Free Ligue 1, groupe Canal +, ... : Sébastien Dupuis évoque sa passion pour le commentaire de rencontres de football !
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Bonjour Sébastien,
Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous !
En plus de travailler pour le groupe Canal +, vous avez rejoint, depuis le début de la saison, l’aventure Free Ligue 1. C'est un gros coup pour Free d'engager un commentateur de votre notoriété et de votre expérience ?
Toujours le moins bien placé pour parler de soi-même. Ce que je peux te dire, c'est que je suis ravi car c'est une nouvelle expérience qui me plait beaucoup. C’est aussi le format qui m’a plu, mine de rien, dans la proposition de Free. Etant entre deux générations on va dire, pas complètement vieux mais pas complètement jeune non plus, j’essaie depuis quelques années de m’adapter, même dans ma vie personnelle, aux différents modes de consommation des médias. Que ce soit la dématérialisation en termes de papier, le podcast, les diffusions sur les mobiles….c’est quelque chose qui me parle, j’utilise cela dans mon quotidien depuis longtemps et je m’y intéresse. Donc, du coup, quand Free m’a proposé cela, c’est vrai que ça a matché de suite dans ma tête. Déjà, l’année dernière, en tant que simple téléspectateur, j’étais consommateur de l’application. J’ai trois enfants, j’ai beaucoup de boulot, je n’ai pas énormément de temps et je ne peux pas infuser à la famille cinq matchs par week-end, sous peine de divorce imminentJ. Un peu comme beaucoup j’imagine, je regarde les émissions en résumé.
Quand j’étais en train de coucher mes enfants le samedi soir ou le dimanche après-midi pour la sieste, je restais avec eux et j’avais, sur mon appli, les buts, avec des extraits en live d’une trentaine de secondes. A la fin de la journée, il se trouve que j’avais vu tous les buts. Je me suis rendu compte, effectivement, en termes de consommation, que ça me convenait parfaitement dans mon rythme pro et mon rythme de vie perso surtout. Quand Free m’a contacté parce qu’ils voulaient mettre vraiment un upgrade assez important sur l’application, notamment en faisant commenter les extraits en quasi-direct, j’ai dit que ça m’intéressait énormément. J’ai pris quelques jours de réflexion et je me suis embarqué de suite dans l’aventure parce que je me suis dit que ça rejoignait pas mal de choses qui me parlaient beaucoup dans l’instant. A savoir, évidemment, le commentaire de foot, que je fais quand même depuis vingt ans, aussi la liberté que j’ai depuis quelques années, si j’ai envie, de pouvoir travailler pour certaines personnes, sans exclusivité, et ce côté nouvelle consommation du foot et de la télé en règle générale, parfaitement dans l’air du temps.
Justement, vous avez rapidement commencé à l’évoquer, comment décririez-vous les évolutions de l’appli pour cette nouvelle saison ?
Cette année, l’appli Free s’est voulue à destination des supporters, mais de tout le monde aussi car téléchargeable sur toutes les plateformes possibles et imaginables, ainsi que sur les boxs Free. Pour moi, c’est à la fois une manière unique de consommer du football mais aussi une alternative et un plus vraiment très important pour le supporter qui va manger, boire, dormir football. Je vous prends un exemple tout bête, vous êtes au stade le vendredi soir ou le samedi après-midi pour voir vos enfants jouer, vous êtes en train de regarder ce match là et vous pouvez, en même temps, vous tenir informé et voir, entendre les buts commentés de tous les matchs de Ligue 1. Le dimanche après-midi, vous êtes au stade, à Angers, pour Angers-Metz, vous pouvez avoir, en même temps, votre push et cliquer dessus pour voir le but de Clermont-Lille. On voit tout et, même en étant au stade, vous avez la possibilité, sur votre téléphone, votre tablette de pouvoir tout voir. Ça vous prend 45 secondes !
