Cyril Morin évoque ses deux actualités musicales !
Bonjour Cyril,
Merci d'avoir accepté de répondre à quelques questions pour notre blog.
1/ Depuis le 15 décembre est disponible en 4 CD la BO originale de la saison 1 de Borgia, série à succès de Canal +. Pour commencer, comment présenter cette œuvre ?
Avec le travail que l'on a fait, à savoir les 4 CD, il est très intéressant, en comparaison avec la BO qui était sortie à l'époque, d'avoir mis tous les morceaux dans l’ordre d'apparition de chaque épisode. Nous les avons aussi un peu regroupés pour les mettre pratiquement bout à bout dans toute la compilation.
La complémentarité entre la BO et la Cue-sheet est intéressante, cette dernière étant la liste où l'on met tous les morceaux avec le minutage dans l'ordre d'apparition dans l'épisode. C'est ce qui passe à la télévision. Alors que la BO est quelque chose de spécialement retravaillé. On prend les morceaux souvent les plus longs, on met un générique plus long, peut être que l'on met un morceau plus long et c'est une successions de morceaux qui ne sont pas forcément représentatifs du déroulement de la série. A l'inverse d'un long métrage où l'on a tout enregistré, et où on met presque tout dans la BO.
Le travail qui vient d'être fait est, je pense, une première. C’est d’avoir pratiquement l'intégralité de tous les morceaux dans l'ordre et de voir toute l'évolution entre le début du premier CD et la fin de quatrième, l'enrichissement des personnages, et le travail de développement autours de certains thèmes. D'ailleurs, on s'apercevra que Borgia n'est pas si thématique que cela, il s’agit beaucoup d’atmosphères qui évolue, où des thèmes qui changent.
2/ Quelles ont été vos principales sources d'inspiration pour le développement de ces 4 CD ?
En réécoutant les morceaux sous forme de Cue-Sheet, à la suite, je me suis aperçu qu'il y avait beaucoup plus de variation que dans un long thème de la BO originelle. On a quelque chose de plus proche de l'opéra, avec des accélérations, des ralentis, des atmosphères étranges ou du lyrisme. On reflète beaucoup plus le travail fait pour la série.
Quand j'ai écouté cela, je me suis rappelé plein de thèmes au travers de ces six heures de musique. Cela m'a donné l'envie d'essayer et d'aller plus loin. J'ai eu la chance d'être suivi par Arnaud Gauthier et Denis Furne, qui éditent le CD. Grâce à ce soutien et cette collaboration que nous avons depuis longtemps, nous partons sur des projets comme cela, qui ont l'air d'être un peu fous mais qui, finalement, comblent des attentes. Le fait d'être complet dans la présentation d'une musique de série intéresse beaucoup les fans de musique de séries. Cette fois, le travail est assez énorme, on ne parle pas d'un travail de sound design sur quelques chansons. On parle de pratiquement une demi heure de musique par épisode, avec de l'orchestre, avec des instruments de l'époque renaissance, avec des voix, parfois des cœurs, parfois des solos, des avancées vers un mélange d'utilisation d'instruments anciens et d'instruments modernes. Donc c'est une BO très riche, qui a demandé un travail assez colossal.
3/ Si l'on revient un peu en arrière, à la genèse de ces musiques-là, qu'est ce qui vous a inspiré ?
Il y avait une règle, celle de ne pas faire de la musique d'église, avec notamment des chœurs. Les choeurs sont utilisés en situation, dans une messe par exemple.
Il faut quand même parler des personnages. Césare Borgia vit une espèce de combat intérieur entre la spiritualité et la violence. Il faut alors amener des éléments plus spirituels pour refléter son sentiment et ajouter de la violence. Dans certains morceaux, on comprend très bien ces deux mondes, qui se rejoignent pour mieux s'opposer.
Je suis parti sur une image très lyrique des Borgia, très grande, très grandiose et puis, en fait, quand j'ai vu les images, je me suis aperçu que c'était plus intimiste. Il a fallu que je change du tout au tout, pour partir des grands espaces à une pièce où Césare Borgia parle de son avenir avec sa mère. Ce sont vraiment des passages qui sont montrés avec la musique, où l'on parle de jeunes hommes et femmes, qui ont sans doute quinze ou seize ans. Au fur et à mesure, on arrive à des personnages qui passent dans le monde adulte, qui prennent le pouvoir sur l'extérieur mais aussi sur eux-mêmes. La musique montre cela.
Il n'y a pas de source d'inspiration, il y a des sentiments, qui sont ceux que l'on retrouve exactement dans « Le parrain » par exemple. La manière de traiter l’histoire est très proche. Il faut aussi profiter des codes actuels et de l'ouverture d'esprit du public pour faire évoluer les musiques.
Une règle avait aussi été donnée par Tom Fontana, celle d'être extrêmement cru dans la musique. C'est-à-dire très rugueux et ne pas partir dans une espèce de lyrisme mélodique. J'ai plutôt réduit la partie mélodique et la partie orchestration qui pourrait elle aussi être mélodique. J'ai surtout travaillé des mélodies « vers l'intérieur », pour être sur du feeling, sur des impressions, un mélange d'ancien et de moderne. Bizarrement, ce côté très rugueux peut être très bien mis en avant par des instruments modernes.
On sait déjà, depuis les pré-commandes, que l'album suscite beaucoup d'intérêts. Pour que cela fonctionne, il est important que les musiques passent aussi le temps. En réécoutant récemment, avec modestie je me suis dit que nous étions quand même en avance, en termes de sons notamment.
4/ En parallèle est sorti en septembre dernier un autre album, plus personnel, « New dawn ». Que dire sur cette autre belle actualité ?
Ce n'est pas du tout le même univers. Il se trouve que, depuis une vingtaine d'années maintenant, j'ai fait des albums en dehors des films. Pour moi, c'est très important de se régénérer ailleurs et d'aller explorer d'autres choses que ce que l’on ne fait pas dans les films. J'ai fait une dizaine d'albums solo. J’ai toujours eu des envies que je suis allées explorer, ce qui m'a permis, à chaque fois, de mieux revenir dans la musique de film.
Récemment, j’ai fait une musique de film avec du jazz. Mon dernier album solo a donc influencé mon travail dans ce sens.
J'avais en tête depuis longtemps de faire cet album, en lien avec mon passé de guitariste. Cela a mis deux ans à peu près, parce que je travaillais beaucoup par ailleurs. J'ai commencé à rejouer de la guitare, à faire des des maquettes en amenant, petit à petit, les musiciens, qui sont tous excellents. L'inspiration de cet album vient vraiment de mon adolescence et de la musique que j'écoutais à la fin des années 70, pas mal de jazz rock en l’occurrence. J'ai donc fait l'album que j'entendais à 16 ans. Cela vivait toujours en moi, des années après.
Ce fut un plaisir, Cyril, de nous entretenir avec vous !