Un Si Grand Soleil : Maëlle Mietton évoque son personnage d'Alice dans la jolie série de France 2 !
Bonjour Maëlle,
C’est un réel plaisir d’effectuer cette interview avec vous !
On l’a encore vu au Festival de la fiction Tv de La Rochelle, l’accueil des gens a été très chaleureux pour la série « Un Si Grand Soleil ». On imagine que ce bain de foule intense vous a fait très plaisir ?
Evidemment ! C’est chaleureux, on reçoit beaucoup et, en échange, je donne beaucoup. Ce que je fais déjà à l’écran, j’espère. C’est aussi le moment de rencontrer le public. J’ai souvent l’habitude de faire cela en théâtre, ma troupe est parfois engagée à la fin des représentations pour faire des rencontres avec le public, ce que j’aime beaucoup car c’est par là que ça passe, c’est une transmission, un échange. De fait, ce Festival est le moment, au niveau de l’image, pour le faire. Car nous ne sommes pas, à l’inverse du théâtre, en connexion directe avec le public. Ce n’est pas du tout le même format ni le même support. C’est en tout cas super chouette.
Nous avons eu de très beaux retours, j’en suis très heureuse. J’aime rencontrer, c’est agréable.
Vous évoquiez les retours que vous avez pu avoir des téléspectateurs. De façon générale, qu’est-ce que le public vous dit sur la série et sur votre personnage ?
Un très bon retour revient souvent, je l’estime du coup et j’en suis très heureuse parce que je travaille beaucoup dessus, en l’occurrence c’est, émotionnellement, ce que les gens reçoivent de ce que je donne. La subtilité dans les émotions, une ouverture, un espace intelligent où j’essaie de quitter les lieux communs. On est tous différents, chacun a sa façon de réagir.
Au plateau, j’ai essayé, sur toute la première partie de l’intrigue actuelle, de montrer comment on peut réagir avec aplomb, dignité, respect. A présent, Alice va plonger, un parcours très dur, dramatique, tragique arrive. Du coup, on va explorer aussi ce que c’est que de prendre des grosses claques, de souffrir pour voir comment, à des moments, l’égo prend le dessus. Dans pareille situation, on peut aussi faire souffrir parce que nous ne sommes pas des super héros. C’est beau de traverser ces fragilités, c’est notre condition humaine, c’est beau de l’explorer, de la partager, donc j’essaie de le faire avec le plus d’humanité possible. Alice descend à la cave et c’est intéressant de voir comment elle va réussir ou non à remonter.
Avec tout ce qu’a vécu Alice en un an à l’image, quel regard portez-vous sur elle à présent ?
Je l’aime toujours beaucoup. Il faut le savoir, on a eu la chance de créer nos personnages. Cela donne un avantage certain. Il y a eu une collaboration avec l’écriture, celle-ci s’est inspirée et nous a inspirés. Donc Alice est très proche de moi, même si, attention, je ne suis pas Alice. Elle me permet d’aller explorer, elle me donne une liberté et, personnellement, je ne réagirais pas toujours de la même façon dans la vie. Au début, elle avait beaucoup de recul, là elle va avoir des réactions et des actions un peu vives et pas forcément adaptées. C’est très intéressant, dans son parcours, de la voir tomber. C’est chouette de l’explorer et de le partager à des millions de personnes. C’est une catharsis, une façon de se projeter, de partager des émotions, de libérer des espaces émotionnels, ça ne règle pas tout mais c’est déjà un premier pas. La catharsis apportée via les médiums artistiques et mise en eouvre par les artistes est un miroir présenté à l'humanité et elle en a fondamentalement besoin. En tout cas, ce n'est que mon avis, je ne l'érige pas en vérité, c'est la mienne.
Pour moi, qui fais du théâtre depuis toute petite, j’ai vraiment compris que la catharsis n’était pas un divertissement, ce n’est pas quelque chose qui vient en plus, c’est comme manger, dormir ou boire, c’est une nécessité. C’est une nécessité de partager les émotions car elles sont physiques et actives. Si on ne les exprime pas, elles se logent. C’est pour cela qu’il y a des livres, des photos, des peintures, de la sculpture, de la danse, du théâtre, depuis des milliers d’années.
Parmi tout ce que vous avez pu vivre au travers de votre personnage, parmi aussi tout ce que vous lui avez fait vivre, retenez-vous certains instants encore plus que les autres ?
J’ai traversé beaucoup de choses dans ma propre vie, je ne suis donc pas étonnée des traumatismes qu’elle traverse. Je n’en suis pas surprise, je n’en suis pas impactée. Après, il y a une résonnance, c’est-à-dire qu’il y a un dialogue entre la comédienne et le personnage.
