La chaine L'Equipe, RTL, la Ligue 1 : Timothée Maymon évoque ce début de saison très riche et très intense !
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Bonjour Timothée,
Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous !
Régulièrement, nous pouvons vous retrouver sur la chaine L’Equipe dans « L’Equipe du soir ». A titre personnel, on imagine sans doute la joie que cela doit être pour vous ?
Oui, c’est un plaisir, c’est évident ! En fait, quand tu commences ta carrière, tu as des objectifs, des choses que tu as envie de cocher, en termes de compétitions et de commentaires, mon métier initial étant commentateur. J’estime que, aujourd’hui, deux émissions font référence dans l’analyse foot, c’est « L’After » et « L’Equipe du soir »…et j’ai effectivement l’énorme chance d’avoir coché ces deux cases, d’avoir fait et même présenté « L’After », de participer et d’avoir aussi présenté « L’Equipe du soir ». Forcément, ça flatte un peu l’égo mais il n’y a pas que cela, il y a le plaisir, après 20 ans de carrière, d’arriver en plateau et de venir donner mon expertise liée à ces 20 années à suivre un club au jour le jour – ce que j’ai fait pendant 10 ans à Saint-Etienne, mon club de cœur-, et à travailler pour une grande rédaction comme celle de RMC, qui est très axée sur le fait de sortir des infos, avec la couverture de grandes compétitions – j’ai fait 2 coupes du monde, 4 CAN, 2 Euros. Tout cela me donne, je pense et j’espère, une vision qui se démarque un peu d’autres profils, qui viennent de la presse écrite.
Et peut-être aussi une vision que j’aimerais considérer comme quelque chose que j’assume et qui, pour moi, est une force : alors que beaucoup de journalistes disent que tu ne peux pas être journaliste et supporter, je pense que si, que tu peux faire preuve de recul – j’analyse tel ou tel sujet avec le recul du journaliste – et que tu peux également assumer le fait d’avoir été de 12 à 20 ans en Kop nord à Saint-Etienne, de connaitre, d’aimer et de respecter le monde ultra, de respecter les supporters, d’aimer l’amour du foot, d’avoir été joueur amateur, d’avoir été bénévole, d’avoir été entraineur dans des équipes amateur et donc d’avoir une vision du foot qui ne s’arrête pas à la Ligue 1, à la Ligue 2 et à la licence pro. Pour moi, la Ligue 1 et la ligue 2 sont une partie infime du football…Le football, ce n’est pas ça, c’est un impact social, c’est un bien public et un bien d’intérêt public social. J’aime attirer l’attention sur cette vision-là et donc défendre les supporters, défendre le football d’en bas, défendre la base de la pyramide plutôt que le haut.
L’émission est riche en participants, entre journalistes de la chaine et, notamment, ancien sportifs de haut niveau jeunes retraités. C’est sans doute une des forces du programme…
Le succès de l’émission tient énormément sur le casting, avec des profils extrêmement différents. Il y a des clasheurs, il y a des énervés, il y a des gens qui veulent voir les choses en noir ou en blanc, qui refusent de voir les nuances. Effectivement, il y a des joueurs romantiques comme Johan Micoud, des plus pragmatiques comme Raymond Domenech. En fait, toute cette petite famille est faite d’oncles, de tantes, de cousins très différents dans leur approche et dans leur réflexion du football. Cela ouvre le débat ! Je trouve que le rôle de chacun est assez défini et que l’on a un panel de diversité assez important. A mon goût et en corrélation directe avec ce que j’ai expliqué plus tôt, il manque une personne et j’aimerais beaucoup que l’on ait, en plus, un président de district ou un entraineur de niveau amateur. J’aimerais une représentation du football amateur parce que, oui, on débriefe le football de haut niveau mais tout le monde doit et peut en parler, il n’y a pas besoin d’être professionnel pour en parler, il suffit de voir les matchs, d’aimer le foot et de le comprendre. Il me manque peut-être juste cet aspect-là, sinon je trouve que le panorama est assez énorme.
Lors d’une émission qui débriefe un match qui vient de se terminer, votre méthodologie de préparation est-elle différente, comparativement à des soirées sans match et où les thèmes sont peut-être plus identifiables en amont ?
