Jeux Olympiques de Tokyo 2020 : Manon Brunet évoque ses deux médailles !
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Bonjour Manon,
Quel plaisir de vous retrouver pour ce nouvel entretien !
Vous revenez des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, couronnée de deux médailles, une en argent au sabre par équipe et une autre en bronze au sabre individuel. On imagine que le retour en France a été joyeux et que la communion avec le public français vous a fait chaud au cœur ?
Oui, complètement, c’était inattendu. On savait qu’on nous attendait au Trocadéro mais je ne pensais pas qu’il y aurait autant de personnes. Ce qui a été prévu était magique. Pouvoir remonter le lieu et courir avec du public autour m’a donné des papillons au cœur.
Quel bilan tirez-vous de vos Jeux, comparativement aux objectifs que vous vous étiez fixés avant d’y aller ?
L’objectif était de ramener deux médailles, bien sûr les plus dorées possibles. Là, il n’y en a pas eue de dorée mais il y a quand même eu deux médailles donc je suis quand même contente. On va dire que c’est presque parfait, justement parce qu’il manque un peu d’orJ. Mais je sais à quel point Rio s’était mal passé et à quel point c’est dur pour beaucoup de sportifs de ramener des médailles alors qu’ils les méritent. Donc c’est un très beau bilan.
L’absence de public, sur place, a-t-elle été perturbante ? Comment vous y êtes-vous accommodée ?
Non, franchement, pour moi ça a été. En escrime, en général, on n’a pas énormément de public. Le public est souvent constitué des autres membres de l’équipe de France qui viennent nous soutenir. Pour l’épreuve individuelle, j’ai eu beaucoup de chance grâce au malheur des autres puisque l’équipe de fleuret et mes équipières ont perdu plus tôt dans la compétition donc ils ont pu être avec moi tout au long de la journée. J’ai eu, du coup, énormément de soutien avec le staff, l’équipe de fleuret et l’équipe de sabre féminines. J’ai eu du monde derrière moi et je les ai beaucoup entendus. Pour ce qui est de l’épreuve par équipe, on a eu pas mal de staff avec nous. Il y avait très peu de bruit mais, finalement, dès qu’il y avait des encouragements pour nous, on les entendait donc c’était quand même top.
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Lors de la compétition en individuel, la première de deux disputées, vous perdez en demi-finale. Avec le recul, selon vous, qu’est-ce qui vous a manqué pour atteindre la finale ?
J’ai eu peur, tout simplement. J’ai eu peur de refaire comme à Rio et de reperdre en demi-finale, du coup je ne me suis pas amusée, j’ai plus pensé aux conséquences qu’au match que j’étais en train de jouer. Ce qui m’a manqué, c’est juste de faire de l’escrime comme je l’ai fait toute la journée et de m’amuser ou de me bagarrer. Ce match était à ma portée, clairement et je l’ai raté toute seule.
Comment avez-vous alors réagi pour trouver l’élan et la motivation lors de la finale pour le bronze ?
Je ne l’ai vraiment pas fait toute seule, cette défaite m’a vraiment replongée dans Rio et ça a été vraiment très très dur. J’ai énormément pleuré, j’étais à peine sortie de la piste que je disais déjà que je ne pourrai pas y retourner pour me bagarrer pour une médaille. Je souffrais, vraiment, de me dire que j’étais en train de recommencer ce qui c’était passé il y a cinq ans. Donc j’ai eu mon coach qui a essayé un peu de me bousculer, j’ai eu ma coéquipière, Charlotte Lembach, qui est venue directement, qui m’a laissé pleurer avant, elle aussi, de me bousculer. Puis les autres filles de mon équipe qui m’ont soutenue, les fleuristes, le staff. Surtout, j’ai eu mon copain qui avait fait l’épreuve individuel et qui avait dû rentrer le lendemain, qui a réussi à m’avoir au téléphone, qui m’a vraiment fait un briefing de dix minutes pour me remettre dedans, pour pas que j’oublie pourquoi j’étais là, pour me rappeler que j’aurais signé une semaine ou un jour plus tôt pour une médaille de bronze donc qu’il fallait que je me batte. Donc j’ai vraiment eu un collectif autour de moi pour me remobiliser.
