Section de recherches, sur TF1 - Juste la fin du monde, au théâtre : Félicité Chaton évoque sa belle actualité !
Bonjour Félicité,
Merci d’avoir accepté de répondre à quelques questions pour notre site !
On pourra prochainement vous retrouver dans la saison 14 de « Section de recherches » sur TF1. Vous qui vivez cette aventure de l’intérieur depuis plusieurs années, comment présenteriez-vous, avec vos propres mots, ce programme ?
Je dirais que c’est avant tout un programme populaire, familial. Je me suis rendue compte (lorsqu’il m’arrive de rencontrer des fans de la série dans la rue) qu’il y a aussi de très jeunes gens qui suivent SR. C’est sans doute aussi lié à la manière dont les faits sont exposés. On se débrouille toujours pour que ce soit mis en scène de façon assez distancée. Le mort n’est jamais absolument « dégueulasse » ! Ce qui fait que, je pense, un jeune peut regarder, sans être choqué.
C’est un programme de divertissement, ce sont des enquêtes, avec un même schéma qu’on a plaisir à retrouver, un côté Cluedo que j’aime beaucoup. Il y a quelques éléments de contextualisation au départ et puis on rentre tout de suite dans le qui, quand, quoi, comment. Ce qu’il y a de sympathique aussi et qui fait que le téléspectateur peut être intéressé, c’est ce que l’on appelle les arches. C’est-à-dire le fait que l’on va s’intéresser aux personnages récurrents.
Quel regard portez-vous à présent sur votre personnage de Vicky ?
Tout ce que je peux voir, c’est qu’il a évolué, vraiment. Quand je suis arrivée, en première saison, j’avais trois phrases et surtout de la présence dans la gendarmerie. C’est une des choses que l’on apprend dans ce métier, à partir du moment où l’on est présent, il y a mille choses à inventer. Au début, j’étais un peu terrifiée, ça faisait longtemps que je n’avais pas tourné et je voyais bien que l’équipe avait l’habitude de ce rythme. Très vite, je me suis dit que, même si j’avais peu, je pouvais glisser peut-être des trucs marrants. A l’époque, Dominique Lancelot avait un peu repéré que je prenais du plaisir à m’amuser avec les accessoires, avec le côté geek. Du coup, elle a commencé à développer cela et à me donner davantage. Quelque part, j’ai grandi avec la série. On a eu aussi un moment où on est allé un peu trop loin au niveau de l’accoutrement : j’avais des tenues pas possibles et une seule boucle d’oreille, de plus en plus grosse ! C’est lié à Vicky, le personnage un peu décalé, dans un duo un peu marrant avec Alex (Stéphane Soo Mongo), mais SR n’est pas non plus une comédie, donc il fallait revenir à une sorte d’équilibre. Le personnage doit être léger mais en même temps crédible.
De retour de cette saison-là, on s’est dit qu’il fallait que l’on redescende. De même que l’enthousiasme débordant de Vicky, qui est un peu sa couleur, sa caractérisation, (qui, c’est vrai, n’est pas si éloignée de mon caractère !) a évolué. Je me disais qu’il pouvait y avoir des jours où elle est saoulée. Aussi la saison 13 a été, pour moi particulièrement importante. Elisa Castel, à la direction artistique, m’a offert la possibilité de jouer quelque chose de beaucoup plus dramatique puisque je perdais ma demi-sœur. Ce fut la possibilité de voir une face sombre, plus complexe, du personnage de Vicky. On l’a vue devant une tragédie. Suite à cet épisode, il a été décidé, en saison 14, de me mettre sur le terrain.
Le rôle de Vicky a donc évolué, petit à petit. En saison 14, elle va sortir du bureau et se retrouver confrontée à un travail qu’elle n’a jamais fait jusqu’alors, l’obligeant à développer de nouvelles compétences, à savoir enquêter. Je suis très heureuse de cela.
Le rythme de tournage est plutôt soutenu. Justement, au fur et à mesure des saisons, aussi au fur et à mesure de l’évolution de votre personnage, avez-vous adapté et peaufiné votre propre méthodologie de travail et de préparation ?
C’est vraiment en faisant que l’on apprend. J’ai appris à être efficace sur cette série, très clairement. Je savais qu’il fallait que le texte soit au cordeau. Mais je me suis rendue compte, vu le peu de temps qu’on a sur le plateau, que plus on a de termes techniques, (et j’en ai souvent !) plus il faut préparer, c’est-à-dire digérer la chose pour pouvoir se libérer, en sachant à quoi elle correspond. L’idée est d’humaniser un vocabulaire qui peut être globalement pénible quand on le lit. Il faut lui donner des couleurs, de l’intention, il faut l’incarner pour prendre du plaisir et pour que le téléspectateur ait du plaisir à le voir et à l’entendre. (Et il ne faut pas oublier à quel moment on intervient dans le déroulement de l’enquête !)
Pendant que l’équipe travaillait, ma manière à moi de rendre la chose plaisante était de beaucoup jouer avec les accessoires, pour me donner du soutien concret. Je m’accrochais à tout ce qu’il y avait sur le bureau. Je demandais des accessoires qui n’étaient pas forcément prévus. J’ai créé aussi des accidents : concrètement par exemple, si on joue avec une feuille de papier, elle peut tomber par terre, ce qui peut être finalement plus intéressant que si elle restait droite !
