Manon Balthazard évoque son parcours et son actualité !
Bonjour Manon,
Quel plaisir d'effectuer cet entretien en votre compagnie !
Vous êtes une artiste aux différentes casquettes et aux multiples cordes. Si l'on prend un peu de recul et de hauteur, qu'est-ce qui vous plaît dans votre quotidien ?
Chaque jour est différent. J'ai choisi ce métier parce que, déjà petite, j'aimais me déguiser, me transformer en personnage, danser. Ce qui me plaît, c'est que ce n'est jamais pareil. C’est comme si j’avais décidé de monter dans un ascenseur émotionnel le temps d’une vie et de m’arrêter à chaque étage pour rendre la vie plus drôle, plus douce, plus fantaisiste, plus paradoxale, plus aventureuse, pour les gens. Et ça, c’est le beau cadeau.
Dans chaque projet artistique, les rencontres humaines sont hyper enrichissantes et différentes. On doit s’adapter, se fondre dans un univers et c’est ce que j’aime, que ce soit du théâtre ou du cinéma.
Vous évoquiez ces différents supports. Y voyez-vous de vraies complémentarités ? Ou, à l'inverse, les dissociez-vous totalement ?
Ce ne sont pas deux métiers différents car je pense que, quand on est acteur, on est acteur. Mais je crois que le travail en amont n’est pas le même. Enfin, pour moi, j’ai le sentiment que le théâtre permet d’incarner un personnage de A à Z. On le travaille beaucoup en amont, on approfondie le texte, la mise en scène complète cela, on est lâché dans une sorte de fosse et ce que je trouve très fort, vibrant et effrayant, c’est le contact direct avec le public, sans avoir le droit à l'erreur.
Au cinéma, c'est plus décortiqué, on ne tourne pas forcément les scènes dans l'ordre, il faut donc être vigilant à l'état du personnage à chaque prise puisqu’il n’y a pas la continuité comme au théâtre.
Ce que j’aime sur les tournages, c’est que la caméra va chercher l’émotion, le grain de peau, la respiration, on n'a pas besoin d'en faire des tonnes. La caméra a quelque chose de plus simple, de plus pudique que j'aime beaucoup aussi. J’ai l’impression que je peux livrer quelque chose de plus intime avec la caméra car il y a cette barrière de l’écran avec le public, alors que j’ai l’impression d’une vraie mise à nu quand je suis sur les planches. C’est bizarre ce sentiment. En tout cas, c’est mon ressenti. Et j’aime les deux.
En termes de préparation, vous ne procédez du coup pas de la même façon selon l'art incarné ? Avez-vous des sources d'inspiration particulières ?
Je me nourris de plein de choses. Dès que j’ai le temps, je vais au théâtre, voir jouer mes amis comédiens, voir des pièces que l’on m’a conseillées et le travail de metteur en scène que j’adore. J’adorerais travailler par exemple avec Thierry Klifa, Didier Long, Sébastien Azzopardi, Florence Muller, Mélody Mourey, Clément Naslin, Serge Da Silva, Jean-Muc Moreau, Thierry Harcourt, Nicolas Lumbreras et encore bien d’autres. Récemment, par exemple, Benoit Solès m’a impressionné dans son rôle dans « La machine de Turing ».
Au cinéma, c’est la même chose, j’adore me plonger dans une histoire, dans un univers. Il y a beaucoup de cinéastes qui m’inspirent et avec qui je rêverais de travailler. Je pense à Quentin Dupieux, Jean-Pierre Ameris, Yan Gozlan, Vianney Lebasque, Hugo Gélin, encore beaucoup d’autres.
Mais, personnellement, je n'ai pas envie de faire de comparaison ni de m'inspirer de quoi que ce soit quand je reçois un texte. Je préfère avoir une vision neutre. Mon cerveau est concentré sur les mots. Je me dis que l’auteur a voulu raconter une histoire, il a choisi des mots, définit des personnages. Si ça m’inspire, je fonce, je me donne à fond, si ça ne m’inspire pas, ou que je ne me vois pas dedans, je décline.
