Rentrée 42 : Fanny Lucet évoque la pièce de théâtre dans laquelle elle joue Suzy !

Publié le par Julian STOCKY

 

 

Bonjour Fanny,

Quel plaisir d’effectuer cette nouvelle interview avec vous !

Vous êtes actuellement en tournée théâtrale avec la pièce « Rentrée 42, bienvenue les enfants ! ». A titre personnel, on imagine sans doute la joie que cela doit être pour vous ?

Complètement ! C’est un vrai plaisir…Par rapport déjà à l’équipe : tous sont des gens adorables et bienveillants, il y a une très belle entente. Aussi pour la qualité du spectacle et le propos.

Sans tout en dévoiler, comment présenter le spectacle ?

Cela parle de la shoah par l’absence, on est en 1942, c’est la rentrée des classes, on attend 123 enfants mais seulement 17 arrivent, à cause de la rafle du Vel’ d’Hiv’. Des questions se posent alors…Qu’est-ce qu’une école sans enfants ? Que font des maitres et des maitresses sans élèves ? Dans cet état d’horreur, que fait-on avec cette réalité ?

 

 

Quel personnage y incarnez-vous ? Quelles sont ses principales caractéristiques ?

J’ai le rôle de Suzy Courcelles, jeune institutrice de 25 ans : c’est sa première vraie rentrée des classes. En fait, elle est arrivée l’année dernière mais en cours de route, en remplacement d’une institutrice juive qui avait dû partir. Elle connait à présent l’équipe mais il y a maintenant l’excitation de la rentrée, de son fonctionnement, de son organisation, de sa préparation. Elle est ultra excitée, très heureuse de faire cette rentrée, très heureuse d’être là. Elle est en admiration devant la directrice parce qu’elle aimerait, un jour, être à ce genre de poste-là. C’est quelqu’un qui veut réussir, qui est ambitieuse, qui a été éduquée dans quelque chose d’assez rigide, dans le « on ne rate jamais, il n’y a pas d’échec ». Malgré tout, elle tend vers un métier qui est de l’ordre de la liberté parce qu’il n’y a pas vraiment de patron, on y est libre dans ce que l’on fait, on y prépare sa classe de façon indépendante. Elle y trouve une indépendance financière également…Tout cela est un moyen, quelque part, d’échapper à l’emprise de sa famille, qui n’est pas aimante et plutôt froide.

Elle est pro Pétain parce qu’on l’a éduquée comme cela. Son père et ses oncles ont fait la première guerre, elle pense que Pétain va de nouveau être là pour les sauver. Elle est dans cette image-là et elle suit cela avec tout son cœur : profondément, elle pense que ça ira, elle ne voit pas l’horreur. Parce qu’elle est dans un milieu doré et qu’on lui cache certainement des choses, elle n’a pas forcément accès à cette réalité de l’horreur qui se passe dehors.

En même temps, elle aime profondément les enfants, elle est contente de faire ce métier-là. Tout lui réussit, elle n’a pas de problème, elle a de l’argent, elle a à manger, elle va au théâtre, elle va au restaurant, elle sort avec qui lui plait, qu’il soit français ou allemand. Elle a ce racisme quotidien de l’époque : pour elle, c’est une évidence mais ce n’est pas être méchante que de dire que les juifs sont comme ci ou comme ça, c’est juste la réalisé et une évidence. Cela ne l’empêche pas d’aimer les gens…Elle est dans cette simplicité-là, elle ne s’est pas encore forgé un esprit politique, elle est simplement dans l’optique de réussir et de faire sa vie d’institutrice, ce qui est déjà beaucoup pour elle. Elle est dans les préoccupations d’une jeune femme de 25 ans !

 

 

Si l’on se replonge quelques temps en arrière, au moment de rentrer dans la peau de ce personnage, vous étiez-vous renseignée sur le contexte de l’époque, au travers de textes ou de films, pour encore mieux vous en imprégner ?