Ce qui m’a vraiment interpellé, c’est la pertinence de cette application et cette envie qu’ont eue les dirigeants de créer un produit mais surtout de créer un produit pour les fans de foot et pour les gens. C’est vraiment ça qui m’a plu. Les médias traditionnels font cela, bien évidemment mais, en étant un moyen de consommation du foot, Free a voulu vraiment se mettre au service du fan de foot, du supporter ou de la personne, quelle qu’elle soit. Il y a les résumés à la fin du match, dans l’immédiateté ou quasiment. Il y a ce que l’on appelle des clippers, en même temps que l’on commente, qui, dans l’immédiat, et c’est un boulot monstrueux, découpent l’action, découpent les commentaires et les mettent à disposition de l’application. Je trouve, cette année, la plateforme Free très ergonomique. Il y a eu un énorme boulot de fait, vraiment.
Pour tout vous avouer, je ne savais pas trop, au départ, dans quoi je m’embarquais. Le lendemain du premier dimanche, celui du 8 août, quand j’ai vu ce que ça donnait en concret, je me suis dit que, pour une première, c’était quand même super solide. Surtout, après, j’ai eu de supers retours de mon réseau personnel, c’est-à-dire de dirigeants de clubs et de joueurs. Certains joueurs, dont je tairais les noms et dont j’avais commenté les buts ce même week-end là, m’ont envoyé un message rigolo et de félicitations. J’ai reçu aussi beaucoup de messages sur les réseaux de personnes, que je connais ou pas, qui ont dit qu’elles avaient été vraiment conquises par l’application. Je l’avoue, c’est super, surtout quand on se lance dans une nouvelle aventure pour essayer de monter en gamme, à son humble niveau, un produit. Quand on a ces retours-là, c’est top, on a tout gagné déjà au bout de quasiment une journée. Les journées suivantes m’ont complètement conforté là-dedans puisque j’ai eu exactement les mêmes retours, même encore un petit plus, je crois savoir que, en termes de téléchargements, ça fonctionne plutôt pas mal, je crois savoir aussi que, à Free, ils ne sont pas mécontents de l’affaire. Pour l’instant, c’est vrai que tous les voyants sont au vert.
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Plus concrètement, pendant les 90 minutes de match, quel est votre mode de fonctionnement ?
Lorsque je commente un match sur Canal, je prends, en moyenne, l’antenne 5 à 10 minutes avant pour l’avant-match, où j’éditorialise, en trouvant les points sur lesquels appuyer pour les deux équipes, en faisant doucement monter la sauce, afin d’amener les téléspectateurs dans une espèce de zone de confort pour le début du match. Puis je commente le match tout le temps, avec ses temps forts et faibles. Le travail en amont sert aussi, pendant les temps faibles, à garder les téléspectateurs dans le match et à leur amener des choses.
La différence qu’il peut y avoir avec Free, c’est que nous n’allons prendre que 40 secondes mais plein de fois. Une trentaine ou quarantaine de fois. Forcément, cela ne laisse pas trop place à la digression. Il faut être clair, concis, c’est un service : passeur, buteur, une petite info chiffrée. Il faut aussi, je pense, essayer de recontextualiser un peu le match : « ce but-là est arrivé pendant une période de domination d’une équipe » ou alors « ils sont en contre » ou « ils ont bien joué le coup ». On essaie de donner un peu la couleur du match, très rapidement pour que la personne, en quarante secondes, dans le cadre toujours d’un service, ait ce qui s’est passé avant et surtout ce qui s’est passé à l’instant T. Le téléspectateur vient consommer et, comme dans un resto, il faut que ce soit bon. Pour cela, il faut les bonnes infos…
Forcément, pour moi, ça me demande autant de préparation. J’ai pris le parti de commenter le match en intégralité. Pour moi, dans un match de foot, deux choses sont absolument capitales. La rigueur, à savoir avoir travaillé son match pour ne pas être surpris par exemple qu’un jeune joueur fasse son premier match et pouvoir raconter son histoire. Et, surtout, le rythme : pour un commentateur, c’est quelque chose de fondamental. Il se perd très vite. A mon sens, si on prend le parti de ne commenter que les actions chaudes, il n’y a que du danger de ne pas être dans le rythme, ce qui est terrible. Ça se remarque de suite le cas échéant. Surtout, il faut se dire que l’on prend un risque, que l’on est en danger si on ne commente pas tout le match. On n’est pas obligé de toujours tout sentir et, sur 90 minutes, si on est en manque de rythme, il y a forcément un moment donné où on va se faire prendre par l’action : un long dégagement en 6 mètres, une tête, on est dans la surface de réparation, contrôle, reprise de volée, but…ça prend 10 secondes…Si on ne commente pas dès le départ, on est pris et on se limite au contrôle et au but, ce qui n’est pas bon.