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Cette médaille permet-elle de prendre un peu de recul sur ce qui s’était passé à Rio cinq ans plus tôt ?
C’est exactement ça ! Je n’étais pas « triste » de ma quatrième place à Rio parce que j’avais vécu une journée extraordinaire mais, finalement, on ne se souvient que des Jeux Olympiques et, depuis Rio, il s’est quand même passé beaucoup de choses. En fait, on me présentait souvent et presque toujours par rapport à Rio et cette quatrième place. Ca commençait à me tenir à cœur de me dire qu’il fallait que je change ça. Il fallait que l’on oublie cette quatrième place parce que, même si je ne l’ai pas oubliée, j’ai avancé avec donc je voulais que les gens avancent aussi. Avec cette médaille de bronze, je suis heureuse de pouvoir montrer que je n’étais pas que quatrième finalement.
D’ailleurs, vous y avez retrouvé les mêmes arbitres. Quelle avait alors été votre réaction à la découverte de cela ?
C’est arrivé en demi-finale, comme à Rio. C’est ce que je disais, ça m’a replongée dans la peur. J’avais commencé à cogiter avant la demi, pendant la grande pause après les quarts de finale, j’en avais un peu parlé, j’avais un peu évacué, je m’étais dit « allez, c’est bon, on oublie ». Finalement, quand j’arrive, juste avant de monter et que je vois les arbitres, je me dis juste que c’est une blague, qu’ils se moquent de moi et qu’ils me challengent. J’ai essayé de me dire que j’allais être plus forte qu’eux mais, au final, Rio est revenu trop fort sur moi et je n’ai pas réussi à passer au-delà de ça. Voilà une piste de travail pour moi, si jamais ça recommence à Paris.
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Quelques jours plus tard, vous décrochez l’argent, par équipe. Cette deuxième médaille a-t-elle une saveur différente, parce que remportée à plusieurs ?
En fait, ce sont vraiment deux compétitions complètement différentes donc deux médailles complètement différentes. Ma médaille de bronze m’a fait du bien et m’a énormément soulagée, moi personnellement. Comme je dis, on oubliait que j’étais quatrième, maintenant je suis troisième. Pour ce qui est de l’équipe, on avait aussi raté à Rio et ça avait été pour nous, les trois titulaires, très dur de s’en remettre. Ca fait huit ans que l’on est en équipe tous ensemble, on a décroché beaucoup de médailles en championnats du monde et Rio avait été un énorme échec pour nous trois, en individuel comme par équipe. Du coup, pour l’équipe, ça avait été vraiment très dur à surmonter. De revenir et de prendre une médaille d’argent, une belle médaille, ça a vraiment été une autre revanche. En plus, avec les filles avec qui je m’entraine et avec qui on se bouscule depuis des années, c’était vraiment cool à faire. Quand on a gagné la demi-finale, on a versé quelques larmes, on savait que l’on reviendrait cette fois avec une médaille et que tout ce que l’on avait fait pendant ces cinq ans n’avait pas servi à rien. Donc, forcément, après la finale, on était un peu frustrées, on était capables d’aller chercher l’or et ça ne s’est pas joué à grand-chose. Mais, quand même, on est revenues cette fois avec une médaille d’argent et on sait à quel point c’était dur.
Racontez-nous d’ailleurs cette journée intense, à enchainer les relais, en alternant soutien aux camarades et jeu en lui-même.
