espère leur faire du bien !
En complément, quels sont vos autres projets ou actualités artistiques en ce moment ?
J’ai fait une réalisation pour « La petite histoire de France », juste avant les répétitions et c’est déjà en diffusion, c’est génial ! C’est assez rare d’ailleurs…Le programme est visible sur W9 tous les samedis à 21h. Je n’oublie pas non plus la saison 15 de « Scènes de ménages » mais, en toute honnêteté, j’ai mis en pause mon travail de réalisatrice pour me consacrer à cette pièce. Je savais que ce serait un gros challenge pour moi qui ne viens pas du théâtre, avec, en plus, un personnage riche. Il fallait que je m’y immerge totalement et je n’en suis pas encore revenue. Je travaille encore dessus ! En tout cas, je ne suis pas du tout dans l’après, je suis dans le kif du moment présent ! C’est tellement rare d’être aligné avec ce que l’on a envie et ce que l’on veut qu’il faut profiter quand ça arrive…
Merci, Baya, pour toutes vos réponses !