Julien Masdoua évoque Enric, son personnage sur France 2, dans Un Si Grand Soleil !

Publié le par Julian STOCKY

 

Bonjour Julien,

Merci de nous accorder un peu de votre temps pour répondre à quelques questions.

On peut vous retrouver dans la quotidienne de France 2, « Un Si Grand Soleil », diffusée du lundi au vendredi à 20h 45. La série est très suivie des téléspectateurs, avec 3,5 millions de fidèles. Justement, vous qui faites partie de cette belle aventure, comment expliquez-vous ce chouette succès ?

Je pense que la première raison est le format, le type même du programme, à savoir la quotidienne. Le fait que les gens puissent suivre comme cela la vie de personnages tous les jours crée une proximité avec les téléspectateurs, qui est quasiment de l’ordre de la famille. Je ne me trompe pas en disant que la plupart des gens qui nous regardent assidûment nous voient plus souvent qu’ils ne voient leur propre famille.

L’horaire est adapté, généralement on est alors plutôt décontracté chez soi, dans une sphère familiale. On rentre vraiment dans l’intimité des gens.

Les sujets abordés dans ce programme, mis à part bien sûr le coté purement romanesque de certaines enquêtes policières ou le coté vraiment très romantique de certaines histoires d’amours, sont des thèmes sociaux de fond. En ce moment, en diffusion, on parle beaucoup du problème de la prostitution, de celui du trafic des êtres humains, on évoque la religion également. Ce sont des sujets dans lesquels les gens peuvent se reconnaître, des sujets auxquels on est confrontés. Tout le monde est concerné, personne ne peut y être insensible.

Ainsi, le mélange des deux, ce côté familial ainsi que la variété et la profondeur des sujets abordés, fait que ça devient quelque chose que l’on va suivre, j’espère et j’imagine, avec plaisir.

Vous interprétez le personnage d’Enric. A présent, quel regard portez-vous sur lui ?

J’ai la sensation d’avoir vu un vrai changement, un vrai bouleversement, dans la vie de ce personnage. Je ne parle pas des événements en eux-mêmes, je parle plus d’un bouleversement intérieur. C’est d’ailleurs très intéressant car, lorsque l’on interprète un personnage, on adore le nourrir de l’intérieur.

Je suis parti avec un rôle plein de convictions, plein d’assurance sur ce qui est bien, sur ce qui est mal, sur ce qu’il faut faire, sur ce qu’il ne faut pas faire. Il voyait le monde en noir et blanc, de façon manichéenne. Avec ce qu’il a vécu, avec ce à quoi il a été confronté, avec ce qu’il a pu découvrir sur lui-même, avec ce qui s’est passé dans son rapport avec les gens, notamment avec Julien Bastide, avec Inès, avec sa femme, il est passé au travers de péripéties qui lui ont appris que, finalement, peut-être ses convictions ne sont pas si inébranlables que ça, que, peut-être ses points de vue ne sont pas toujours si bons que ça, peut-être que certaines fois, il vaut mieux appréhender une situation en fonction de celle-ci et non pas en fonction de grands principes. Il a appris que tout n’est peut-être pas si simple dans la vie.

De près ou de loin, vous retrouvez-vous en lui ?

Oui, complètement. Je pense que le casting a été relativement bien fait sur cette série, on ressemble tous un petit peu à nos personnages. Depuis très jeune, j’ai eu besoin de me fixer des règles morales, des règles de vie. C’est vrai qu’une règle est théorique et, quand on la confronte à la pratique, souvent on a des surprises.

Il n’y a pas si longtemps encore, j’avais moi aussi des idées assez arrêtées sur certaines choses. La vie nous apprend que, dès fois, on a tort, que, dès fois, ce que l’on croit être des règles sont en fait des préjugés. Donc, oui, je me retrouve assez dans cette progression du personnage, je suis sûr que, à l’heure actuelle, j’ai encore des croyances ou des convictions qui, demain, me paraîtront peut-être ridicules.

Votre personnage a vécu, en un an à l’image, pas mal d’aventures. On pense notamment au décès qu’il a pu causer lors d’un accident de la route. Quelles avaient alors été vos sources d’inspiration pour interpréter avec autant d’émotions ces séquences ?

Malheureusement, j’ai une réponse très précise. Je dis malheureusement parce que c’est un peu tragique. Il se trouve que, quand j’ai tourné cette arche, je revenais d’un congé pendant lequel j’étais parti en vacances en Indonésie. Où je m’étais retrouvé coincé au moment des tremblements de terre qui ont été très meurtriers. J’étais en plein milieu de toute cette tragédie. J’avais vécu des choses assez dures, j’avais été confronté à la mort de plein de gens autour de moi, il avait fallu que je fasse des choix, que je me protège mais que, en même temps, j’essaie d’aider les autres.