Oui, en fait, par rapport à l’individuel, on ne commence pas du tout la journée pareil. Par exemple, sur l’individuel, on ne tire pas à la même heure donc on va chacune au petit déjeuner quand ça nous chante, on reste de notre côté, on se dit « bonne chance » et on se sert la main, on fait donc chacune notre petite routine de notre côté. Alors que, pour la journée par équipe, dès le matin on se réveille ensemble et, avant de quitter la chambre, on se fait un câlin pour se dire « allez, c’est parti, ça commence aujourd’hui », on rigole, on prend le temps de papoter, on s’écoute, dès que l’une a un petit bobo ou a envie de parler, on est vraiment les unes avec les autres. Dès que l’on rentre en chambre d’appel, on a des petites routines : Charlotte Lembach nous tape un peu les fesses pour nous dire « allez, c’est le moment », on se fait un câlin, on se donne des petites paroles pour se dire « bon, il faut profiter, on va se faire ça ensemble ». On échange aussi énormément avec les coachs. On est quatre filles avec deux coachs donc on a vraiment des routines, aussi un cri de guerre sur la piste. Sur le banc, on communique, on échange avec les coéquipières sur son ressenti par rapport à chacune des adversaires, on se donne un peu des astuces. Les coachs aussi. On se checke beaucoup les mains, on s’encourage, on communique et c’est vraiment quelque chose qui s’enchaine toute la journée. Quand une a peur, elle n’hésite pas à le dire et on lui rappelle que l’on a confiance en elle. Ça rassure un peu tout le monde et ça permet de relâcher, de dire à la fille que l’on est là avec elle. C’est vraiment fait d’un coup, on ne s’arrête pas, on fait plein de choses ensemble, on a plein de routines, on essaie de profiter ensemble. C’est un travail d’équipe, on sait que les autres vont faire le travail derrière, on se soulage les unes avec les autres.
On vous a vue particulièrement communicative avec vos coéquipières, en les conseillant et en les encourageant…
Oui, c’est ça. On essaie de rester assez calme sur le banc et de crier de temps en temps pour soutenir. Si on voit que ça se passe bien, on fait chacune notre part, on s’encourage un peu mais c’est plus le rôle de la quatrième et du coach. Pour les deux filles qui tirent, en dehors de celle qui est sur la piste, on essaie de se concentrer mais il y a des moments où on ne peut pas s’empêcher de donner des conseils. Si on voit de la panique sur la piste, on essaie de trouver une solution, on essaie d’aider. Là, c’est un peu complètement fou sur le banc mais c’est aussi ça qui est beau. Ça va dans les deux sens, quand une gagne un relai, tout le monde est à fond. Il y a des moments où c’est calme, quand ça avance bien et que c’est cool mais, dès que ça devient un peu chaud, que ce soit négatif ou positif, le banc crie. Donc c’est assez fort.
Malgré le contexte sanitaire et les restrictions imposées sur place, avez-vous quand même pu soutenir vos camarades masculins notamment ?
Normalement, on n’a pas le droit. On n’a pas pu aller soutenir les fleurettistes femmes. On avait trop de peu de temps et on devait s’entrainer les jours de leurs compétitions. On était déjà dans l’avion quand le fleuret hommes était sur la piste. Mais on a réussi, le lendemain de notre épreuve, à aller voir Clarisse Agbegnenou combattre sa demi et sa finale. On n’avait pas trop le droit mais on a réussi à se faufiler dans le gymnase. C’était quelque chose de super, on a vécu les deux matchs avec le collectif France de judo. Nous croyions que nous crions beaucoup mais, à côté de l’équipe de judo, ça n’a rien à voir. C’était super en tout cas, on a vraiment senti toute la pression qu’il y avait.
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On vous imagine impatiente de retrouver les Jeux dans trois ans, chez vous, en France…pour aller chercher l’or cette fois-ci ?
C’est ça, c’est l’objectif, ça va vite arriver. Trois ans, c’est quand même très court, il ne faut pas perdre trop de temps. Même s’il faut prendre le temps de se reposer et de profiter de ces médailles, il faut quand même vite retourner travailler parce que je veux revenir avec de l’or à Paris.
A plus court terme, quel est votre programme ? Quid des prochains objectifs ?
Un peu de repos, un mois de vacances est prévu, avant un retour en septembre à l’entrainement. Les championnats d’Europe de septembre ne sont vraiment pas sûrs car ceux de juin avaient été annulés. En novembre, il y aura la coupe du monde à Orléans. En 2022, il y aura les championnats d’Europe et du monde qui seront déjà dans les objectifs de médaille.
Merci, Manon, pour toutes vos réponses !