Michel Pilorgé, comédien de talent, nous raconte sa passion pour son métier et nous dévoile son actualité !
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Bonjour Michel,
Merci d’avoir accepté de répondre à quelques questions pour notre blog.
1/ Votre riche parcours met en avant les différentes cordes de votre arc artistique, au travers notamment du théâtre, de la télévision et du cinéma. D’où vous vient cet amour pour l’art ? Qu’est-ce qui vous y plait tant ?
Enfant, la mer était ma première passion et je voulais être amiral de la Royal Navy. Ayant ensuite vu les difficultés que génère le parcours scolaire associé, j’ai revu mes ambitions pour assouvir un autre talent et un autre désir. Celui de devenir clown.
Dans les années 50, j’aimais aller très souvent au cirque car j’ai, depuis toujours, une passion prononcé pour ce milieu et ces membres. Petit à petit, de clown, j’ai voulu devenir comédien pour notamment interpréter des rôles de cow-boys.
Je n’ai donc jamais songé faire autre chose qu’artiste. Sans prétention aucune, j’ai très vite parlé juste. La base m’était donc facile mais il me restait tout à faire et tout à prouver.
Ma formation aux côtés de Jean-Laurent Cochet m’a ensuite appris à parler vrai. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de ce dernier, notamment auprès de Gérard Depardieu. D’un homme timide, il en a fait un artiste qui s’exprime et qui invente.
Le supplément d’âme ainsi généré est, je crois, très important. Pour faire des comédiens non pas des marionnettistes mais des « marionnetteux ». C’est-à-dire des gens qui ne se contentent pas simplement de mettre en application mais qui enrichissent le contenu de leur propre créativité.
2/ Quelles complémentarités retrouvez-vous entre les différents arts évoqués précédemment ?
C’est un tout qu’il ne faut pas confondre. L’on peut marier les choses mais pas les mélanger.
J’ai toujours eu l’impression d’être un sculpteur. Je joue, en ce moment, dans la pièce «L’Alouette», où j’y interprète trois rôles. Un moine très lumineux ayant défendu Jeanne d’Arc, un grossier personnage qu’est La Hire, ainsi que le bourreau. Pour montrer ces différents personnages et donc ces caractères bien opposés, il faut, quelque part, les sculpter dans l’espace. Ce qui prend un temps important.
3/ Vous êtes, nous l’avons dit, actuellement sur scène, au théâtre du Nord-Ouest, avec la pièce « L’Alouette » de Jean Anouilh. Quelle histoire y est racontée et quelles sont les principales caractéristiques de votre personnage ?
Il s’agit en fait du procès de Jeanne d’Arc, dans une interprétation très rigoureuse du texte, où l’on y retrouve les minutes de l’audience. Dans le principe, les comédiens arrivent sur scène, montent le décor puis commencent le procès.
Martha Corton Viñals, qui interprète le personnage principal, est magnifique de justesse et de pertinence.
Si je pouvais, j’interpréterais mon deuxième personnage, celui de La Hire, comme marchant dans l’air. Car c’est une véritable apparition. J’ai peiné à trouver le juste crédit du personnage, mais j’y suis parvenu, en proposant au public quelque chose de surprenant.
4/ Le spectacle dure deux heures trente cinq environ. Quelles sont, selon vous, ses principales clés artistiques pour maintenir le plaisir du public tout au long de la représentation ?
La clé est le personnage de Jeanne d’Arc. Le reste est une somme d’épiphénomènes permettant de mieux faire ressortir l’héroïne.
L’attrait de la pièce est lié à la faculté qu’a Martha de faire jaillir Jeanne. Elle fait d’ailleurs passer des choses faisant penser qu’elle est une sainte.
Les mots qu’elle dit au procès sont très surprenants et hors norme. Typiquement, lorsque l’inquisiteur lui demande si elle se croit en état de grâce, elle répond « si je n’y suis, qu’il m’y mette, si j’y suis, qu’il m’y garde ». A l’époque, cette réponse a arrêté le procès, de part sa fulgurance. Ce qui n’est pas le cas dans la pièce.
Cette dernière plait par l’intelligence dans laquelle Anouilh l’a fabriquée. Notamment au travers de la force du personnage de Jeanne d’Arc. Ajoutons, bien entendu, l’importance de la qualité de son interprétation.
A titre plus personnel, comment parvenez-vous à garder votre concentration et votre énergie ?
C’est une question très intéressante car j’ai dû beaucoup travailler en amont pour y parvenir. Au travers notamment de l’orientation que je souhaitais donner à mes différents personnages.
Je voulais que le premier soit bienveillant, ce qui n’était pas forcément le cas dans l’histoire. J’essaie de le rendre profondément spirituel, de lui donner une part de masculinité et de le rendre solidaire de Jeanne. Il n’y a pas longtemps que ses mots sont nourris du feu de ma propre prière. La concentration associée est donc d’ordre spirituel. Ce n’est pas mon cerveau qui me guide, mais mon cœur.
Le deuxième personnage, La Hire, la colère en vieux français, est haut en couleurs. Il a tout pour être un saint mais il a été dirigé vers les armes et la violence. Au contact de Jeanne, il chante le grégorien, avant d’aller à la bataille. Je me sers alors de ce que m’a appris mon vieil ami Gérard Depardieu. Une énergie forte et une dose de spiritualité naïve sont nécessaires pendant cette période très intense de dix minutes.
Quant au bourreau, je me suis approprié le personnage assez rapidement. Dans lequel je me fais le marionnettiste de moi-même. Je lui ai imaginé un passé de soldat à qui l’on a cassé la jambe.
Jouer des rôles, c’est aussi inventer. Comme me le disait Jean-Laurent Cochet, il ne faut pas hésiter à inventer des sous-textes pour mieux contextualiser.
5/ Revenons quelques instants sur les derniers moments avant de monter sur scène, lorsque le rideau est encore fermé mais que vous entendez déjà le bruit du public. Quel sentiment prédomine alors en vous ? L’excitation et la joie d’une nouvelle représentation ? Ou l’inquiétude et le stress d’avant spectacle ?
J’ai toujours le trac, et spécialement dans cette pièce. Car il faut changer d’énergie à plusieurs reprises. D’un premier personnage proche de moi, je passe à un rôle dégageant une forte intensité. Pour finir par un troisième, moins difficile et plus proche de mes expériences artistiques passées, dans lequel je m’amuse aussi beaucoup.
Je finirai par citer Steven Spielberg qui a dit, dans une interview, que l’angoisse, le stress et l’inquiétude sont ses principaux moteurs.
Ce fut un plaisir, Michel, d’effectuer cette interview en votre compagnie !