Laurent Maurel revient sur son parcours et nous présente ses projets !

Bonjour Laurent,
Quel plaisir d'effectuer cet entretien avec vous !
Vous êtes un artiste aux différentes cordes et aux multiples casquettes. De façon générale, qu'est-ce qui vous plaît dans votre quotidien ?
L'adrénaline et le fait de raconter des histoires. La première, c'est pour me faire peur, pour me dépasser et être surpris positivement de réussir certaines choses. Le deuxième, c'est pour agrémenter un quotidien que, dès fois, je trouve un peu trop fade.
Les vingt premières années de ma vie ont été à la fois fantastiques et, en même temps, assez violentes. J'étais à l'étranger dans plusieurs pays différents. A chaque fois, ce fut des rencontres culturelles, olfactives, géographiques. Quand je suis arrivé en France, à l'âge de 20 ans, ça s'est ralenti. Ma vie n'était pas aussi intense qu'à Djibouti par exemple ou à la Réunion. Mais j'ai appris à connaître la France comme cela et je trouve qu'elle est de plus en plus magnifique à mes yeux.
A cette époque-là, j'ai rencontré l'adrénaline du théâtre. Vaguement, je voulais faire acteur, j'ai fait quelques facs mais sans grand intérêt avant d'avoir la chance d'être pris dans une école à Marseille, où j'alternais les cours la journée et le jeu en soirée. Là a commencé vraiment un nouveau monde pour moi. Je ne savais pas qu'il y avait toute cette culture à portée de mains, des textes, des auteurs, une pensée, une remise en questions de ce que l'on voit. Je m'en sers d'ailleurs encore aujourd'hui pour la mise en scène.
Voyez-vous certains liens et certaines complémentarités entre ces différents domaines ? Ou, à l'inverse, les considérez-vous vraiment comme distincts ?
Au niveau thématiques, je les dissocie mais, malgré moi, il y a des choses qui se font jour. Par exemple, j'ai travaillé l'année dernière la mise en scène d'une pièce pour le Studio Hebertot, je nourrissais ce spectacle des rapports que j’écrivais entre un maître et une élève, avant que le public ne comprenne qu'ils étaient père et fille. Cela m'a servis pour une autre pièce ensuite mais aussi dans ma vie personnelle. Je m'aperçois que tout déteint. Donc je les scinde mais, malgré elles, les thématiques se relient.
Pour autant, certains domaines vous plaisent-ils plus encore que les autres ?
A une époque, je vous aurais répondu que c'est un tout. Que acteur est complémentaire de metteur en scène ou auteur. Mais, aujourd'hui, je me rends compte qu'être acteur est le moteur essentiel. Par contre, il est vrai que, alors, on n'a pas accès tous les jours à des chefs d’œuvre. Du coup, d'un point de vue culturel, il est génial d'alterner « Demain Nous Appartient » sur TF1 et « Anaïs Nin » au théâtre, en peaufinant un texte pour qu’il soit édité. Tout se nourrit, tout est complémentaire, cela nourrit la soif de s'amuser en tant qu'enfant-acteur et celle de culture. De même pour la mise en scène.
Vous évoquiez vos expériences de jeu. A ce titre, adaptez-vous votre méthodologie de préparation selon l'art interprété ?
Elle varie absolument selon le média et selon ma disponibilité. Par contre, j'essaie toujours de me renseigner un maximum. C'est toujours agréable de visiter le monde que l'on va interpréter. C'est comme une préparation, cela libère l'esprit.
Je veille toujours à être alerte physiquement, notamment pour la série de TF1. Car l'on sait que ce genre de personnage peut facilement être amené par exemple à sauter au cou de quelqu'un ou à mettre un coup de poing. En tant qu'acteur, il ne faut donc pas s'endormir, il faut s’entraîner et aussi bien apprendre les textes pour ensuite pouvoir les improviser. J'aime bien que l'on me laisse libre mais je respecte toujours les demandes du metteur en scène et/ou de l’auteur.

Vous citiez votre dernière aventure théâtrale que fut « Anais Nin ». Avec toute l'expérience qu'est la vôtre des planches, ressentez-vous encore du stress juste avant de rentrer sur scène ?
