Pierre Marquez se remémore son parcours et met en avant ses projets!

Bonjour Pierre,
Merci beaucoup de nous accorder cet entretien.
Tout d’abord pourriez-vous nous raconter d’où vous venez et comment a commencé votre parcours de comédien ?
Je suis issu d’une famille du Sud de la France. Je vivais avec mes parents et un frère de 10 ans mon aîné.
Mes parents sont sourds. Cela m’a naturellement amené à développer un langage corporel, une nouvelle langue. J’étais scolarisé normalement, je vivais donc entre deux mondes : celui des entendants et celui de la surdité.
Ça m’a énormément apporté ! Apprendre à dire les choses autrement que par les mots, par le corps, le jeu etc… J’étais acteur malgré moi, je mimais tout avec mon corps et cela m’a conduit à faire de la danse. J’avais de bonnes dispositions, cependant j’avoue que dans mon milieu, un garçon qui faisait de la danse était extrêmement mal vu. Je me suis tourné vers le foot (mes entraîneurs m’ont supplié d’arrêter ! Rires) puis vers le judo.
Je ressentais toujours une certaine frustration de ne pas faire quelque chose d’artistique.
J’ai perdu mon père alors que j’étais très jeune. J’ai alors créé un lien avec ce parent disparu, avec l'invisible. Ça a beaucoup développé mon imaginaire, j’étais créatif, j'inventais, je construisais, notamment des marionnettes, avec les décors etc… Je me suis alors dis « j’ai envie de ça ! »: de mettre en scène des personnages, de les créer, tout en me projetant dans ces scénettes et ses personnages.
J’en suis alors arrivé à prendre des cours de théâtre. A 14 ou 15 ans, j’ai rencontré un professeur qui m’a assuré qu’il fallait que je joue absolument. J’ai découvert la poésie, « le texte », la lecture, la puissance et la force d’être sur scène, de pouvoir dire des mots et de pouvoir être entendu. Il y avait un besoin pressant en moi de faire jaillir tout ce que je n’avais pas pu dire, tout ce qui était retenu.
Je ne suis donc pas devenu danseur mais comédien. Ce qu’il y a d’amusant, c’est que j’ai très souvent été amené à travailler avec des danseurs, la danse m’a toujours poursuivi.
Vous avez d’abord joué au théâtre à Marseille, puis vous êtes venu à Paris. Vous étiez alors tout jeune ?
Oui j’avais 24 ans. J’ai pu faire à Paris une rencontre déterminante. Mme Véra Gregh, une immense professeur de théâtre. Elle m’a accueillie, est devenue mon mentor. J’ai travaillé deux ans avec elle et ce fut une révélation Ensuite différents professeurs où j'ai pu aborder d'autres modes de jeu dont le jeu masqué, le clown...
C’étaient mes premiers contacts avec le travail de l’acteur : très proche de la méthode de Stanislavski. Cette professeur m’a canalisé, elle m’a permis de comprendre quel comédien j’étais, que je n’avais pas le physique de mon emploi, c’est-à-dire que je n’étais pas un Jeune Premier. Il y avait un énorme décalage entre mon physique de jeune premier et mon jeu absurde et décalé !
C’était d’ailleurs assez douloureux car je faisais rire malgré moi. Je voulais être d’une sincérité absolue, faire passer de belles émotions, mais dès que je montais sur scène, les gens riaient. Je me demandais vraiment ce qu’il se passait chez moi.
Malgré cette incompréhension vous avez aimé ce métier. Qu’est-ce que vous avez tiré de ces premières expériences ?
J’ai mis longtemps à comprendre que pour travailler, il faut être lisible, il faut que les professionnels puissent nous mettre dans une case, projeter quelque chose sur nous. C’est à partir du moment où on a un emploi qu’on peut commencer à travailler.
C’est là tout le paradoxe ! Car un comédien a envie de tout jouer, pourtant il ne commence à travailler qu’à partir du moment où il devient identifiable dans un type de rôle en particulier surtout au cinéma et en télé.
Puisque je ne savais pas qui j’étais, j’avais beaucoup de mal à faire de l’image. J’étais trop surprenant pour les rôles de Jeune Premier, et en comique je "n’avais pas le physique".
Au bout d’un moment, j’ai pu trouver un registre qui était celui du Jeune Premier « border line », ce qui m’a permis de faire la deuxième rencontre fondamentale dans mon métier : Didier Long, qui est un immense metteur en scène de théâtre, actuellement directeur du théâtre de l’Atelier, et qui a monté des pièces fabuleuses: « Hygiène de l’assassin » avec Jean-Claude Dreyfus ou encore « Marie Stuart » avec Isabelle Adjani entre autres..
Il m’a sélectionné pour jouer dans une adaptation de « Faust » de Goethe. C’est un excellent directeur d’acteurs et il m’a énormément appris, j’ai pu vraiment me confronter avec la réalité de ce métier. J’ai pu alors travailler avec des personnes qui non seulement étaient talentueuses, mais d’une extrême générosité et d’une extrême bienveillance.
