Marion Aydalot : J'espère que Deschamps va rester le plus longtemps possible !
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Bonjour Marion,
Comme à chaque fois, c’est une joie de vous retrouver pour une nouvelle interview !
La coupe du monde de football vient de s’achever, sur la victoire de l’Argentine. Selon vous, est-ce mérité pour cette nation ? Ou s’agit-il avant tout d’une surprise ?
Pour moi, oui, cela a quand même été une surprise, bizarrement. Parce que l’Argentine n’a pas été la nation qui m’a le plus impressionnée sur cette coupe du monde. Je pense que l’après Messi sera très très difficile pour eux…
Contrairement à la France qui a démarré fort dès le premier match, les Argentins sont montés progressivement en puissance, atteignant une sorte d’apogée pour la finale…
Je pense aussi qu’il fallait la gagner pour Messi, qu’ils ont tous joué pour lui et que ça les a portés. Cela a été le retour de la grinta sud-américaine. Je ne sais pas combien de temps ça durera, je suis convaincue que le football sud-américain est moins fort que le football européen. Les grandes nations ont été là, la France, l’Angleterre, la Croatie,….L’Europe reste pour moi le vivier, c’est clair mais l’Argentine, par cette envie, par ses supporters, par ce pays qui vibre, est très séduisante pour beaucoup de gens.
Fort de cette nouvelle ligne à son palmarès, la seule qui lui manquait, Lionel Messi est-il à présent le meilleur joueur de l’histoire ?
Il n’y a pas trop de débat, oui, Messi est une légende du football, c’est l’un des meilleurs ou le meilleur, on peut le mettre aux côtés de Pelé, très très haut. Il a aussi, par sa technique, par ce talent déjà visible quand il était enfant, marqué l’histoire. Je pense qu’il dépasse même Maradona en termes de précision, de vitesse, de modernité.
L’Argentine a battu en finale l’équipe de France. Avec toutes les blessures successives connues avant et pendant la compétition par les bleus, cette place en finale est-elle, selon vous, le fruit uniquement de Didier Deschamps ? Ou est-ce déjà l’émergence d’une nouvelle génération, promettant de beaux jours à notre équipe ?
Je pense que c’est Deschamps, il l’a déjà montré avec l’OM, il avait été capable d’aller en ¼ de finale de Ligue des Champions avec Brandao et Niang…Quand on sait cela, il faut être conscient qu’il a quand même le talent pour magnifier ses joueurs d’une manière assez incroyable. Tellement de blessés, tellement de blessures et on a l’impression que ça ne l’atteint pas. « Tant pis, on va faire avec… », c’est différent de beaucoup de coachs dans le monde. Pour moi, il est l’un des meilleurs. Ce pragmatisme me séduit vraiment, j’ai très très peur de l’après Deschamps, j’espère qu’il va rester le plus longtemps possible.
Cette finale restera sans doute dans l’histoire du football mondial, surtout pour son scénario final. Les bleus, on l’a vu, ont vécu 80 premières minutes apocalyptiques pendant lesquelles ils ont été inexistants. Justement, quelles en étaient les principales raisons ?
C’est très dur à entendre pour beaucoup de Français mais les Argentins ont été meilleurs ! Je les avais sous mes yeux, vraiment ça allait vite, très vite. Les Français étaient dépassés et c’était un pressing hallucinant de la part de l’Argentine. J’étais vraiment au spectacle, c’est le cas de le dire. J’ai vu un football quasi parfait de leur part, quelque chose de l’ordre du Barça mais modernisé. J’ai adoré ce qu’ils ont proposé, même si je suis supportrice de l’équipe de France. Maintenant, il y a eu un Kylian Mbappé qui a été phénoménal, il est l’avenir du football mondial, il est le meilleur. L’après Messi arrive, l’après Ronaldo arrive, il y a cette nouvelle génération, pour moi Mbappé est phénoménal. J’aime son caractère, j’aime ce côté star, j’aime ce côté starlette qui peut énerver, j’aime son intelligence. Pour moi, aujourd’hui, il est l’avenir mais il est aussi le présent. Mais il ne pouvait pas tout faire non plus…Il y a eu cette séance de tirs aux buts apocalyptique pour l’équipe de France…je regrette juste que ce soit face à l’Argentine, je trouve que les Argentins ne se sont pas bien comportés et ont manqué de beaucoup de classe, en particulier le gardien. C’est quelque chose que l’on ne voit jamais en Europe, où les équipes savent se tenir en public, sont plus chiques.
Le Maroc, premier pays du continent africain à se qualifier pour les ½ finales, est-il LA belle surprise de la compétition ?
C’est vrai que l’on aurait dû penser au Maroc, tous autant que l’on est. Sur la dernière CAN, j’ai trouvé que le football africain était meilleur qu’avant. Ils ont un nouveau président qui est brillant, leur football est en train de beaucoup se professionnaliser. On ne s’en rend pas compte mais il y a une volonté de tourner le dos aux mauvaises habitudes d’avant. Le fait que le Maroc soit là n’est finalement pas un hasard. On ne l’a pas vu venir, moi non plus mais c’était assez évident que ça arriverait.
