Meurtres sur les iles du Frioul : interview croisée avec Francis Huster, Jérémy Banster et Sylvie Ayme !
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Bonjour Francis, bonjour Jérémy, bonjour Sylvie,
Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous trois !
Marseille est mise en avant dans ce téléfilm. Avec un focus sur le port, les iles…Pourquoi, d’ailleurs, avoir transposé le commissariat dans la tour ?
Sylvie : J’avais envie d’aborder Marseille par la mer, pour non plus se concentrer sur le côté urbain mais être vraiment sur le littoral. J’habitais sur la corniche et c’est très étonnant, ce film m’a permis de redécouvrir ma ville. J’ai trouvé ça super d’être dans cet élément très simple, presque binaire, du rocher et de l’eau. C’est vraiment ce qui se passe dans les personnages, de l’eau qui va se cogner contre un rocher et qui sans cesse revient. Et ce côté déchiqueté de l’émotion parce qu’ils n’arrivent pas à communiquer était très présent. Donc je trouvais que ça avait vraiment une belle corrélation, une vraie correspondance au sens baudelairien du terme, entre les sentiments des personnages, leurs vécus, ce qu’ils racontaient, ce qu’ils portaient et les éléments dans lesquels ils étaient. D’où la scène de la terrasse. Parfois, et Francis s’en amusait, on avait un côté un peu western. Parce que la nature était présente, alors que l’on est en pleine ville, c’est ce qui est incroyable à Marseille. La nature est très présente, la mer est là, c’est la grande force de Marseille.
Le personnage de Francis est dessiné, avec ce manteau. D’où cela vient-il ?
Sylvie : C’était vraiment une discussion et Francis y était pour beaucoup parce qu’il est arrivé avec une idée très précise de son personnage qui, au début, m’a un peu surprise. Je lui ai dit « ah bon, le costume trois pièces se fait encore ? ». Il était vraiment très convaincu et du coup très convaincant. Ensuite, avec Jérémy, on est allé chercher cette matière, ça nous plaisait d’être dans de la matière, dans de la peau et de retrouver un peu un Marlon Brando. Franchement, on avait, grâce à Francis, vraiment travaillé sur des références comme Steve McQueen, Gregory Paic ou James Stewart. Je ne sais pas lequel tu préfères, Francis ?
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Francis : Ce que je veux dire et c’est maintenant que je le dis parce que j’y pense, je crois qu’on mesure très très mal ce qu’est le métier d’acteur. Je m’explique…nous, les acteurs, on a deux sortes de metteurs en scène, le metteur en scène qui réécrit le scénario avec des images et le metteur en scène qui filme ce qui est écrit. Quand le metteur en scène filme ce qui est écrit, notre métier de comédien, sérieusement, c’est comme un sandwich, c’est-à-dire qu’il y a la réplique et, pendant la réplique, même si on met un silence, c’est la réplique et on donne toute l’émotion, comme si on était le jambon dans le sandwich pendant la réplique. Ces metteurs en scène-là qui filment donc le scénario ne nous laissent pas la possibilité d’être autre chose que le personnage, point barre. Et puis il y a une deuxième sorte de metteurs en scène, ceux qui ne filment pas le scénario, qui filment le film qu’ils imaginent à partir de ce scénario. Un mec qui met en scène Hamlet ne va pas être pareil qu’un autre, alors que c’est la même pièce. Donc, quand c’est un metteur en scène qui filme son film, nous, quand on commence à tourner le premier jour, on ne sait pas du tout le film qu’imagine le metteur en scène. Et ça veut dire qu’au lieu de mettre l’émotion sur le texte, elle est en dehors. Donc ça veut dire que c’est comme une résonnance, tu dis le texte et juste après que tu l’aies dit, l’émotion qui se dégage de ce que tu viens de faire, c’est ça que prend le metteur en scène. Soit l’émotion avant que tu parles, soit l’émotion une fois que tu as parlé. Alors, si tu as confiance dans le metteur en scène, tu réussis tous les rôles, pas seulement les rôles principaux, tous les rôles. Yacine, Avy, les filles…on a des acteurs qui parlent et, tout d’un coup, tu vois dans leurs visages une émotion, c’est magnifique. C’est pour ça que je pense que cette femme est un grand metteur en scène parce qu’elle a eu l’intelligence, en lisant ce scénario, de se dire « je ne vais pas filmer le scénario, je vais filmer la résonnance de chaque chose ». Ce qui est valable pour les acteurs, c’est valable pour les décors, c’est valable pour la lumière. Par exemple, la dernière scène du film, avec la terrasse, est un chef d’œuvre, on dirait un western, c’est absolument incroyable. Je crois que le film aura énormément de succès, il a été montré à des enfants et à des grands parents, quelle que soit la génération, chacun prend ce qu’il veut dans l’émotion. Par exemple, quelque chose de très précis, je suis avec Diane Robert, c’est la première scène entre nous deux, on a quatre cinq répliques, il se passe un truc entre nous, tu te dis qu’ils ont vécu ensemble, ils se sont aimés, ils s’aiment toujours. C’est son talent de metteur en scène.
C’est pour cela que je trouve que c’est un bonheur total, je me suis entendu merveilleusement avec Jérémy parce qu’il a immédiatement compris qui elle était comme metteur en scène. Il est extraordinaire dans le film. Je vais vous raconter une anecdote, elle est tellement rigide et lui est tellement « je suis le meilleur » qu’ils ont tourné une scène, et je n’ai jamais vu cela depuis je ne sais combien d’années, et bien on l’a refaite le lendemain. Extraordinaire !
C’est une réflexion que je me suis faite, je n’ai pas compris pourquoi des génies, tout d’un coup, faisait une merde dans un film, comment ils peuvent tout d’un coup tourner un film qui n’est pas bon. Tout simplement, au lieu de tourner à leur façon, ils ont tourné le scénario tel quel.
