L’affaire Corneille – Molière : Interview croisée avec Mathilde Cerf et Loïs Vial, deux des comédiens de la pièce !
Bonjour Mathilde, bonjour Loïs,
Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous deux !
Vous êtes actuellement sur scène, à la Comédie Bastille, dans « L’affaire Corneille – Molière ». A titre personnel, on imagine sans doute la joie que cela doit être pour vous ?
Loïs : Oui ! C’est une très belle pièce, je trouve, avec cette enquête, menée par ces trois jeunes, pour essayer de sauver leur ami, qui va les emmener à faire ce concours d’éloquence, en 1968. Ce qui est génial, c’est que l’on joue plein de personnages…Il y a plein de situations très différentes les unes des autres, même temporellement, et on est accompagnés par de la musique live….
Mathilde : Oui, il y a plein d’instruments ! Ce ne sont d’ailleurs pas que des instruments musicaux, il y a aussi des objets quotidiens, notamment pour résonner comme un vrai réveil que le musicien fait sonner.
Loïs : Cet accompagnement musical s’assimile presque à une bande son de film. Sur scène, ça nous éclate parce que, quand tu parles et que tu sens qu’il y a de la réverbe, tu te croirais dans une église ou dans une sorte de sanctuaire bizarre…C’est donc très agréable à jouer ! Cela demande une grande rigueur, c’est une bonne école !
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Mathilde : C’est un spectacle qui est très choral, on repose beaucoup les uns sur les autres, les tableaux s’enchainent et s’entremêlent…En plein milieu d’une scène, un flashback peut avoir lieu, avant de revenir dans la scène du présent. C’est donc, vraiment, un voyage dans le temps, de par la musique et l’écriture de Marc. Ce n’est pas seulement une histoire avec un fil rouge, c’est une grosse bobine dans laquelle plusieurs autres viennent s’entremêler ! C’est chouette !
On est 5 comédiens sur scène, plus 1 musicien, pour jouer 30 personnages…Un comédien a même, je crois, 12 personnages à lui tout seul…L’articulation en coulisses est assez drôle, on doit vraiment se caler au mieux pour que ce soit fluide. Il y a presque un deuxième spectacle derrière…
Loïs : Ce serait intéressant de filmer les coulisses ! On s’aide les uns les autres….Pour aller plus vite, les chemises ne sont pas forcément à boutons mais à scratch : alors que ces costumes des années 60 sont très apprêtés, cela permet d’être efficaces ! De changer de costumes en aussi peu de temps est surprenant mais en même temps cool pour les spectateurs !
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Plus concrètement encore, avec vos mots, comment présenter cette pièce ?
Mathilde : C’est l’histoire de trois jeunes, qui se retrouvent à préparer le concours d’éloquence, sur le thème de la vérité. Pour sauver l’année de leur pote qui risque de redoubler, ils vont vouloir explorer une théorie vraiment loufoque, qui est : est-ce que Molière a vraiment écrit ses textes ? Est-ce que ce ne serait pas plutôt Corneille ? C’est une vraie théorie, qui a vraiment existé, dans les années 1910. Finalement, ils vont vraiment découvrir une profondeur assez folle dans cette théorie, au péril de leurs vies et ils vont partir dans tous les sens, à la rencontre des personnes encore vivantes qui peuvent témoigner de cette histoire-là.
Loïs : Plus ils creusent, plus ça devient intéressant, plus l’enjeu de la théorie devient assez intriguant ! Ce n’est plus juste quelque chose en surface…Il y a plein de points d’interrogation qui n’ont pas été résolus et plein de gens qui leur disent qu’ils ne doivent pas l’être. Ce qui les incite, par curiosité, à creuser encore plus…Ils se font happer par cette succession d’évènements, qui les mènent très loin…
Mathilde : Ils vont se passionner pour cette affaire, jusqu’à découvrir qu’un tabou a été enterré. C’est comme si on découvrait que la Joconde, en fait, n’avait pas du tout été peinte par Léonard de Vinci. Ils découvrent Le secret mystique de l’Histoire…
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Loïs : Cela pose des questions : est-ce qu’on doit réécrire, ou pas, l’histoire quand ça arrange ceux qui la contrôlent ? C’est intéressant de s’interroger sur cela…Après coup, c’est une histoire que l’on a écrite, et non pas forcément la vérité.