Du coup, je commente tout, en mettant aussi, de temps en temps, des moments de digression avec une petite information. S’il y a par exemple un plan d’un président ou d’un entraineur nouveau, j’en parle, ça ne coute pas grand-chose et si, juste après, il y a une action, on est alors le roi du pétrole et on a tout gagné.
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Concernant les commentaires en eux-mêmes, quelles sont vos aspirations dans la façon d’amener les choses, dans l’élan, dans le ton… ?
Il y a évidemment plusieurs styles de commentateurs. Il y a aussi plusieurs maturations de commentateurs. Ça m’arrive de temps en temps de retomber sur des matchs que j’ai pu commenter il y a 15 ans, c’est évident que je ne suis pas le même commentateur : largement meilleur maintenant qu’à cette époque-là évidemment mais, surtout, beaucoup plus en sécurité, beaucoup plus affirmé. Il faut qu’un commentateur ait une identité mais il ne faut pas qu’il ait une identité qui soit trop différente de ce qu’il est au fond, lui-même en tant qu’homme. Je sais que je suis un garçon fondamentalement amoureux du foot, j’aime le foot dans le sens brut du terme, j’aime la tactique, j’aime les beaux gestes, j’aime les rebondissements, j’aime l’incertitude, j’aime les renversements de situation, au-delà du scoring j’aime les reversements de situation psychologiques, j’aime m’attarder sur comment un match bascule en 17 secondes. Comme l’équipe de France contre la Suisse à l’Euro ou Marseille en début de championnat : quelque chose s’est cassé alors que l’équipe était en maitrise…pourquoi ? C’est toute l’incertitude psychologique d’un match de foot qui me passionne. J’aime et je suis très foot.
J’ai mis un peu de temps à me construire en tant que commentateur. Au début, c’est comme partout, on a des modèles, en tout cas des gens que l’on aime bien entendre, qui nous ressemble et que, juste à l’oreille, on apprécie. Il y avait, évidemment, parce que j’ai pu le côtoyer un peu, Thierry Gilardi. Pour moi, il a été une personne très importante. J’ai voulu faire ce métier parce que Thierry Gilardi. J’ai eu la chance, dans mes jeunes années à Canal, de pouvoir le côtoyer, j’ai eu la chance, même après, quand il est parti à TF1, d’avoir encore pas mal de contacts avec lui, beaucoup de conseils. Il y a des choses que lui m’a dites, avant de partir de Canal, alors que j’étais très jeune, la vingtaine, à peine en CDD, qui encore aujourd’hui me restent et m’ont fait créer une ligne directrice.
Il y a eu Grégoire Margotton, évidemment, avec qui je suis très ami aujourd’hui. Là aussi, dans mes jeunes années, il représentait un peu à l’époque ce que je voulais faire et être, un jeune homme très bosseur qui a réussi à s’imposer comme l’un, pour moi, des meilleurs commentateurs, tous sports confondus. Je me suis beaucoup inspiré de lui aussi, je l’écoutais beaucoup.
