Un Si Grand Soleil : Nicolas Buchoux nous parle de son personnage et en profite pour évoquer ses autres actualités artistiques !
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Bonjour Nicolas,
Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous !
Nous pouvons vous retrouver régulièrement dans la série quotidienne de France 2 « Un Si Grand Soleil », sous les traits du juge Laplace. A titre personnel, on imagine sans doute la joie que cela doit être pour vous ?
Les fans de la série ont souvent décrit ce juge comme antipathique. On pourrait même le trouver froid et psychorigide mais ce qui m’intéresse chez ce personnage, c’est la partie immergée de l’iceberg, à savoir le manque de reconnaissance et d’amour dont il a souffert et souffre encore. C’est pour cela que le plus important chez lui est d’avoir raison, coûte que coûte. J’essaie de l’incarner mais sans le juger. Il s’agit d’aimer son personnage, de le comprendre et c’est le travail que j’essaie de faire avec le juge Laplace. Parfois, de l’extérieur, on pourrait même s’interroger sur sa cohérence mais, souvent, il lui suffit d’une pique, quand il se prend la tête avec les avocats, par exemple, pour se justifier et retomber sur ses pattes. Dans le 1er épisode où il apparaît, la juge Alphand dit à Laplace « C’était juste une question… » et il lui répond, avec le sourire, « C’était une question de trop…Bonne journée ». A force, ce comportement devient une blague entre nous, sur le plateau, chacun se demandant ce que mon personnage va encore balancer.
A part lors de la défenestration de Vincent Garand, où il a montré un peu plus d’empathie, le juge Laplace est comme un poisson dans l’eau lorsqu’il est dans une confrontation hiérarchique. Dès qu’il peut mettre en avant son autorité et se montrer supérieur, il le fait, c’est un comportement parfois enfantin. Il ne peut pas s’empêcher de montrer qu’il a le pouvoir, ce qui peut parfois le rendre grotesque et désagréable. Le caractère de Laplace ressort à travers les enquêtes, il n’y a que, lors des rares moments avec le procureur, qu’il montre une autre facette. Autrement, il a du mal avec les personnages qui ramènent à eux l’autorité et qui mènent les choses. J’essaie, en tout cas, de l’humaniser pour lui donner d’autres contours. Je le trouve attachant mais ce qu’il donne à voir ne l’est pas…en tout cas, j’ai vraiment hâte que l’on explore ses fragilités.
Au-delà du personnage, cela doit être plaisant d’être entouré d’une telle équipe, énormément investie, à qui de beaux moyens techniques et artistiques sont donnés…
Oui, c’est impressionnant ! C’est une véritable fourmilière. Chacun est passionné par son métier, et essaie, dans ce temps imparti, de donner le meilleur, pour offrir au public un rendu de qualité. Les réalisateurs créent même des choses que l’on ne voit pas ailleurs, il y a vraiment une intention à l’invention et à la créativité, c’est excitant et j’adore être de cette aventure ! On n’a pas beaucoup de temps, certes, mais on se met dans cette disposition pour être encore plus à l’écoute de ce qui se passe. On utilise les contraintes du tournage pour en faire des forces.
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Face à ce rythme soutenu de tournage, sans doute que votre parcours artistique vous aide à soutenir cette organisation ?
Au théâtre, on a du temps pour explorer, c’est un travail sur la durée, de plusieurs semaines. C’est la grande différence avec un tournage. Sur le plateau, le travail ne peut pas se faire le jour même, il se fait en amont, dans la recherche et la documentation. On se prépare pour être prêt à s’adapter au maximum de situations possibles, un peu comme un athlète avant les Jeux Olympiques qui se met en condition. Le but est de s’enlever une pression, et d’avoir suffisamment travaillé pour connaitre les enjeux du personnage, afin de ne plus avoir à penser ni à la scène, ni à la caméra, ni au public, on est simplement dans le moment présent avec les partenaires.
Même si ce n’est jamais évident, regardez-vous le rendu final pour capitaliser sur votre propre jeu ?
Sur une des premières scènes que j’avais à tourner avec le commissaire, il était écrit que mon personnage était dans une colère franche et je me suis rendu compte que ce choix de jeu marchait moyennement pour mon rôle. C’est moins vrai pour d’autres personnages, qui peuvent être des boules de feu, alors que le juge Laplace est assez psychorigide, il est dans un cadre, il contrôle beaucoup. C’est aussi fonction des couleurs offertes par les partenaires de jeu, avec qui il faut trouver la bonne alchimie pour rendre la scène cohérente.
Trouver le bon dosage entre la rigueur de l’écriture pour ce rôle et la liberté de jeu, entre ce que je prépare et ce que je propose au final. J’utilise maintenant davantage le langage châtié du personnage pour en faire une force : sur des formules anciennes, je fais sonner ce côté un peu galvaudé.