Avec le temps, je n’ai pas gagné forcément en efficacité mais en détente. Je me fais plus confiance, je laisse davantage faire. Je suis quelqu’un d’une exigence dingue, je veux que tout soit parfait du premier coup, c’est mon défaut, mais je travaille dessus !! Je crois que ce programme m’a aidé à lâcher, à me dire que c’est aussi vachement agréable d’être dans le regard de quelqu’un qui propose autre chose, qui remet en question ce que l’on fait. Ce chemin se fait à deux, entre le réalisateur et l’acteur. Je dirais que j’ai lâché la pression, avec les années. J’essaie vraiment d’être la plus vraie possible. Ce qui passe aussi par une grande détente. Ce programme nécessite à la fois beaucoup de travail et de souplesse.
Vous l’avez dit, en saison 14, votre personnage sera davantage présent sur le terrain. Cela vous a-t-il incité à de nouvelles sources d’inspiration pour l’interprétation de Vicky ?
Disons plutôt que, sur la saison 14, je me suis servie du fait que moi, en tant que comédienne, je n’avais jamais été en extérieur sur SR. J’ai trouvé la première scène de crime magnifique, je me suis extasiée pendant vingt minutes sur la beauté du décor (!) j’étais en fait dans un état second et j’avais un peu peur. Je me suis servie de mon « malaise », du fait que je ne m’étais jamais retrouvée là et je me suis dit que ce que je traversais, pouvait correspondre au malaise du personnage. Je n’avais jamais été sur le terrain et Vicky non plus.
De même, j’ai pris aussi du plaisir à faire des interrogatoires, ce que je n’avais jamais fait de ma vie. Le plaisir que je prenais était celui de Vicky.
En parallèle, dans un tout autre registre, vous avez démarré la mise en scène d’une pièce. Pour ce que vous pouvez en dévoiler, comment présenteriez-vous ce spectacle ? Quels thèmes et thématiques y seront abordés ?
C’est avant tout la thématique de la famille, même si ça parle de mort. La mort plane, elle n’est jamais dite entre les personnages mais elle est là. Cependant un lien très direct existe entre le personnage principal et le public qui fait que seul ce dernier sait. Il s’agit de « Juste la fin du monde », de Jean-Luc Lagarce, qui est une de ses pièces les plus montées. Elle est presque devenue un classique contemporain. J’ai un amour de ce texte depuis très longtemps, je voulais m’y atteler.
C’est l’histoire d’un homme qui sait qu’il va mourir. On apprend qu’il souffre d’une maladie, mais elle n’est jamais nommée, on peut supposer qu’il s’agit du Sida, la maladie qui, à l’époque, avait affecté l’auteur. En fait, il retourne dans sa famille après environ quinze ans d’absence… Ce retour a pour but de leur annoncer qu’il va bientôt mourir. La beauté de cette pièce est qu’il ne leur dira jamais, le public restera le seul confident de son rapport avec la maladie et la mort. Mais le personnage va permettre, par son silence, de faire en sorte que les siens puissent s’exprimer, puissent dire tout ce qui les a travaillé pendant toutes ces années, tous les non-dits, tout ce qu’ils ont gardé pour eux et qui, là, va pouvoir être nommé pour la première fois. C’est vraiment une pièce sur, je dirais, le pouvoir du langage et le pouvoir de nommer, de dire avec exactitude, pour quitter les ténèbres de l’informulé.
C’est une pièce qui a souvent été mise en scène, vous l’avez dit. Comment procédez-vous ? Vous servez-vous des travaux précédents ? Ou préférez-vous ne pas en prendre connaissance pour une totale liberté d’esprit ?
En fait, j’estime que je dois connaitre ce qui a été fait, que je n’ai pas le choix. Donc j’ai regardé tout ce que j’ai pu regarder. Pour moi, c’est hyper important de me nourrir de tout ce qui a déjà été fait. C’est une pièce où la parole doit être essentielle. Et où il y a beaucoup de théâtre aussi, comme si chacun des personnages se pressentait acteur dans une pièce. Cela m’importe de savoir comment d’autres metteurs en scène ont vu ces choses. ça me permet de me situer par rapport à eux et à la pièce.
J’essaie de mon côté, de tirer le fil d’un personnage principal qui est une sorte de double de l’auteur. Comme une sorte de mise en abyme, il serait à la fois acteur, spectateur et presque auteur de ce que l’on est en train de voir. Comme si au bout du compte, tout cela était une sorte de fantasme, de rêverie d’un homme au bord de la mort.
Quelles premières dates sont déjà connues ?
Nous jouerons à Bagnolet, en banlieue parisienne, au théâtre l’Echangeur, du 12 au 22 octobre. (Puis à la rentrée 2021 aux Théâtres de Maisons-Alfort et à l’Espace des Arts, Scène nationale de Chalon-sur-Saône). On a la chance que ce texte soit aussi au programme du bac français l’année prochaine. On va avoir, en plus, une représentation en matinée pour les lycéens. On est très contents de pouvoir toucher les jeunes avec cette problématique et ce texte magnifiquement bien écrit. Sur scène, vous retrouverez Florent Cheippe, Xavier Brossard, Aurélia Arto, Cécile Péricone et Angèle Peyrade.
Ce fut un plaisir, Félicité, d’échanger avec vous !