Je suis quelqu’un qui n’est à l’aise que quand il a préparé : si je ne prépare pas ce dont je vais parler, je vais être moins à l’aise et, parfois, un peu plus angoissé et donc peut-être moins compréhensible dans mes arguments. Effectivement, lors d’une émission où il n’y a pas de match, on a les thèmes maximum à 18h 30 environ, cela me laisse donc du temps pour me préparer sur chaque sujet : il y a des sujets que je maitrise bien et sur lequels je prépare donc moins de choses, il y a des sujets que je maitrise moins bien, où je me renseigne et où je prends davantage de notes. J’ai, en ce sens, souvent mon carnet sous les yeux pendant le direct, il m’arrive même de noter des choses sur le moment, quand je trouve que certains arguments ou certaines informations sont importants et pourraient me servir plus tard. En tout cas, je ne considère pas comme une faiblesse le fait de préparer ses interventions…
Sur un soir de match, c’est complètement différent parce que tu dois être parfaitement concentré sur la rencontre. Là aussi, je prends des notes mais c’est beaucoup plus didactique, en général ce sont des noms, des +, des -, qui me permettent à la fin d’avoir une vision de ce que j’ai ressenti pendant l’ensemble de la rencontre. Récemment, la première et la deuxième mi-temps de Paris contre Gérone ne donnent pas du tout la même sensation…Ce soir-là, en plateau, j’ai l’impression qu’il y a un enthousiaste presque béat parce que le PSG a réussi une bonne deuxième. A ce moment-là, j’ai le sentiment d’être un peu le pisse-froid de service et de tempérer les choses mais le fait est que, sur 90 minutes, on n’en a vues que 45 de bonnes donc j’ai du mal, à la fin, à être enthousiaste et à dire « Bravo, Paris a gagné sur une boulette de l’adversaire ». Tout le monde dit, sur la logique de la deuxième période, que ça peut faire 3 ou 4 à 0 mais si tu joues comme cela en première face à Arsenal, ça fera 3 ou 4 à 0 pour l’adversaire…Tout cela pour dire que je prends beaucoup de notes, que je me prépare. Je sais que l’on n’est pas nombreux, je vois Pia Clemens avoir elle aussi un carnet. J’ai besoin de cela, ce n’est pas tant pour savoir ce que je vais dire, c’est juste pour structurer ma pensée : j’ai, sur mon carnet, souvent des plans détaillés plus que des phrases complètes…
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Vous êtes aussi amené à animer parfois cette émission. Le fait d’être chroniqueur vous aide-t-il en ce sens ?
Oui, beaucoup ! C’était déjà vrai pour « L’After », à la radio, mais ce média offre beaucoup plus de liberté sur les durées, en repoussant les pubs. La mécanique d’antenne n’est pas non plus la même quand il y a ou non des caméras. Si tu fais des duels, tu ne le sais pas toujours à l’avance donc il faut laisser du temps de préparation à la régie. Je pense que le fait d’avoir été chroniqueur m’a aidé à présenter et que le fait de présenter me permet peut-être d’être un chroniqueur un peu plus gérable. Je pense faire partie des polis, de ceux qui lèvent la main discrètement quand ils veulent dire quelque chose. Cela permet de comprendre que si, à un moment, on te dit stop, même si tu as le truc le plus intéressant du monde à dire, il faut s’arrêter pour ne pas mettre la régie dans l’embarras. Donc, oui, l’un nourrit l’autre.
Vous parliez de radio, vous intervenez régulièrement à présent sur RTL. Ce média vous offre des possibilités différentes mais certainement complémentaires de celles en télévision…
Pour moi, le média radio est le plus beau. J’ai commencé par cela, je viens de la radio. Quand j’étais petit, par choix éducatif de mes parents, on n’avait pas la télé à la maison, j’ai écouté 1 000 matchs de Saint-Etienne et de Ligue des Champions à la radio, dans mon lit, en m’endormant. Je trouve ce média magnifique : écouter un match à la radio est, je pense, 100 fois mieux qu’à la télé ! Si tu aimes le foot mais que tu ne veux pas à tout prix pouvoir en parler ou décrire une action, que ce qui t’intéresse, ce sont l’émotion, le suspense et l’arc narratif d’un match, alors la radio est 1 000 fois plus intéressante…Commenter en radio est le plus bel exercice du monde, j’adore cela, ça me manque aujourd’hui…Cela demande une concentration, un vocabulaire, une capacité d’improvisation, de combler les trous, de projeter une émotion dans la tête des gens. C’est l’exercice que je préfère !