Vraiment, j’aime le métier de comédien, j’aime l’art dans son ensemble, je fais du chant, de la danse, de la mise en scène, j’ai une compagnie, j’organise des ateliers, j’aime la transmission. Le théâtre ne règle pas tout mais il aide beaucoup à la formation du comédien, il répond à beaucoup de choses. J’aime du coup fouiner, en fait je suis une horlogère de mon métier, j’aime la précision, j’aime découvrir, j’aime les contraintes car elles sont positives et donnent un cadre. J’aime inventer des outils ou me servir de ceux qui sont existants, j’aime trouver à quelle réponse, à quelle situation, à quel moment les appliquer.
Du coup, pour en revenir à votre question, je pense à une scène qui va prochainement arriver en diffusion, qui a été très difficile, qui se passait à l’hôpital et qui m’a donné du fil à retordre. J’étais très fatiguée, c’était un contexte que l’on a tous déjà vu à la télé, où, face au lit de mort de quelqu’un, on veut quelque chose de la personne mais où cette dernière s’éteint avant d’avoir satisfait à notre attente. Dans la vie, je n’avais pas traversé cela et j’espère n’avoir à jamais le traverser, je n’avais donc pas d’exemple concret. Il fallait aussi que je me débarrasse de toutes les images que j’avais en tête de scènes similaires que j’avais pu, comme tout le monde, voir par le passé à l’écran. J’avais l’impression que je n’allais pas pouvoir sortir de la parodie. Il fallait que je trouve un endroit concret d’où démarrer mon jeu.
Alice avait quelque chose à obtenir de la personne, c’était la seule idée qu’elle avait en tête, c’était un moment tellement traumatique qu’elle n’avait plus d’empathie. A tel point que ce n’était plus un humain qu’elle avait en face d’elle, mais une poupée, un objet. Ça a été très violent comme scène à tourner. C’était violent à faire, ce sera, je pense, violent à voir et à vivre. Mais, encore une fois, c’est important de ne pas montrer que ce qui est joli. Ca donnera des leviers aux personnes qui vont regarder la scène.
En ce moment à l’image, on voit beaucoup Alice dans sa vie personnelle. Précédemment, on l’avait aussi beaucoup vue au zoo. Aimeriez-vous que cette partie professionnelle revienne plus longuement ?
Oui, pour le zoo. Dès le départ, interpréter ce rôle m’a aussi plu parce qu’il me permettait d’être en interaction directe avec le vrai zoo de Montpellier. J’y ai fait deux jours d’immersion, je connais donc à présent les équipes, le directeur, Luc, qui est extraordinaire, David, le vétérinaire en chef, qui occupe un peu la même fonction que le personnage d’Alice en fait. C’est presque le même schéma que dans la série. Je pense aussi aux deux vétérinaires référents. Je les ai suivis pendant plusieurs heures, jusque dans les écographies qu’ils ont faites. J’ai adoré, cela fait aussi partie du travail du comédien.
Le zoo de Montpellier est atypique, c’est un zoo municipal, il a été donné fin XIXe par un homme très riche, qui avait une collection d’animaux sur plusieurs hectares. Au moment de la léguer à la ville, il avait une seule exigence, celle de la gratuité des visites. Ce qui est encore le cas aujourd’hui. Ce n’est pas un zoo spectacle, de divertissement, dont l’objectif serait de rentrer de l’argent. Il y a un vrai respect, une vraie méthode de conservation. Parfois, des échanges se font même entre zoos. Le but est clairement de veiller à préserver les espèces en danger.
Pour rebondir sur la question, il serait chouette, dans l’idée, de pouvoir mettre encore plus en valeur le travail du zoo. C’est déjà fait et, si on pouvait aller encore plus loin, ce serait super. J’adorerais qu’il y ait plus d’actes médicaux mais, techniquement, c’est très complexe. En tout cas, je tiens à dire que les équipes du zoo sont très accueillantes, très généreuses. Je pense qu’elles aimeraient aussi que nous allions plus loin ensemble mais ce n’est pas forcément simple à mettre en place.
Pour terminer, un mot peut-être sur l’ambiance de travail, très familiale, qui aide aussi sans doute à la réussite de ce programme ?
Je dirais même plus, elle est nécessaire à la réussite de ce programme. Parce que c’est un tel investissement, c’est un tel engagement, c’est une telle intensité que, si les humains ne fonctionnent pas entre eux, ce n’est pas possible. On a là une belle preuve que, si on veut grandir, c’est collectivement. On ne peut pas faire autrement, la nature est ainsi faite. Je viens du théâtre, comme je le disais, je connais cela et j’aime partager. S’il n’y avait pas cet esprit-là, je ne pourrais pas m’investir, je crois. C’est fondamental en fait.
Merci, Maëlle, pour cet échange très agréable et très intéressant !