On a eu beaucoup de chance aussi de tourner au château d’If, même Gérard n’a pas pu y aller, ils n’ont pas pu accoster. Ce film est un miracle, on a vraiment eu chance sur chance, à tous les niveaux, le temps, …des trucs incroyables.
Jérémy, le fait d’être dans un unitaire d’une collection a-t-il des résonnances avec le fait d’être dans une quotidienne ?
Jérémy : C’est le même boulot…après, je considère qu’une publicité, un film, un long métrage, une quotidienne, oui on fait le même travail mais on a une manière et une technique différente de s’y attaquer, de s’y atteler. Mais c’est ce qui fait que, en tant que comédien, on peut jouer sur un plateau, on peut jouer en plein air. Après, il y a le fait d’envisager le travail et en tant que média, de transmettre d’une manière différente. Ça reste le même travail, tout part de l’intérieur, c’est une intériorité. Là, c’était déjà une grande histoire, avec un très beau message, des personnages très forts et un plaisir de se retrouver tous les matins tous ensemble, c’était un grand bonheur. Ce tournage était une parenthèse enchantée, pourtant on était en plein Covid, c’était compliqué à Marseille de tourner, on prenait le bateau tous les matins pour aller sur les iles mais, sincèrement, on avait un plaisir immense, au mois de février, à se retrouver, à aller tourner. C’était magique comme tournage.
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Il y a quelque chose de gonflé, c’est d’avoir fait de Francis le frère et de Jérémy le neveu de Moussa…
Jérémy : Oui, mais ça marche très bien. Sur le papier, c’est improbable mais, finalement…Après, ils sont demi frères.
Francis : Ce que je veux dire, par rapport à ce que l’on disait tout à l’heure, et je le dis pour Jérémy et pour Sylvie aussi, c’est pareil pour elle en tant que metteur en scène, c’est que, quand John Wayne qui représentait pour le monde entier le western, le chérif…a voulu changer d’emploi, il a fait tout d’un coup un film sur le Vietnam, le public a refusé. Quand Gay Cooper a fait la même chose, le public a refusé. Pourquoi ? C’est là où je mets le doigt et pour lui et pour elle, c’est qu’en fait quand tu as eu un tel triomphe dans un personnage ou un tel triomphe dans ce style de film, tu es obligé, si tu veux vraiment changer, de faire ce qui te ressemble vraiment. Si John Wayne avait tourné des rôles du vrai John Wayne dans la vie, tout le monde l’aurait accepté. Et eux deux, il faut, à mon avis, qu’elle tourne des films qui sont dans son ventre, qui lui ressemblent et qu’on se dise « ce sont les films de Sylvie Ayme ». Et lui, il faut qu’il tourne des rôles où il n’y ait aucun espace pour le téléspectateur, il doit se dire que c’est tel quel qu’est Jérémy Banster. Au lieu de venir voir un personnage dans le film qu’il a interprété pendant des années, on vient voir le vrai Jérémy Banster. C’est ce qu’a très bien compris Gabin, il a eu un trou énorme dans sa carrière, d’ailleurs parce que les gens l’ont trahis à la fin de la guerre alors que c’était un héros mais surtout parce qu’on ne voulait plus le voir interpréter un personnage, on voulait le vrai Gabin. C’est ce que Bourvil a compris aussi, le vrai Bourvil. Lui, comme elle, ont dix ans devant eux magnifiques s’ils ont ce courage-là. Lui de dire « ce n’est pas que c’est un rôle pour moi, c’est moi, je le fais » et elle de dire « je porte ce sujet, j’y vais ». Si jamais ils commettent l’erreur, elle de tourner des films qui n’ont rien à voir avec ce qu’est cette personne en tant qu’être humain et lui de faire des rôles juste parce qu’ils sont magnifiques, ce sera bien mais les gens veulent voir qui est ce gars-là, il n’a plus 20 ans, plus 30 ans, c’est un homme mûre et s’il fait ce pas-là, ce sera magnifique. Voilà ce que, moi, je me permets de dire…
Jérémy : Tu as tout fait à raison, c’est très juste et c’est pour ça qu’une carrière, tu le sais, se fait sur des choix et souvent sur des refus. Il faut savoir dire non car, au bout d’un moment, il faut être en accord, être ancré, être positionné par rapport à ce que tu souhaites vraiment, par rapport au projet que tu as envie de défendre. Et comme tu le dis si bien, par rapport à un projet où tu te vois incarner un personnage et que ce soit au cordeau, en totale sensibilité. Aujourd’hui, c’est ce dont j’ai envie, totalement. Il vaut mieux refuser des choses et vraiment attendre le bon projet, avec les bonnes personnes qui vont un avoir un beau regard sur toi, avec de très bons partenaires, pour faire des projets qui vous tiennent vraiment à cœur. Ce film en est déjà une étape.
Sylvie : Le sentiment que j’ai, c’est que, justement, la chaine me fait de plus en plus confiance, au point que je peux être de plus en plus prête des films que je fais, avoir de plus en plus de liberté pour y mettre dans les espaces possibles ma sensibilité, ma singularité. Je comprends très bien ce que dit Francis et je remercie la chaine de me permettre cela de plus en plus. Je me sens de plus en plus libre dans ces collections, dans ces séries, d’aller vers ce que je peux faire vraiment, de vraiment signer les films que j’ai fait.
Il y avait une belle équipe féminine et beaucoup d’acteurs locaux. L’alchimie s’est-elle bien passée ?
Jérémy : Entre deux mecs du Psg et les marseillais ? Très bien, on a gagné haut la main, 3 à 0J.
Merci à tous les trois pour vos réponses !