Même à RTL, en analysant un match dans un rôle de consultant, la radio, c’est canon ! Tu ne te poses pas la question de savoir si la caméra est sur toi pendant que tu prends des notes, si tu es mal coiffé ou pas, si ton col est de travers,… non, tu es purement concentré sur ce qui se passe. Quand je fais les soirées à RTL, on a le match à la télé mais, parfois, je baisse la tête pour juste me concentrer sur le commentaire de ceux qui sont sur place. Parce que j’adore ce mode de consommation du foot et que j’ai aussi conscience qu’eux me font plus comprendre l’électricité d’un stade qu’en regardant la télé…
Un mot peut-être sur l’actualité de notre Ligue 1 : quel regard portez-vous sur ce début de championnat ? A quoi pensez-vous spontanément ?
Malheureusement, à rien qui ne soit en rapport avec le football ! Ce qui me vient à l’esprit, c’est ce qui s’est passé à la Ligue…Cela a été le plus gros feuilleton de la fin d’année dernière et de ce début de saison. Depuis la reprise de la Ligue 1, de quoi parle-t-on ? De jeu et de buts ? Non, on parle de Labrune et de DAZN : l’actualité médiatique autour du foot s’est complètement déplacée du terrain vers les instances. Ce qui d’ailleurs, pour moi, est quelque chose de grave mais qui est dans la droite lignée de ce vers quoi ces instances nous dirigent. J’ai évidemment suivi de très près la réélection de Labrune et je suis très inquiet pour le football : je pense que l’on va vers une banqueroute, après le Covid, après le désastre de Médiapro. Je ne le souhaite pas, ni à DAZN ni au football français mais je suis obligé d’admettre qu’un bout de moi-même le souhaite pour punir cette espèce de communauté des copains créée par Labrune où le résultat prime sur l’argument, où on ne décide pas une chose parce qu’elle est argumentée et intelligente, on la décide parce qu’elle va permettre de faire de l’argent.
Le problème dont on ne se rend pas compte revient à ce que je disais au début. Le football est pour moi un bien commun, il mériterait d’être lié au patrimoine de l’humanité. Culturellement, c’est quelque chose d’important dans la vie de chacun, ça unit les gens ! Cela crée un tissage social : même les gens isolés appartiennent enfin, toutes les deux semaines, à un groupe social. On ne se rend pas compte du nombre de personnes pour qui c’est à ce point important ! Le foot est un bien commun et donc un bien public : aujourd’hui, ce bien public est régenté par des instances comme la LFP, l’UEFA, la FIFA, qui, elles, sont leadées et cornaquées par des personnes qui n’ont pas une vision à long termes… Ce qu’elles veulent, c’est un profit immédiat ou une réélection ! Leur but n’est pas que le football, dans 100 ans, soit aussi populaire qu’il ne l’a été ces 100 dernières années, leur but est que ce football leur permette dans 2 à 4 ans d’être réélues ou de faire de l’argent.
On parle beaucoup du nouveau format de la Ligue des Champions où on rajoute des matchs, également du nouveau format de la coupe du monde des clubs, où là aussi des rencontres sont rajoutées. Cette vision d’augmenter le nombre de matchs pour faire plus de profit est une idée qu’un enfant de 8 ans serait capable d’avoir mais cela veut dire que, parfois, on oublie que l’on peut faire plus d’argent mais avec moins et que cela demande de l’innovation, des idées et de l’intelligence. Ces choses prennent du temps et ne rapportent pas d’argent dans l’immédiat…Si on décidait de réformer et de normaliser par exemple les différentes compétitions continentales à 16 équipes, on aurait finalement déjà la crème dès le début de la compétition, ce qui permettrait de vendre plus cher chaque tournoi…beIN SPORTS avait essayé de négocier pour ne diffuser la dernière CAN qu’à partir des 1/8èmes de finale parce que les phases de poule ne font pas d’audience, avec des rencontres d’une faiblesse abyssale. Mais c’est beaucoup plus simple de dire plus de matchs = plus d’argent immédiat = des bilans favorables = une réélection.
