C’est pas facile d’être heureux quand on va mal : Baya Rehaz évoque la pièce de théâtre dans laquelle elle joue actuellement !

Publié le par Julian STOCKY

@ Alexandro Guerrero

 

 

Bonjour Baya,

Quel plaisir de vous retrouver pour cette nouvelle interview !

Vous êtes actuellement sur scène, au théâtre Lepic, dans la pièce « Cest pas facile d’être heureux quand on va mal ». A titre personnel, on imagine la joie que cela doit être pour vous ?

Cest un cadeau énorme de la vie ! Je suis extrêmement centrée avec ce que je suis en train de faire, cest exactement lendroit où je voulais être, un endroit de jeu avec un personnage génial à défendre, entourée dune équipe hyper bienveillante. Il y a vraiment un esprit de troupe, avec beaucoup damour. Cest excitant de rencontrer un public différent chaque soir et donc de se renouveler à chaque fois. Cest fou, cest dingue !

Sans tout en dévoiler, avec vos mots, comment présenter cette pièce ?

Elle parle de la dépression, des difficultés à trouver le bonheur dans la vie, des raisons que lon se trouve à être malheureux. Ce sont 5 parisiens, qui sont tous à un moment compliqué de leur vie et on les regarde se débattre avec leurs émotions. Il y a un couple où lamour sest vraiment épuisé ; elle est très en colère, lui est traumatisé par la Shoah, il y a une jeune femme qui apprend quelle a un cancer, il y a un jeune homme qui multiplie les rencontres sur les applications pour trouver lhomme de sa vie et un autre qui ne sait pas comment s’ouvrir aux autres…

 

@ Alexandro Guerrero

 

Ce panel de personnages permet aux spectateurs de sidentifier et de se projeter…

Cest exactement cela !  Cette pièce est une espèce de miroir, un peu déformant bien sûr, quon tend aux gens, où chacun des spectateurs peut se retrouver, elle résonne énormément ... il y a même une identification qui peut s’opérer. C’est touchant, je trouve, après la pièce d’entendre les gens nous raconter à qui ils se sont identifiés et pourquoi. Les échanges post spectacle sont assez profonds du coup.

Quel regard, plus personnellement, portez-vous sur votre personnage ?

Je comprends Nora, mon personnage, surtout par rapport à mon métier dartiste : jai été amenée à fabriquer mes projets en autoproduction parce que les portes ne souvraient pas. Nora a ce rapport âpre à la vie parce que les portes ne se sont jamais vraiment ouvertes pour elle et que tout est difficile. Elle a dû trimer beaucoup et, à force, elle est devenue ce que les autres appellent, dans la pièce, « un raisin sec » : elle est un peu aigrie, un peu agressive, très en colère mais ça vient dune tristesse profonde et dun sentiment dinjustice. J’ai connu ça et du coup je voulais défendre au mieux Nora, qu’on comprenne sans raconter son histoire pourquoi elle était devenue comme ça.  Jai pu ramener cela à moi par rapport au métier dacteur, où jai dû relever les manches, créer mes projets en auto production pour montrer mon travail…Cest mon parcours et jen suis très fière. Le métier dacteur, cest être dans le désir de lautre : quand jai commencé, je me suis dit que ça allait être simple mais j’ai vite compris qu’il allait falloir que je m’accroche. C’est parce que je me suis accrochée que je suis là aujourd’hui à défendre ce sublime rôle dans cette géniale pièce.

Artistiquement parlant, ce personnage vous permet une palette de jeu large et variée, ce qui doit certainement être particulièrement plaisant pour vous…

Vous avez dit les bons mots, cest particulièrement plaisant, cest jouissif même, cest jubilatoire. Le théâtre a cette force que ça change tous les soirs : on joue sur limmédiateté. Il faut de suite être très centré, très concentré, très exigeant, très précis, très dans l’écoute et dans le moment présent pour que ça marche. Ça joue aussi avec le public, du coup ça bouge tous les soirs.

Ce personnage passe par toutes les émotions, il est très haut en couleurs, il nest quen ruptures de jeu, pour parler un peu technicité. Cest génial pour moi ! Nora passe par tout, par de l’émotion, par du lâcher-prise, par des phases de colère, par des phases de tristesse. Je ne pourrais pas être à un meilleur endroit pour montrer aux gens la comédienne que je suis. Cest hyper rare davoir cette opportunité de défendre un personnage aussi complexe avec toutes ces couches. Le faire au théâtre est encore mieux parce que cest sans filet : je ne suis sauvée par rien, il ny a pas de montage, de musique, d’étalonnage, de jolis costumes, de jolis maquillages. Cest génial, cest brut, jy suis telle que je suis…Oui, cest incroyable !