Bien sûr ! L’auteur, Pierre-Olivier Scotto, nous avait donné beaucoup de livres à feuilleter. J’ai aussi pas mal regardé la série « Un village français », elle est hyper bien documentée et cela m’a beaucoup servi. Elle est au plus proche de ce qui se passait à l’époque, cela m’a permis de voir les différents milieux sociaux, comment chacun pouvait vivre dans cette période-là, comment chacun se positionnait, les restrictions, les limites, le travail d’une institutrice, la vie d’une famille bourgeoise,… C’était hyper bien, cela m’a énormément appris. J’ai aussi vu « Le dernier métro », pour la jeune comédienne, où avec sa spontanéité, elle ressemble un peu à Suzy, par sa fraicheur. Si ce n’est que Suzy a plus d’empathie…J’ai aussi regardé beaucoup de reportages de l’époque, avec des témoignages d’enfants sortis de la rafle. Sans oublier les documentaires. Certains sont vraiment très durs mais hyper bénéfiques, avant et pendant les répétitions. C’était important de se plonger vraiment dans l’époque pour retranscrire la couleur et l’humeur.

La période n’est pas si éloignée de nous, donc le vocabulaire n’est pas tant différent mais il y a une couleur et une teinte différentes. Qu’est-ce que c’est que d’avoir peur en permanence ? Que se passe-t-il quand l’alarme sonne ? Sentir cela à travers les témoignages et la série m’a permis d’emmagasiner plein d’informations au moment de mettre mon costume.

 

 

Au-delà de l’aventure humaine et artistique de la pièce, le fait de parler de ces sujets forts, sociétaux et historiques doit peut-être vous rendre fière ?

Oui, c’est vrai, je pense, qu’il y a une forme de fierté. Dès les premières lectures, on sentait que les gens, dont leur famille avait vécu cette période, étaient hyper touchés et très émus par ce qu’ils entendaient.

Quand on regarde les films ou les pièces déjà faits sur ce thème, on s’aperçoit qu’on y parle rarement des enfants qui ont été raflés. D’ailleurs, il y a eu très peu de rapports faits, on n’en parlait pas. Dans la pièce, à la radio il est même dit « c’est une rentrée comme les autres », alors que c’est l’horreur et que tout le monde est tétanisé.

A la sortie, quand les spectateurs viennent se livrer, on sent qu’on a libéré une parole ! C’est intéressant et important. On aime ensuite quand ils nous racontent leur histoire…ou simplement qu’ils nous disent en quoi ils ont été touchés. Comme aime à le dire une des comédiennes, c’est vraiment une pièce populaire, dans le bon sens du terme, c’est vraiment pour le peuple, on sent que ça plait aux gens. Il y a en plus une résonance avec la situation actuelle dans le monde : les gens sont épuisés de voir que l’histoire se répète en permanence. Ce n’est plus possible de retomber dans les mêmes travers ni de refaire les mêmes erreurs.

J’espère que ce projet va perdurer, on attend avec impatience de pouvoir le proposer à des scolaires pour en échanger avec eux. Il y a une forme de travail d’éducation et de mémoire dans ce que l’on fait : n’oublions pas ce qui s’est passé !

 

 

D’ailleurs, quelle suite aimeriez-vous pouvoir donner à cette aventure, au-delà de la tournée déjà en cours ?

Nous serons à nouveau au festival d’Avignon cette année, avant de jouer à Paris en fin d’année, à la Comédie Bastille. Nous avons hâte ! Cela sera l’occasion de prolonger les échanges avec le public, ils sont importants pour nous ! C’est chouette…

En complément, quels sont vos autres projets à venir ?

J’ai une date de tournée qui arrive, aux côtés de Bernard Menez et de Philippe Chevallier, avec « Sherlock Holmes et l’affaire du pont de Thor ». Je travaille depuis quelques années avec une compagnie alsacienne, on est en tournée avec la pièce « Les petites pierres ». On a aussi une autre pièce, « Le rêve est une seconde vie », en cours de création. Normalement sera diffusé cet été l’épisode inédit « Au clair de lune » de la série de TF1 « Camping paradis », dans lequel j’ai joué. J’y ai le rôle d’Emma, une jeune nana de 23 ans : c’était assez rigolo pour moi qui en ai maintenant 35 mais ça fait toujours plaisir à l’égo ! C’était chouette, ce ne fut que de belles rencontres avec toute l’équipe…L’expérience de tournage fut agréable !

Merci, Fanny, pour toutes vos réponses !

 

 

Publié dans Théâtre

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