Puis j'ai eu la chance d'incarner pendant plus d'une une année "Dorian Gray" dans une adaptation et une mise en scène magnifiques de Diane Delmont dans un lieu magnifique aujourd’hui disparu. le théâtre du Bec Fin. Cette pièce fut un immense succès, plus de 1000 représentations.
Il y a quelques années, j’ai beaucoup joué au Théâtre du Temple : notamment pendant 2 ans avec la comédie « Le monologue du pénis ».J'adore les pièces comiques.
Finalement, ce qui fait la force d’un comédien, c’est sa singularité, et il faut avoir la force d’assumer cette singularité, de ce que l’on est et non pas de ce que l’on voudrait être. Je crois que l’intelligence d’un acteur est là : de connaître son instrument et d’en prendre soin, physiquement comme mentalement. Il faut une bonne santé mentale pour faire ce métier. Une bonne hygiène de vie. Il y a tellement de clichés sur le mythe de l’acteur torturé et tourmenté.
J’ai mis du temps à me sentir légitime car nous ne sommes acteurs que lorsque nous jouons. C’est pour cela que je crois qu’un comédien doit sans cesse travailler, tout comme un danseur à la barre tous les jours. Quand on ne travaille pas, il faut se nourrir d’autre chose. Le plus important est de se faire confiance et selon moi la confiance vient avec le travail. Les choses n’arrivent pas par hasard, ni dans la vie ni dans notre métier.
Quel est votre plus beau souvenir de scène ?
C’était à Bercy, un spectacle pour le Secours Populaire. Nous jouions devant une salle remplie d’enfants, qui n’avaient jamais eu la possibilité d’aller voir un spectacle de leur vie.
Aujourd’hui, vous abordez un nouveau genre de rôles et vous faites davantage d’images. Comment avez-vous évolué du théâtre aux plateaux ?
Quelque chose se met en place dans mon parcours de comédien, car je commence à avoir de la bouteille, je vieillis, je grisonne, je gagne en maturité, je commence à avoir de l’expérience en tant que comédien…
Cela m’a permis de jouer davantage. Je n’ai jamais autant travaillé que depuis ces cinq dernières années, ce qui me confère une visibilité qui m’amène d’autres rôles plus consistants.
J’ai pu rencontrer Julien Bloch, un brillant réalisateur, notamment de clip, à l’occasion du tournage de « Tous les cris les sos » que Zaz a interprété. Ce clip est d’une part très beau esthétiquement, très belle réalisation, et d’autre part il m’a permis d’accéder à d’autres rôles que je n’avais pas. A partir de ce moment-là, on m’a appelé pour faire les papas pour plusieurs séries et notamment avec le Studio Bagel pour Canal plus.
Pour quels rôles aujourd’hui vous appelle-t-on ?
En ce moment je suis le médecin. Sur France 2 et sur TMC
Je suis actuellement en tournage chez JLA. J’avais passé un casting au mois de mars pour un rôle de Procureur, pour lequel je n’ai pas été sélectionné, mais ils m’ont rappelé 6 mois après, pour le rôle du Docteur Dayan sur "Les mystères de L’amour". Jean Luc Azoulay m’a fait confiance et ma donné ce joli rôle. Je lui en suis très reconnaissant.
C’est très intéressant de travailler là-bas, ce dont je n’ai pas l’habitude. C’est une méthode de travail qui consiste à aller très vite. Il faut être bon et efficace. C’est un rythme qui me plaît beaucoup ! Ça nous apprend à être très concentré et disponible. Aujourd’hui, à la télévision, on ne demande pas nécessairement à un acteur d’être exceptionnel mais d’être efficace. Il faut tourner vite avec parfois des modifications de texte la veille pour le lendemain.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
J’ai envie de remonter sur scène, le théâtre me manque un peu, bien que je sois très heureux de faire de l’image.J’aimerai peut-être aussi reprendre l’écriture pour revenir vers le comique.
Il y a quelques années, j’ai monté un duo au Point Virgule, qui s’appelait « Pierre et Pitkhaye ». J’ai alors fait une autre rencontre importante : Caroline Burna la creatrice du « point virgule ». Elle m’a poussé à écrire et jouer seul.
Je crois que l’aboutissement de mon travail sera le jour où je monterai sur scène en one. Je suis attiré par cette possibilité de créer moi-même des personnages, de les mettre en scène, de construire mon univers… C’est un travail créatif qui me paraît complet et très intéressant.
Cette année, j'ai eu de Cette année, j’ai eu de belles opportunités, j’ai travaillé cet été sur un téléfilm d’Olivier Barma "Amours a mort". Les choses se mettent plutôt bien en place pour moi. A mon avis, les plus belles années de mon métier de comédien sont en ce moment et dans l’avenir.
Ce fut un plaisir, Pierre, d'échanger avec vous !