Il y avait donc la voix et le rythme de Thierry et de Grégoire, il y avait également David Berger, un de des meilleurs amis aujourd’hui. Il a aussi été quelqu’un dont je me suis beaucoup inspiré quand je venais d’arriver à Canal. J’aimais beaucoup son lié, j’aimais beaucoup sa facilité. Il est facile et pertinent. Donc j’ai essayé de picorer un peu à droite et à gauche, je ne voulais pas être le clone de. Jeune, je commentais beaucoup de matchs à blanc à Canal, je m’étais fait pote avec beaucoup de monteurs, qui étaient sensibles à ma demande de m’aider, ils me laissaient seul dans la salle de montage la nuit, je commentais et, après, je débriefais tout seul. Quand, au bout de 15 jours, après une dizaine de tests, j’ai estimé avoir passé un cap, je suis allé faire écouter à Thierry et à David. J’ai eu des conseils et j’ai réussi, comme cela, à me trouver une personnalité. Au-delà de trouver mon ton, le bon et le mien, je voulais trouver ma personnalité. Là, j’ai mis un peu plus de temps mais, rapidement, je me suis demandé ce que j’aimais, ce qu’il y avait déjà à la télé française et ce qu’il manquerait peut-être. Au-delà de ce constat, je me suis dit qu’il fallait que je me ressemble, il fallait que l’homme ressemble au commentateur. J’aime le foot et je voulais essayer de revendiquer quelque chose de foot, sans être donneur de leçon mais, en tout cas, d’orienter, avec le consultant, le commentaire sur du foot : la tactique, les changements, la rapidité d’analyse dans les changements pendant les matchs, la mise en avant d’un 0 à 0 que beaucoup penseraient pourri mais en se demandant pourquoi il y a eu ce score…Pareil pour un 3 à 3, cela dit.
J’ai eu la chance de commenter avec énormément de consultants, Christophe Dugarry ou Raynald Denoueix notamment. Pour moi, ce dernier a été le catalyseur et il m’a permis de me trouver cette identité-là, de m’assumer, de me dire « oui, j’ai envie d’être foot, alors soit foot ». Tactiquement, à part Eric Carrière et Habib Beye plus tard, je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi pointu que lui. Il est capable aussi de vulgariser le côté tactique. Du coup, sur mes premières années à Canal, j’ai fait surtout de la Liga avec Raynald, ce qui m’a, avec le recul, permis d’être le commentateur que je suis aujourd’hui, d’avoir eu la chance d’avoir été un commentateur premium sur Canal, d’avoir fait des très gros matchs sur Canal, notamment un 21h le dimanche soir, le rêve de ma vie.
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Après, il y a eu un deuxième step professionnel, la rencontre avec Habib Beye. Peu de temps après ses débuts, on part ensemble sur une Coupe d’Afrique des Nations, en Guinée Equatoriale, en 2015, avec la victoire de la Cote d’Ivoire. On était le duo numéro 1 et, en sortant, bien que je sois très dur avec moi-même, on se dit que quelque chose s’est passé. Déjà entre nous, où il y a eu une espèce de coup de foudre professionnel, on s’est compris, on parlait le même langage, on s’entendait bien. On s’est dit que l’on avait passé un cap. Effectivement, au retour, les choses se sont accélérées pour tous les deux. Tout ça pour vous dire que ma vie professionnelle s’est faite par du travail, par de la chance bien sûr, par de l’analyse de ce que je voulais être et par les rencontres bien évidemment.
En parallèle de l’appli Free pour la Ligue 1, quels sont vos autres projets et actualités ?
Il y a trois ans, j’ai fait un choix de vie, en redescendant à Toulouse, à la naissance de mes jumeaux. Je suis revenu un an après dans le giron du groupe Canal, après y avoir appartenu statutairement pendant de nombreuses années. Pour commenter des matchs, ce que j’ai toujours aimé faire mais à mon rythme, en mêlant vie familiale et vie professionnelle, ce qui est un luxe et j’en suis totalement conscient. Je prends tant que ça dure. Du coup, aujourd’hui, je travaille pour le groupe Canal et, tous les week-ends, pour l’appli Free Ligue 1.
En parallèle, j’ai une société, à Toulouse, où je fais beaucoup d’interventions en entreprises, j’assiste et j’interviens sur des colloques, j’organise aussi avec un groupe de 6 à 7 personnes, un tournoi international de football féminin, chaque été, la « Amos Women’s French Cup ». Depuis deux ans, elle est diffusée en télé, cette année sur beIN SPORTS. Cet été, nous avons eu le PSG, Lyon, le Bayern Munich et la Roma. C’est le plateau le plus enviable du monde. C’est beaucoup de boulot mais c’est aussi une nécessité pour moi d’aller vers des projets qui me tiennent à cœur. La féminisation du sport professionnel en est un.
Et je suis papa de 3 magnifiques enfants : une fille de 8 ans et des jumeaux de 4 ans bientôt. C'est MA priorité.
Merci, Sébastien, pour toutes vos réponses !