Je suis parti loin mais ce début de saison prouve qu’il y a, à mon avis, un problème entre l’opinion publique et ce qui se passe entre les instances. Je crains que ce qui était une érosion de l’amour du foot depuis les années 2000 en France tende vers un point de cassure rapidement. Après, ce qui me réjouit, en allant au stade, c’est de voir que Geoffroy-Guichard est plein à craquer, avec un enthousiasme énorme…Les gens continueront à aller dans les stades mais n’achèteront plus le football à la télévision, ou de moins en moins car c’est de plus en plus cher. En fait, on arrête de penser aux mecs qui aiment le foot et qui ont envie de voir un ou deux matchs par semaine à la télé, et d’aller au stade toutes les deux semaines.
Sportivement parlant, de plus en plus d’observateurs pensent qu’avec son recrutement estival et sans coupe d’Europe, l’OM pourrait être un adversaire à la taille du PSG sans Mbappé. Partagez-vous ce point de vue ?
J’adorerais cela parce que j’adorerais que la Ligue 1 retrouve de l’intérêt pas seulement au niveau de la relégation et des places européennes mais aussi pour le titre. Mais je ne le pense pas…Je pense que Paris est encore bien au-dessus. Je refuse, par principe, que l’argent puisse régenter le football mais il y a un degré de différenciation budgétaire qui fait qu’à un moment, globalement, les gros vont au bout…Je ne crois donc pas, malheureusement, que l’OM puisse concurrencer le PSG pour le titre, en revanche, je crois que, sur les confrontations directes, Marseille aura une vraie carte à jouer. Ce sera difficile pour les parisiens, ce ne sera pas une formalité. C’est une bonne nouvelle pour notre football !
Après, il y a des choses qui m’enthousiasment en Ligue 1. Je trouve que Lille travaille bien et a créé une belle équipe, même si, là, les résultats ont été un peu en descente ces derniers temps. En tout cas, j’ai beaucoup aimé ce qu’ils avaient proposé contre Paris. Il y a des entraineurs comme Haise à Nice que j’ai envie de voir…Il y a des choses qui continuent à m’exciter en Ligue 1.
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Enfin, votre club de cœur, Saint-Etienne, est de retour dans l’élite. Cela a certainement dû vous faire particulièrement chaud au cœur ?
Oui, cela m’a fait extrêmement chaud au cœur ! Je ne vous cache pas que cela m’avait même ému de retourner à Geoffrey-Guichard en Ligue 1, avec la chaine L’Equipe. Je pense que le club est à sa place ! J’ai beaucoup d’affection pour ma ville, la place du football y est tellement importante, on est une ville de foot : du jeune de 10 ans à la mémé à 80 ans, on aime le foot, on suit le foot, on connait le résultat ! Ma mère ne s’est jamais intéressée au ballon rond mais, tous les dimanches matins, elle savait ce qu’on avait fait la veille…Parce que c’est quelque chose qui fait partie de la vie de la cité, au sens romain du terme. L’ASSE, en Ligue 2, dans une ville qui ne va pas très bien sur le plan de l’emploi et sur le plan social, était vraiment quelque chose de très difficile. Là, ça a ramené de la joie, ça a ramené quelque chose et ça se sent : les bars sont pleins, les gens vont au restaurant, il y a de la joie et Saint-Etienne a besoin de cela. Donc, oui, c’est touchant, même si je pense que l’on jouera le maintien cette année et que ce sera difficile. J’en espère pas plus sportivement mais si, simplement, on apporte du bonheur à ce public tellement captif, tellement amoureux et tellement lié à la ville, ce sera déjà gagné, en fait !
Merci Timothée pour toutes vos réponses !