Il y a de tout. Mais j’ai trouvé un déclic de gymnastique assez tôt car, au début, j'étais vraiment pétris de trac. Ce qui m'enlevait le plaisir. Un jour, à force de travailler, j’ai eu le déclic, qui fait que les moments avant de jouer se transforment en plaisir et en excitation. Peut-être que, avant, j'avais peur d'être jugé, tout simplement. Un jour, ça s'est juste transformé en « viens, on va faire la fête ensemble ». Le spectateur est vraiment co-acteur ou co-auteur avec moi. C'est à chaque fois une rencontre.
Après, la fatigue est bonne aussi, je le sais par expérience. Quand on arrive et que l'on est cuit, il n'y a pas de stress, il y a simplement une détente incroyable, qui permet de faire des miracles. Ce qui est pas mal aussi.
Dans votre riche parcours, une expérience plus encore que toutes les autres vous aurait-elle particulièrement marqué ?
Oui, évidemment. Notamment par les personnages. Au théâtre, on les travaille longtemps alors que, en télé ou au cinéma, c'est une immersion violente et spontanée. Certains possèdent, ce que j'appelle, des sous couches. Où que l'on cherche dans l’interprétation, on découvre de nouvelles choses qui tiennent la route. Le personnage devient de plus en plus dense. J’aime chercher entre fragilité et humour les « failles » du personnage.
Je pense aussi à « Spamalot », il s'agissait de reprendre un rôle en urgence sur la comédie musicale des Monty Python, faite par PEF à Bobino. C'est plus de trois heures de jeu, de chant et chorégraphies, de changements de costumes, de personnages différents. Je me souviens du bonheur qu'étaient l'effort physique et la concentration nécessaires. J'étais tout seul avec la vidéo et il fallait que je me répète tout le show. Je me souviens avoir pris dix jours seul en Suisse, dans un endroit que j'aime bien, avant de me jeter dans ce spectacle ultra-rodé pour les autres acteurs. C'est une beau souvenir d'adrénaline et de défi.
En mise en scène, j'ai adoré faire « Sex traffic circus ». C'était adapté d'un témoignage de prostituées forcées moldaves. Je me suis d’abord demandé pourquoi je mettrais ces paroles en scène, moi, qu’est-ce que je pouvais apporter à cette question. C'est alors que je me suis dit qu'il faudrait voir leur parcours sur toute la traite depuis leur pays jusqu’à leur arrivée en France, en le mettant en lumière via mon point de vue de citoyen néophyte. Je suis parti sur un an et demi d'enquête avec les actrices. C'était passionnant et j'ai découvert la société d'aujourd'hui autrement. J'ai alors pu poser sur scène les questions qui m'avaient tenu en éveil pendant dix huit mois. Les gens ont eu de belles réactions sur le spectacle tant politiquement que poétiquement, ça me renforce dans l’idée que le grand public est demandeur de thèmes « pointus », dits « engagés » si le spectacle est réussi. Je pense actuellement à remonter un texte sur les enfants soldats, c’est plus que d’actualité.
J'ai adoré aussi tourner en Angleterre, c'est super, ils sont toujours positifs, enthousiastes. J'aime cette immédiateté euphorique.
Plus généralement, quels sont vos projets artistiques ?
De la mise en scène, du théâtre, de l'écriture, de la télé. « Les oubliés de Lisieux», avec Marie Anne Chazel, sera bientôt diffusé sur France 3.
J'adapte aussi un roman, un Goncourt, qui raconte une enfance un peu similaire à la mienne mais dans un tout autre pays, avec une toute autre culture. Cela parle de l'exil, de l'arrivée en France et de la façon de se construire avec une culture qui n'est pas du tout la sienne. Sans oublier le doublage, notamment un film de Pedro Almodovar, « Dolor y Gloria », qui sera au Festival de Cannes.
Entre acteur, auteur et metteur en scène, j'ai toujours l'impression d'être sur un char avec plein de cordes à tirer. Ce sont des réseaux très parallèles qui se croisent parfois, mais très peu. J'aimerais explorer davantage encore celui du cinéma.
Merci Laurent pour ce bel échange !