Tout ce que l’on peut vivre comme foi, comme peur et comme moments de grâce dans la situation à interpréter avec mon personnage, je l’avais vécu quelques semaines avant d’avoir à tourner les séquences. D’ailleurs, la production avait été super, ils ont été très prévenants, ils m’ont suivi psychologiquement après ce drame, ils m’ont beaucoup soutenu, les réalisateurs étaient au courant de ce que j’avais vécu.

En même temps, j’avais échangé avec des collègues comédiens qui, eux aussi, par le passé, avaient vécu des choses difficiles. Ils m’ont tous dit qu’il ne fallait pas que j’ai peur d’utiliser ce que j’avais pu vivre et de m’en servir dans les scènes de cette arche. Quelqu’un avait eu une très belle phrase et m’avait dit : la meilleure façon de rendre hommage à ces gens que j’ai vu mourir devant moi est d’utiliser l’émotion qui avait alors pu naître pour la retranscrire dans mon travail. C’est vrai que cette phrase-là m’a beaucoup fait déculpabiliser. J’avais un peu de remord, j’avais un peu ce sentiment de ne pas avoir le droit de me servir de ce que j’avais vécu là-bas car c’était la vie d’autres personnes et, finalement, je me suis rendu compte que mon amie comédienne avait raison.

Le maquillage et le jeu avaient rendu la scène de l’accident très réaliste, c’était du coup très intense pour moi, j’avais eu l’impression de me retrouver quelques semaines plus tôt sur l’ile de Bali. C’était difficile à gérer mais j’ai le sentiment que, au final, les gens ont aimé la performance.

 

 

Pour la suite, aimeriez-vous pouvoir défendre d’autres thèmes encore au travers de votre personnage ?

Oh oui. J’ai tellement envie de faire de choses avec Enric. Pour l’instant, on a surtout vu de lui des remises en question. De grands principes ont été bousculés et il finit toujours plus ou moins par dire, à Inès, à Mo ou à Gary, qu’ils avaient raison et que lui avait été un peu crétin de penser le contraire. J’aimerais pouvoir développer chez lui le fait qu’il n’y a pas que des mauvaises choses dans les convictions, qu’il n’y a pas que des mauvaises choses non plus dans le fait d’avoir des règles de vie et d’être intègre.

Il me plairait de le voir aussi « avoir raison ». Ce serait bien que, dans une situation donnée, il se retrouve à nouveau face à des gens qui vont lui dire que ses convictions ne sont pas les bonnes mais que, au final, celles-ci fonctionnent. Pour montrer que, quelque fois, le fait d’avoir des règles de vie, d’avoir un avis tranché, peut être quelque chose de positif. J’aimerais pouvoir défendre un beau principe sur une arche, un principe de partage, d’altruisme, de courage.

Pour terminer, on le sait, le rythme de tournage est soutenu. Au fur et à mesure, affinez-vous votre méthodologie de préparation et de travail ?

Bien sûr, c’est un exercice très particulier, même quand on a une longue carrière derrière soi de téléfilms, de cinéma, de théâtre. La quotidienne est vraiment quelque chose à part, du fait du rythme que vous évoquiez. Donc, oui, il y a une méthode à adopter. Les nouveaux, aussi expérimentés soient-ils, sont toujours, au début, un peu paniqués par la vitesse à laquelle on tourne, par la rapidité à laquelle il faut apprendre les textes. Je leur dis souvent qu’il faut surtout ne pas viser ni une performance artistique, ni l’excellence. Dans une quotidienne, ce n’est pas cela l’idée, il faut en fait viser l’efficacité.

On raconte des histoires qui sont puissantes, il y a énormément de personnages, on passe d’une séquence à une autre, il faut donc que ce que l’on produise soit efficace. Il faut que le jeu le soit aussi, que l’on comprenne bien les intentions, que les personnages soient clairs. Une fois que cette efficacité est acquise, on peut alors revenir à une recherche d’excellence. Mais, avant tout, visons l’efficacité : le mieux est l’ennemi du bien.

Au niveau de ma méthodologie, ayant déjà tourné dans des quotidiennes, je connaissais le rythme de travail. Mais je ne l’avais jamais porté comme cela, sur un personnage récurrent, pendant si longtemps. Cette année, j’ai appris à passer d’une méthode de sprint à une méthode de course de fond. J’ai appris à économiser mon souffle pour travailler sur la longueur.

Ce fut un plaisir, Julien, d’échanger avec vous !

Publié dans Télévision

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