Un Si Grand Soleil : Sarah-Laure Estragnat évoque sa première session en tant que réalisatrice sur la quotidienne de France 2 !
/image%2F1552669%2F20240630%2Fob_c5c843_sl-3-shaon-paul.jpeg)
Bonjour Sarah-Laure,
Quel plaisir d’effectuer cette nouvelle interview ensemble !
Vous avez, il y a quelques semaines, réalisé une première session pour la série quotidienne de France 2 « Un Si Grand Soleil ». A titre personnel, on imagine sans doute la joie que cela a été pour vous ?
C’est une nouvelle expérience mais aussi une nouvelle corde à mon arc ! Cela s’est concrétisé après plusieurs années de démarche, prouvant que l’on n’a rien sans rien. Je suis assez contente de me dire que le travail et la motivation ont payé. J’ai vécu une expérience inédite, je pense que c’est une chance très rare qui m’a été offerte et que j’ai savourée sur le plateau, avec la production qui nous accompagne et les acteurs. Tous ont été bienveillants ! Et puis ça a été une découverte parce que le format de la quotidienne est très particulier, avec ses codes, dans lequel j’ai été un petit peu catapultée, venant d’un univers de fiction un peu plus classique. Il a fallu se mettre dans le bain très rapidement mais l’accompagnement a été vraiment génial. C’était, pour moi, clairement un exercice de style et ce qui était capital, c’est que ça reste avant toute chose de beaux souvenirs, au-delà du but que l’on se donne. L’objectif n’était pas uniquement de réussir l’exercice, c’était également d’y prendre beaucoup de plaisir ! C’était vraiment un mot d’ordre sur mes plateaux, il fallait que ce soit cool, que l’on passe un bon moment, que les acteurs se sentent écoutés. Le format est très court, ce n’est pas évident, pour tout le monde, d’y trouver sa place et comme j’ai cette âme et cette expérience de comédienne, ça m’a permis de prendre aussi un peu de temps pour la direction d’acteurs. Ça a été super, on a tellement rigolé, on a cherché des choses ensemble et je suis contente de la générosité des acteurs. Tous étaient bienveillants, avec le désir de trouver des choses ! C’est un travail d’équipe, c’est une fourmilière et je ne peux arriver à tenter ou trouver des choses que s’il y a des gens qui m’entourent pour cela. J’ai eu de la chance, j’ai eu une super équipe ! Je crois que l’on s’est bien amusés, c’était pour moi l’essentiel parce que c’est ce qui va rester…l’« humain » avant toute chose !
Au-delà des 2 semaines en plateau ou en décor naturels, il y a tout un travail de l’ombre, en amont, de préparation, qui doit certainement être crucial pour être prêt le moment venu…
Cela permet justement de prendre le temps avec les acteurs sur le plateau. Mais il peut quand même y avoir des problèmes techniques le jour J, comme par, exemple, un orage alors que l’on fait une scène de plage, ce qui a été le cas lors de mon premier jour de tournage. J’ai été bizutée par la nature elle-mêmeJ, cela a été un moment de grand flottement artistique pour moi, j’ai dû prendre des décisions rapidement, notamment j’ai dû faire des choix sur les plans parce que la lumière tombait très vite. J’ai ainsi décidé de passer à un plan séquence, alors que ce n’était pas prévu initialement, mais l’orage menaçait la lumière du jour dont nous avions besoin. Je ne suis pas mécontente du résultat, tellement les acteurs ont assuré. C’est génial d’être avec des comédiens rodés et professionnels, ils ont été parfaits et se sont également vite adaptés donc le résultat marche, et fort heureusement nous sommes merveilleusement accompagnés par nos coordinateurs artistiques ! En l’occurrence Delphine Cocault a été géniale avec moi sur cette première session de la série !
/image%2F1552669%2F20240630%2Fob_75c139_image2-2.png)
Effectivement, on a un travail de préparation qui est aussi important et intensif que le tournage lui-même, on fait autant de préparation que de tournage : on a 8 jours de préparation et 8 jours de tournage. L’idée est de savoir où on met les pieds, on anticipe beaucoup les décors les premiers jours pour ensuite pouvoir avoir une vision globale des placements de caméras, des axes et de ce que je souhaite en faire pour la séquence. Assez rapidement, on communique avec le chef opérateur et la technique pour définir le matériel nécessaire. Après, on se concentre sur l’artistique, notamment la psychologie des personnages, on a des réunions en ce sens avec la direction artistique. On est accompagnés aussi sur le choix des musiques par notre producteur artistique, M. Mathieu Bollet, qui a un rôle essentiel dans la création, et la couleur que l’on peut apporter à certaines séquences avec des enjeux narratifs importants. Cela nous permet justement sur certaines séquences plus fortes en émotions de pouvoir nous projeter dans une réalisation qui est plus sensible.