Il faut être franc, il y a, sur ce continent, un niveau qui n’existait pas il y a une dizaine d’années. Les coachs sont meilleurs, tout est plus pro maintenant mais c’est très loin, il faut le dire, du football sud-américain et encore plus loin du football européen. Cependant, leur volonté est intéressante…
A l’inverse, quelle nation vous a davantage déçue pendant le tournoi ?
J’ai été très déçue par l’Allemagne, je ne m’attendais pas du tout à cela. Je pensais vraiment que ce serait mieux. L’équipe est en reconstruction…l’Euro aura lieu chez eux, à la maison, dans deux ans, c’est le moment pour eux de montrer quelque chose. L’Angleterre est aussi une déception, on se dit toujours que cette nation va y être mais elle n’y est pas.
Vous évoquiez précédemment le fait d’avoir pu voir la finale au plus près de l’action. Quels souvenirs gardez-vous de ces quelques jours sur place, au cœur de l’effervescence ?
J’ai vu la fin de carrière de Lionel Messi, j’ai vu sa coupe du monde, j’ai vu aussi la fin de carrière de Modric. Je me suis dit « regarde le bien, tu ne le verras peut-être plus à ce très haut niveau dans ta vie ». C’est un joueur phénoménal, j’ai eu énormément de plaisir à le regarder jouer, son jeu est tellement précis, tellement juste. J’aime bien la Croatie, je ne la voyais pas arriver en ½ finale, bravo à eux, c’est aussi une très grande nation de football. L’équipe a été très très forte lors de la petite finale à laquelle j’ai pu assister, même s’il y a eu des déchets.
Le fait que les stades soient proches les uns des autres avait aussi plein de charme, contrairement à ce que beaucoup de gens pensaient. C’était une organisation extraordinaire que le Qatar a donnée au monde, une sécurité incroyable, je n’avais jamais vécu cela de ma vie, une très grande générosité dans les infrastructures, ils voulaient que ce soit la plus belle coupe du monde et je pense qu’ils n’en sont pas loin. D’avoir décidé finalement que le hooliganisme ne devait pas avoir lieu là-bas a donné aussi, je trouve, un coup de booster aux rencontres. Cela m’a beaucoup plu…maintenant, je suis tout à fait consciente que c’est une dictature, que c’est un pays discutable sur les droits de l’homme mais il faut bien être conscient, en France, qu’il y a très peu de pays au monde qui les respectent.
Avez-vous eu la sensation, pendant la finale, d’assister à un match qui rentrera à tout jamais dans l’histoire du football ?
Oui, oui, je suis même allée plus loin dans ma réflexion, je me suis dit être à peu près à la moitié de ma vie et que ça restera comme un point entre mes deux vies. Donc, oui, il y a eu quelque chose de très fort ce jour-là. Le premier match que j’ai vu dans ma vie, c’était la finale de la coupe du monde 1986 au Mexique, la boucle est bouclée : j’ai vu Maradona à la télé, je vois Messi en vrai, il y a quelque chose qui lie ma génération à l’Argentine d’une manière ou d’une autre.
Les affaires courantes ont repris, la Ligue 1 a vécu son premier boxing-day à la française avec, à 5 exceptions près, le retour de tous les mondialistes. Justement, cette coupure de 6 semaines environ bénéficiera-t-elle plus à certains clubs que d’autres ?
Question difficile, très difficile…Je dirais quand même que les très grands joueurs qui n’ont pas pu participer au Mondial arrivent évidemment avec du repos. Je pense notamment à Verratti et Donnarumma au PSG, qui reprennent avec moins de fatigue physique mais aussi moins de fatigue mentale. Je ne serais pas étonnée que des équipes que l’on n’attend pas puissent créer quelques surprises. Je crois que Paris finira premier, évidemment mais des équipes où tout le monde s’est reposé partent avec un avantage.
Pour terminer, à quelques semaines de la reprise de la Ligue des Champions, le PSG est-il favori de sa double confrontation contre le Bayern ?
C’est du 50/50, c’est vrai que je ne me mouille pas beaucoup làJ, je n’oublie pas que le coach parisien ne connait pas bien la Ligue des Champions, alors que je crois beaucoup qu’il faut de l’expérience dans cette compétition. C’est difficile d’y faire un coup, contrairement au championnat ou à la coupe du monde. En Europe, ce sont toujours l’expérience, le talent et l’argent qui ont le monopole, il faut être clair…Je dirais du 50/50, même si je pense que ça peut bénéficier quand même au Bayern, ce qui m’inquiète un peu… mais on verra, j’espère me tromper…
Merci, Marion, pour toutes vos réponses !