En complément, des longs-métrages dans lesquels vous avez tourné vont bientôt sortir…
Oui, « Maison de retraite 2 », suite du premier volet, réalisée par Claude Zidi Jr, et produit par Elisa Soussan et Kev Adams (My family - The man), sortira en février, dans laquelle j’interprète Maître Latuyère, huissier de justice. Je ne peux hélas rien révéler mais on va dire que mon personnage sera une étape importante dans la suite de l’histoire. Ce fut un plaisir immense de travailler sur ce film, cela m’a permis d’explorer le registre de la comédie. J’ai eu une grande liberté dans le travail et me suis immédiatement senti en confiance. Tout en étant une comédie populaire, le scénario est vraiment bien ficelé, dense et il y a une véritable attention portée aux dialogues de chaque personnage.
Un autre projet de cinéma me tient très à cœur, celui de la sortie de « Fanon », j’espère fin 2024. C’est le troisième long-métrage de Jean-Claude Barny, produit par Sébastien Onomo (Special Touch Studios), il s’agit d’un biopic sur Frantz Fanon, figure emblématique de la psychiatrie. Le film parle de sa période algérienne, où il était nommé psychiatre en chef à l’hôpital de Blida. L’histoire est concentrée sur ses quelques années là-bas, ce qui permet de traiter du rapport à l’autre, du rapport colonialiste antisémite de l’européen vis-à-vis de ceux que l’on appelait les indigènes mais qui étaient en fait les habitants du pays. A travers un biopic sur une partie de la vie de Frantz Fanon, cela permet de parler de problématiques fortes, notamment celle du regard que l’on pose sur l’autre. Je fais un officier de renseignements, un mec qui pense à sa carrière d’abord, un mec qui fait bien, voire trop bien, son boulot,… il identifie les réseaux de résistants du FLN pour les dénoyauter. Il met en place toute une stratégie pour avoir des indics, dans un climat antisémite très pesant. Cette vision raciste, ainsi que le fonctionnement politique et administratif, pendant la colonisation, ont malheureusement contaminé la psychiatrie de l’époque. Quand Fanon est arrivé, il a dynamité tout cela…Il arrive comme psychiatre mais, en côtoyant les algériens, il rejoint leur combat pour l’égalité de tous. Ce qui est « beau », c’est qu’il arrive en tant que médecin et qu’il meurt en tant que combattant de la liberté.
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En 2024, vous allez tourner un court-métrage qui vous tient particulièrement à cœur…
Oui, c’est l’adaptation d’une nouvelle de Boris Vian, « L’amour est aveugle », où j’aurai le plaisir d’incarner le rôle principal. C’est un projet magnifique, qui sera réalisé par Aurélie Le Roch et produit par Sébastien Lagoszniak (Lago Films) : mais si on lit la nouvelle, on comprend que c’est en fait, la brume l’héroïne du film. Brume qui va exciter les passions et qui va mettre les gens dans un érotisme torride. Mon personnage se retrouve spectateur impuissant victime de ce monde. D’un coup, il subit le monde et va du coup évoluer dans une souffrance, avant d’aller vers une libération. C’est un registre que j’ai hâte d’explorer, cela me permettra de me plonger dans la naïveté, la souffrance, la beauté et la délicatesse. Visuellement, ça va être très coloré et marqué, ce sera un arc en ciel émotionnel. C’est fantastique pour moi de rejoindre cette aventure aussi ambitieuse, digne d’un long-métrage.
Sans oublier le théâtre, un autre art qui vous passionne…
Actuellement, je joue dans une pièce autour de l’accompagnement de fin de vie, « Le voyage d’Alice en Suisse » de Lukas Bärfuss, mis en scène par Stéphanie Dussine. Monter cette pièce par rapport à l’actualité en France est une super opportunité. C’est l’histoire d’un médecin euthanasiste qui tombe amoureux d’une jeune femme ayant une maladie incurable. Il va l’aider à quitter ce monde mais il va se passer entre eux quelque chose d’indicible, ce n’est pas un amour passionnel, il va y avoir une attirance entre eux, comme deux âmes qui se retrouvent, ce qui va énormément compliquer le parcours de ce médecin.
C’est vraiment une rencontre avec un personnage comme ça arrive peu, où je me suis laissé dépasser par ce qui arrivait sur le plateau. Je me suis vraiment effacé au profit de la situation et du personnage. A chaque fois que je rentre sur scène avec ce personnage, j’ai l’impression que c’est moi, Nicolas, qui arrive et qui me mets en disposition et en écoute de ce qui se passe. C’est une expérience assez unique, je n’ai pas l’impression, sur le plateau, d’être en jeu, j’ai l’impression d’être juste au service et à l’écoute de ces patients, personnages de la pièce, qui souffrent. C’est hyper puissant ! Le texte est absolument magnifique, la pièce est humaine, philosophique et politique, on a été finalistes du concours des jeunes metteurs en scène au théâtre 13. Là, la pièce est en pourparlers pour de nouvelles dates l’année prochaine, après un accueil unanime du public. Tous les gens sont venus nous voir, touchés et bouleversés, quelle que soit leur génération. C’est mon plus beau cadeau ! Ce n’est pas une pièce déprimante en tout cas, c’est une pièce qui appelle à la vie…
Merci, Nicolas, pour toutes vos réponses !