Et la musique m’inspire beaucoup je dirais. Je fais de la danse depuis que je suis toute petite. Dans ma chambre, je mettais tous les jours la musique à fond et je dansais. C’était un moyen de m’exprimer par le corps qui me libérait. Et j’ai dû gardé cette habitude. Pour préparer un rôle aussi, je choisis certaines chansons qui me mettent dans un certain état pour travailler.
Parmi vos expériences, certaines plus encore que les autres vous ont elles marquée ?
Chaque projet apporte énormément. Mais je dirais que le tournage du film « Café de Flore » réalisé par Jean-Marc Vallée m’a particulièrement marquée. J’ai vraiment eu beaucoup de chance de tourner sur ce film. Je jouais le rôle d’une institutrice avant-gardiste des années 60. C’était la première fois que je tournais avec des enfants, dont deux atteints de trisomie 21. J’ai appris qu’il fallait être très réactive, toujours au taquet, quand on tourne avec des enfants, car ils n’ont pas le même temps de concentration que nous. Et puis, ils ne comprennent pas forcément la nécessité de refaire plusieurs fois la même scène, sous plusieurs angles différents. Ils sont géniaux, tellement spontanés, donc il faut fourmiller d’astuces avec eux pour refaire la même chose.

Le handicap, et particulièrement quand ce sont des enfants atteints, me touche personnellement. Et me bouleverse facilement. Donc ce tournage aux côtés de Vanessa Paradis, avec ces enfants, et dirigé par un réalisateur hors pair, j’en garde un magnifique souvenir émouvant. Toute l’équipe était formidable.
Et côté théâtre, je dirais la pièce « Tandem en cavale » que j’ai montée avec ma partenaire de jeu Leslie Coudray. Tout est parti d’un désir de travailler ensemble, d’une histoire d’amitié et d’une envie d’écrire et de monter un projet ensemble. Après deux ans de travail, écriture, interprétation, mise en scène, décors, financement, obstacles, refus, bonnes nouvelles, et j’en passe, je suis fière aujourd’hui d’avoir monté ce projet avec elle.
Quand je jouais au Festival d’Avignon il y a quelques années en arrière, je rêvais de jouer aux Béliers. C’est un exemple tout con, mais un de mes rêves de comédienne était de jouer au Théâtre des Béliers à Avignon. Et ce rêve s’est concrétisé l’année dernière, Arthur Jugnot nous a programmées avec « Tandem en cavale » et, là, je peux vous assurer que mes yeux d’enfant brillaient fort fort fort.
Je vous invite à venir nous voir si vous souhaitez! Nous avons une date exceptionnelle à Paris, le vendredi 14 Juin à 19h00 au Théâtre Funambule Montmartre dans le 18ème.
De façon plus générale, quels sont vos projets artistiques actuels ?
Alors, en ce moment, je travaille avec Mélanie Blondel sur une nouvelle pièce qui s’appelle « Burlingue », écrite par Gérard Levoyer et mise en scène par Antoine Croset. Nous allons la jouer pour la première fois, au Festival Les Enfants de Molière, le 19 mai à 19h00 à Dieppe. C’est la dernière ligne droite, le stress monte.

C'est une pièce complètement hallucinante, enfin je trouve, car elle explore une vision de la nature humaine qui me fait un peu peur j’avoue. Je dis ça car j’interprète le rôle de Jeannine, une employée modèle dans une entreprise, en tailleur, hyper catho, complètement hystérique. Elle est tellement éloignée de moi que c’est ce qui me plait dans ce projet. Je vais encore dans un univers que je ne côtoie pas dans la vie de tous les jours.
C’est un vrai bonheur de travailler avec Mélanie et Antoine sur ce projet et je croise les doigts pour que « Burlingue » trouve une production et une diffusion par la suite pour faire vivre ce joli projet.
Pour terminer, quelles seraient vos envies pour la suite ?
Oulala, pleins de choses! Des rôles au cinéma, au théâtre, des rencontres géniales, riches et bouleversantes, un vol en montgolfière, une retraite de Yoga dans un endroit magique, prendre le temps de lire le bouquin d’Isabelle Carré, « Les rêveurs » que m’a offert ma mère, en me faisant bronzer sur la plage au soleil….
Life is beautiful ride.
Merci Manon pour votre disponibilité !