Cette préparation vous permet sans doute d’apporter votre touche personnelle mais tout en veillant à l’équilibre et à l’unité des épisodes et de l’arche…
Tout à fait ! C’est un exercice difficile que de pouvoir mettre les justes doses et ingrédients pour ne pas faire trop de zèle, artistiquement parlant, tout en répondant à une demande d’unité et tout en faisant des propositions fortes et adaptées à la séquence. Tout le monde est très investi dans la série et on peut proposer des choses un peu osées ou décalées par rapport au cahier des charges. L’équipe artistique et nos coordinateurs restent très à l’écoute, et c’est une chance immense sur une quotidienne ! J’ai notamment une anecdote où je devais découper une séquence avec une musique très vibrante et romantique, un peu comme les crooners américains. Cette musique m’avait été proposée pour un moment d’une rencontre très forte, où l’acteur trouve sa partenaire très belle et, quand j’ai travaillé sur cette séquence, j’ai voulu proposer un plan typique des comédies américaines : c’est un plan avec un retournement en travelling avant au ralenti du comédien quand il la voit partir et où la femme elle-aussi se retourne en subjectif , avec le vent qui fait bouger ses cheveux en 50 images secondes (au ralenti)…les deux regards se croisent alors et un zoom avant est fait sur lui. C’est passé, je suis hyper contente, ils ont été très ouverts, ils m’ont proposé de tenter et ça a marché, la prise a été gardée au montage !
/image%2F1552669%2F20240630%2Fob_7cb5bc_image0-3.png)
Vous évoquiez les différentes propositions que vous avez pu faire. Justement, avez-vous des sources particulières d’inspiration ?
Je travaille énormément en amont à m’imprégner de la série avant tout car elle évolue aussi avec ses personnages. Du coup, je regarde beaucoup le travail des autres réalisateurs du programme, je m’en imprègne et, ensuite, je m’inspire avec les classiques que l’on connait. Cela peut aussi être avec les séries que l’on peut voir sur Netflix. Je prends des petites notes, comme une bonne élève parce que j’ai une mémoire de poisson rouge et que j’ai du mal à me structurer. Cela me permet de revenir sur des choses qui m’ont semblé intéressantes.
Sur le plateau, on sent une réelle implication humaine et artistique de tout le monde…
« Un Si Grand Soleil » est vraiment une famille qui nous ouvre grand les bras, qui ne manque pas de répondre même dans des moments où on peut avoir des doutes, qui se rappelle tout le temps à nous pour nous dire « s’il y a quoi que ce soit, tu n’hésites pas, on est là ». Tous se veulent très rassurants ! Ils ont en tête de fédérer et de partager, cela passe par un travail très important de turn over des équipes parce qu’ils ont besoin que chacun puisse s’adapter et s’ouvrir à un autre plateau, à d’autres comédiens, à d’autres équipes et à d’autres savoirs. Je trouve que c’est pertinent de leur part parce qu’il y a des gens qui, en arrivant, sont plus ou moins expérimentés donc c’est toujours intéressant de mettre des moins expérimentés avec des plus expérimentés.
Je me suis sentie vraiment très bien accueillie et j’espère que ça va continuer pendant des années ! Cette série est phare dans la région et moi qui suis maintenant montpelliéraine de cœur et d’adoption, c’était un rêve pour moi d’être sur ce programme. Pour l’anecdote, quand je me suis installée ici il y a 6 ans, j’accompagnais ma petite file à l’école le matin tôt et je croisais alors souvent les équipes en train de tourner dans les décors naturels de la ville…J’avais tout le temps cette sensation très frustrante d’envier leur place. Je me disais qu’un jour, j’y arriverais ! A force d’obstination, de travail et de démarches multiples, mon vœu a fini par s’exaucer !
Votre parcours vous permet d’avoir plusieurs cordes à votre arc artistique, ce qui a sans doute été aidant sur le plateau pour être à l’écoute de chacun...