Mathilde : Le point de départ, le seul élément qui a vraiment eu lieu, c’est que cette thèse a bien été déposée par un docteur de la Sorbonne et, à partir de là, tout le reste est écrit par Marc Tourneboeuf.
Artistiquement parlant, cette pièce vous permet une palette de jeu large et variée…
Mathilde : Oui, oui ! On voyage dans le temps donc la gouaille change aussi. A un moment donné, pour quelques répliques, je joue mon propre personnage mais plus jeune donc, forcément, je transforme la voix et je change le corps. Toi aussi, Loïs, tu fais le même personnage qu’un autre comédien, mais 30 ans plus jeune…
Loïs : Il faut arriver à choper à peu près les mêmes mimiques que l’acteur qui le fait mais en ayant la même voix un peu plus jeune…Il y a des successions de plans qui sont donc intéressantes !
Mathilde : Le plus grand écart entre deux personnages très différents, pour toi, est entre le personnage d’Arthur, en 1968 et Molière…
Loïs : Il y a 400 ans d’écart…La transformation sur scène est intéressante, il y a tout un habillage…C’est très agréable à faire, on sort alors un peu de la continuité temporelle, on met un gros coup de pied dans la fourmilière.
C’est hyper agréable, pour nous, d’avoir une telle palette mais aussi, chaque soir, de se demander jusqu’où on peut aller dans cette vérité-là…Il y a une vraie élasticité, tout en gardant de l’authenticité !
La distribution est alternante, ce qui augmente un peu plus encore, sans doute, le plaisir artistique sur scène…
Mathilde : Bien sûr ! Dans mon cas, je suis arrivée un mois après la première donc c’est une alternance qui a démarré très rapidement. Iona Cartier avait à peine eu le temps de construire son personnage qu’elle m’a donné ses clés, qu’elle travaillait d’ailleurs encore. Forcément, je me suis beaucoup appuyée sur elle, je suis allée la voir plusieurs fois pour, justement, m’en imprégner. En plus, il y a une grande mécanique que l’on se doit d’avoir…Il m’a fallu, je pense, bien trois semaines pour avoir ma propre mélodie, mes propres intentions et mes prises de risque.
Ce qui est très rigolo, c’est que l’on a formé une troisième personne, Camille Nicolas. Je lui ai donné beaucoup de mes clés et, une fois qu’elle avait commencé à jouer, je suis retournée la voir…C’était incroyable, c’était trop chouette et hyper passionnant de la revoir aussi…Je lui ai piqué plusieurs petites chosesJ, que l’on voit d’une autre manière quand on les entend dites par quelqu’un d’autre…
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Loïs : Dès fois, ça marche… ou pas parce que certaines choses sont inhérentes à la façon de jouer et aux codes de jeu du comédien. Mais c’est trop cool…Quand je vois Marc tenter, je me dis que je peux tester aussi donc on se pique tous des choses, c’est bien, ça enrichit, c’est un cercle vertueux !
Mathilde : L’avantage, je pense, de l’alternance est que l’on n’a pas trop cet égo à se dire que c’est mon rôle, que je le fais selon telle interprétation et que personne ne doit faire autrement. Là, en fait, on se donne plein de cartes pour jouer ! C’est un exercice assez rigolo à faire !
Quels principaux retours du public pouvez-vous avoir ?
Loïs : Que ça ressemble à un film ! Il y a pas mal de comparaisons, grâce à l’écriture, au scénario et à la musique live…Les gens sont souvent très contents de l’histoire, ils ne connaissaient pas forcément cette théorie.
