Marilyne Fontaine évoque sa belle actualité théâtrale !

Publié le par Julian STOCKY

 

 

Bonjour Marilyne,

Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous !

Vous êtes de retour sur les planches avec « La double inconstance », un spectacle déjà joué l’année dernière, en Avignon et à Paris. A titre personnel, on imagine sans doute la joie que cela doit être pour vous ?

Oui, c’est une joie de pouvoir continuer à partager Marivaux et, aussi, de déguster cette pièce. Personnellement, c’était la première fois que j’abordais cet auteur, j’avais beaucoup d’angoisse, à me demander comment j’allais pouvoir être drôle, dans cet univers plus léger que la tragédie et le drame, qui sont plutôt mes fers de lance. Là, je suis confrontée à quelque chose de plus enlevé…D’ailleurs, dans la vie, j’en vois l’influence : après la représentation, je vais bien, je n’ai pas de tourments, là où d’autres pièces me marquent un peu plus… Comme avec Phèdre ou Hermione. C’est donc un plaisir de reprendre cette pièce pendant deux mois au Lucernaire !

Plus concrètement, comment présenter le spectacle ?

À la cour, le Prince et Flaminia, que j’interprète, décident, par amusement, de séduire Sylvia, une jeune paysanne, et Arlequin, dont elle est éprise. Dans le but de les séparer… C’est vraiment de la manipulation des esprits…Mon personnage fait plein de flagorneries à Arlequin, qui finit par tomber amoureux et il en est de même pour Sylvia et le Prince. D’où la double inconstance…Toutefois, la fin reste très ouverte…Le metteur en scène a, d’ailleurs, voulu laisser planer le doute au travers de la mise en scène.

La particularité se fait dans la langue très ciselée, c’est un régal à dire et à entendre ! Par exemple, « l’humilité n’accommode pas les glorieux mais la rancune donne de la malice »…Il y a beaucoup d’aphorismes…

 

 

Quel regard portez-vous, plus personnellement, sur votre personnage ?

C’est une manipulatrice sans scrupule qui, pour arriver à ses fins, c’est-à-dire un certain rapport au pouvoir et à l’argent, va user de tous ses charmes et de son esprit. Le Prince lui promettant un beau mariage et une place encore plus importante dans sa cour…Elle est une fille de valet, elle n’a pas de titre de noblesse, c’est une arriviste et c’est en cela qu’elle est intéressante à jouer…

Avec Marivaux, il y a beaucoup de couleurs et de relief, ce personnage est un camaïeu de pastels. Le plus dur étant de savoir où placer le curseur entre la vérité et le masque. Par exemple, on s’est beaucoup interrogé sur l’amour qu’elle porte à Arlequin et sur le degré de sincérité qu’il y avait. Elle le flatte, elle dit, en aparté, qu’elle est bouleversée par ses sentiments mais, en vérité, le Prince a raison, « ces petites personnes-là font l’amour d’une manière à ne pouvoir y résister »…C’est quand même odieux de parler ainsi, non ? Surtout qu’il y a juste eu un baisemain…C’est donc une ironie assez vicieuse, avec le sourire… Mon personnage emmène même sa sœur draguer Arlequin…C’est un jeu cruel ! D’ailleurs, il y a une vitre sans tain, où toute la cour observe ce qui se passe…

Donc, oui, il y a plein de reliefs, notamment un côté très champagne, très pétillant. En plus, je suis en corset, je suis bien enveloppée, avec de beaux vêtements…C’est chatoyant !

 

 

Le fait d’avoir pu laisser reposer la pièce et votre personnage depuis les précédentes représentations vous permet-il de revenir avec un œil un peu différent ?

C’est une grande question ! C’est valable pour tous les rôles d’ailleurs…Cela permet, en tout cas, de laisser infuser. C’est comme le peintre qui fait ses premiers traits au crayon d’abord : il a alors une vision de l’œuvre mais sans encore savoir où elle va aller…En laissant du temps, il y revient ensuite avec des idées plus précises sur les couleurs à utiliser. Donc, en effet, dans les reprises, il y a quelque chose de plus latent qui arrive, ainsi qu’un prisme un peu différent. Comme le peintre qui revient encore sur sa toile, cette fois-ci au couteau, pour l’agrémenter un peu plus encore, jusqu’à obtenir satisfaction. Même si je pense qu’une œuvre n’est jamais achevée et qu’il y a toujours à chercher…

En synthèse, le fait de reprendre un rôle, grâce à la maturation, permet de voir le rôle différemment ! Les choses sont, certes, déjà déposées en soi, par tout le travail organique fait en répétitions, c’est un peu comme une seconde nature, les gestes sont devenus nôtres mais, pour autant, on apporte à présent un autre regard, qui peut même, parfois, faire repartir de zéro sur certains moments de la pièce…A présent, je trouve Flaminia plus humaine et moins cruelle qu’il y a 6 mois. Il y avait alors plus d’écart entre nous alors que, là, j’ai l’impression qu’elle me constitue davantage, même si je la laisse loin de moi, bien sûr, sur certains côtés plus sombres de sa personnalité.

D’ailleurs, la psychanalyse m’aide généralement beaucoup pour comprendre mes personnages et me les approprier. Je ne suis qu’une petite humaine et cela me permet de tenter de donner un maximum de justesse et de sincérité à l’endroit où le metteur en scène décide de rencontrer l’œuvre.

Merci, Marilyne, pour toutes vos réponses !

 

 

Publié dans Théâtre

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