Complètement ! J’étais entourée de gens qui connaissent très bien leur métier ou leur personnage. Il était important que j’ai une capacité d’écoute et d’adaptation par rapport à cela. Ma longue expérience de comédienne, moi qui ai commencé par hasard à l’âge de 10 ans, est complémentaire à mes autres activités, notamment de réalisatrice et de photographe, ce qui m’a permis d’être dans un travail un peu plus axé sur la recherche au niveau de l’acting et, pourquoi pas aussi, sur la mise en danger de certains personnages, en les faisant sortir de leur zone de confort. Je fais également des ateliers de coaching, cela m’a intéressé de discuter avec les comédiens, on s’est nourris les uns les autres de nos expériences. Les comédiens semblent avoir particulièrement apprécié que je puisse avoir ce regard et cette écoute en tant que directrice d’acteurs parce que, souvent, les réalisateurs sont avant tout des techniciens de l’image et sont donc moins à l’aise avec l’acting pur et dur. Je commence à connaitre la sensibilité d’un acteur, non seulement pour l’avoir vécue mais aussi pour l’avoir figée. Je suis très sensible aux propositions des acteurs, à ce qu’ils ressentent et à la façon dont ils se projettent sur la séquence ou le personnage. Donc, très souvent, on part sur une première proposition qui est la leur et, après, on essaie de chercher ensemble, donnant, parfois, des petits moments de magie.
/image%2F1552669%2F20240630%2Fob_6186e5_image1-2.png)
Au moment de la diffusion, avez-vous un œil particulier sur vos scènes ?
Oui ! J’ai pu faire des propositions qui, finalement, n’ont pas été gardées. Ce n’est pas toujours facile mais c’est une fourmilière, beaucoup de gens concurrent à l’unité de la série : ils s’y connaissent beaucoup mieux que nous donc ils peuvent être amenés à faire des choix qui n’ont pas toujours été les nôtres sur le plateau mais qui sont importants pour l’équilibre global. Je pense notamment à des plans peut-être trop extravagants, plans que j’appelle « à la one again a bistoufly » : souvent, quand j’ai le temps, je propose une dernière prise en lâchage totale…qui peut être retenue ou non lors du montage.
La diffusion permet aussi de découvrir ou de redécouvrir le montage final, c’est génial ! C’est comme s’ils avaient mis le nœud sur le paquet cadeau : dans les intentions de montage, on leur indique le paquet cadeau à choisir, de telle couleur avec telle forme et, lorsqu’ils mettent ensuite le nœud qui va bien, on redécouvre la séquence avec un autre regard. Leur valeur ajoutée donne une deuxième vie au plan…C’est un travail d’équipe sous l’œil averti du directeur artistique de post production, M. Christophe Canis !
Après cette première session, que peut-on vous souhaiter pour la suite de cette belle aventure ?
Je me souhaitais très fortement une deuxième session, ce qui était pour moi un gage de confiance…J’aurais été très triste si je n’avais pas été reconduite sur cette série, sur laquelle j’avais adoré travailler….Le plus dur pour moi avait été de réussir à y être engagée mais le deuxième passage était une sorte de validation, « d’adoubement » ! Du coup, je suis plus que touchée par le fait qu’on m’ait rappelée pour faire une deuxième session : ça y est, j’ai l’impression d’être rentrée dans cette grande famille qu’est « Un Si Grand Soleil » !
L’art n’a pas de limite selon moi, je suis comédienne de formation et de cœur, je suis tombée dedans quand j’étais petite, c’est une drogue, c’est quelque chose qui me tient, c’est viscéral, c’est en moi donc ça m’est difficile de quitter le milieu. Mes nombreuses casquettes artistiques me permettent d’avoir une palette aussi large que possible, pour découvrir à chaque fois de nouvelles choses. C’est très important pour moi de me nourrir de mes rencontres, de l’humain et de toutes ces cordes artistiques que je peux ajouter à mon arc. Surtout, en tant que réalisatrice maintenant, des zones d’ombre qui existaient souvent me permettent, aujourd’hui, de mieux appréhender la suite et de mieux comprendre certains choix qui sont faits dans ce métier. J’avance plus sereinement avec mon jeu de cartes riche et varié !
Merci, Sarah-Laure, pour toutes vos réponses !