 

@ Alexandro Guerrero

 

Pour en revenir à la pièce dans son ensemble, il est à noter que les scènes se répondent les unes aux autres, dans les répliques…

Oui, cest vrai que cest une des forces de l’écriture. Une scène se finit sur un dialogue et la réplique de la scène suivante répond à ce dialogue de fin. Donc cela permet un fil directeur, accentué par la fluidité trouvée dans la mise en scène. Ce qui fait que lon est dans l’énergie dune scène et quon na plus qu’à se tourner, à bouger le module central du décor pour se retrouver, tout dun coup, dans une autre scène, dans une autre énergie, à un autre moment, parfois une semaine ou un mois plus tard. Cest dingue parce que ça permet, je crois, de ne pas perdre les spectateurs. En tout cas, ce qui len ressort, cest quil ny a pas de moment où les gens déconnectent : ils sont tenus, il ny a pas de temps mort, il y a cette fluidité et cette précision, il y a un rythme de jeu assez dense,…Cest une des grandes forces de cette pièce.

Dailleurs, parmi les autres grandes forces, une petite surprise attend les spectateurs avant même le début du spectacle…

Cest un choix qui est arrivé assez rapidement pour Nicolas et Rudy, où on emmène gentiment les spectateurs dans lunivers, sans quils ne sen rendent vraiment compte. Il y a un pré-show, avec de la musique : les chansons sont interprétées par Erwan et jouées par Nicolas. Nous sommes sur scène dans notre groupe, cest un moyen pour nous dentrer de suite en contact avec le public. Après, évidemment, il y a ce fameux quatrième mur que lon ne casse jamais mais on sent de suite la salle. En fait, cela détend vraiment beaucoup, on sent une énergie bienveillante et un amour pour nous. Ensuite, très doucement, sans coupure, on rentre dans le spectacle en partant de cela…Je trouve que cest une idée géniale !

 

@ Alexandro Guerrero

 

Après seulement quelques jours à laffiche, les retours sont chaleureux et laffluence est au rendez-vous. Sans doute que cela doit vous faire chaud au cœur ?

Oui ! On est seulement dans notre troisième semaine dexploitation, les salles se remplissent, on a été complets plusieurs fois, cest une chance folle ! Le bouche à oreille sest fait très vite, cest dingue, on nen revient pas nous-mêmes. A chaque fois, on est trop contents, ça ne nous met pas de pression parce quon est très investis, on est vraiment dans le travail, on ne se relâche pas dune représentation à lautre, on rejoue tout à chaque fois ! On a vraiment envie que ça marche, que ça plaise et on met tout, on est très impliqués. Cest génial de savoir quun travail est récompensé, que ce que Rudy a écrit en 2020 pendant le confinement est aujourdhui sur scène et plait aux gens. Quand on est dans le travail, on na pas de public, on joue à vide donc on ne sait pas ce qui va marcher et ce qui ne va pas marcher…On avait hâte d’être face au public, il aide au dynamisme de la pièce. De savoir que ça plait, que ça répond bien, que les gens ont envie de venir est un cadeau dingue !

Au fur et à mesure des représentations, certainement que vous affinez encore, à la marge, et ajustez, selon vos impressions et les retours de la salle ?

Exactement ! De toute façon, le théâtre bouge tout le temps. Ça ne finit jamais d’évoluer : on trouve des choses tous les jours…En fait, le spectacle est tellement mis en place et précis que, pour nous, à lintérieur, ça change parce quon est plus fluides, plus à laise, plus entreprenants mais le spectateur, lui, reçoit à chaque fois le même spectacle : cest quand même signe quil y a, à la base, un travail très solide ! En tout cas, cest génial de trouver de nouvelles choses au fur et à mesure : tout dun coup, on dit une réplique autrement et on la comprend tellement mieux. Cest fou de trouver cela ! On cherche en permanence, on narrête pas de grandir… Je crois que je retiendrai cela de cette expérience.

 

@ Alexandro Guerrero

 

Que peut-on ainsi vous souhaiter pour la suite de cette belle aventure ?

On espère que ça va continuer comme cela, quil va y avoir de plus en plus de monde, de plus en plus de curiosité pour cette pièce…On espère que les gens seront heureux et contents de voir notre pièce : on espère leur faire du bien !

En complément, quels sont vos autres projets ou actualités artistiques en ce moment ?

Jai fait une réalisation pour « La petite histoire de France », juste avant les répétitions et cest déjà en diffusion, cest génial ! Cest assez rare dailleurs…Le programme est visible sur W9 tous les samedis à 21h. Je noublie pas non plus la saison 15 de « Scènes de ménages » mais, en toute honnêteté, jai mis en pause mon travail de réalisatrice pour me consacrer à cette pièce. Je savais que ce serait un gros challenge pour moi qui ne viens pas du théâtre, avec, en plus, un personnage riche. Il fallait que je my immerge totalement et je nen suis pas encore revenue. Je travaille encore dessus ! En tout cas, je ne suis pas du tout dans laprès, je suis dans le kif du moment présent ! Cest tellement rare d’être aligné avec ce que lon a envie et ce que lon veut quil faut profiter quand ça arrive…

Merci, Baya, pour toutes vos réponses !

Publié dans Théâtre

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