Mathilde : Ils saluent beaucoup la performance dynamique que l’on a. Effectivement, c’est un grand ballet …
Loïs : Oui, les spectateurs remarquent l’énergie globale qui est insufflée. Sinon, ce serait un documentaire un peu plat…C’est une pièce assez dense, il faut être à l’écoute, il y a beaucoup de dates et de protagonistes, pour évoquer des choses peu connues…
Mathilde : …avec la volonté, justement, de s’adresser à tout le monde, même aux personnes qui ne sont pas du tout informées. Au final, on suit une enquête et on s’attache à ces jeunes qui la mènent, peu importe, j’ai envie de dire, la thématique qu’il y a derrière…Ce pourrait être « Qui a volé le chat de la mère Michel ? », ce serait pareil ! La volonté principale est d’embarquer le public.
Loïs : Ce qui est bien, c’est que, dans la salle, il y a de tous les âges, pas uniquement des jeunes ou des retraités. C’est agréable d’avoir des gens de 7 à 77 ans. Cela permet à tous de voir d’autres choses…
Justement, que peut-on vous souhaiter pour la suite de cette déjà très belle aventure ?
Mathilde : Qu’elle perdure, ce pourrait être chouette !
Loïs : Que le spectacle tourne aussi peut-être dans d’autres villes, pour voir comment il sera reçu. Ce serait bien car ça pourrait marcher un peu partout, je pense…On touche au patrimoine français, le tout ficelé par une enquête, ce qui peut intéresser le plus grand nombre !
Mathilde : Aussi que l’on ait des groupes et des classes, avec, pourquoi pas, un échange ensuite. Parce que c’est génial quand les jeunes peuvent avoir accès à la culture…
Pour terminer, en complément, quels sont vos autres projets en cours ou à venir ?
Mathilde : Je suis sur un autre spectacle, qui est « Michelle, doit-on t’en vouloir d’avoir fait un selfie à Auschwitz ? ». C’est mis en scène par la compagnie Nandi, on tourne depuis 3 ans. J’y ai le rôle de Michelle et c’est vraiment inspiré de l’histoire vraie de cette jeune fille américaine qui a posté ce selfie sur les réseaux pendant son voyage scolaire…Elle avait reçu un déferlement phénoménal de haine, si bien que je me rappelais de cette histoire qui date de 2014. Mes parents m’en avaient même parlé, montrant l’ampleur internationale de ce qui s’était passé.
On a fait Avignon l’an dernier et, possiblement, on le fera l’année prochaine. C’est un très beau spectacle, avec de la chorégraphie et de la musique. C’est très contemporain, ça parle beaucoup aux jeunes, c’est plein d’émotions.
A l’image, j’ai dernièrement joué dans « Flashback » et, avec Loïs, on avait tourné dans une série qui s’appelle « Là-haut sur la montagne », pour TV5 Monde…
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Loïs : Une série décalée et humoristique, dans une sphère d’écologie, ce qui n’est pas forcément courant…
Mathilde : Ce sont des histoires loufoques qui pourraient avoir lieu en 2080, notamment : qu’est-ce qui se passerait si on va au ski et qu’il n’y a pas de neige…
Je fais aussi du doublage. Dernièrement, est sorti le jeu vidéo « Expédition 33 », où j’ai plusieurs voix.
Loïs : De mon côté, j’ai eu, cet été, pas mal de projets en parallèle du théâtre, notamment deux créations TF1. L’une s’appelle « Grandiose », qui est l’histoire de jeunes qui ont des troubles alimentaires et qui sont envoyés par leurs parents se soigner dans un endroit qui s’appelle « La ruche », une sorte de clinique pour réapprendre à manger. Je fais le second du cuisinier, interprété par Marc Riso. C’est une belle aventure humaine et c’est très intéressant de parler de ces sujets-là.
L’autre s’appelle « Marie-Line, incognito », avec Isabelle Nanty. Sans oublier un peu de doublage aussi…
Merci à tous les deux pour vos réponses !