RMC Sport : Jérôme Sillon évoque ses commentaires de rencontres de Premier League et de coupes d'Europe !

Publié le par Julian STOCKY

 

Bonjour Jérôme,

Quel plaisir d’effectuer cette interview avec vous !

On vous retrouve actuellement sur les antennes de RMC Sport, principalement aux commentaires de la Premier League et de la Ligue des Champions. A titre personnel, on imagine sans doute le plaisir et la joie que ce doit être de sillonner les routes pour retrouver les stades et, à distance, les téléspectateurs ?

Oui, c’est un rêve de gosse, un rêve d’enfant que j’ai réalisé en faisant ce métier-là. J’ai commencé par la radio, le reportage, après j’ai même eu une caméra dans les mains, maintenant je commente à la télé. En fait, quand j’ai rencontré Stéphane Guy lors de la première saison de SFR Sport, en 2016, sur un stade anglais, alors qu’il commentait pour Canal+ Afrique, il m’a dit « Jérôme, profites de la Premier League, il n’y a rien de mieux que le championnat anglais ». Je peux confirmer, c’est un bonheur incroyable d’aller commenter les matchs en Angleterre. On sent que le foot est beaucoup plus puissant qu’en France en fait, les gens ont un rapport avec leur club qui est beaucoup plus charnel, beaucoup plus ancré. Ce sont des choses que l’on peut retrouver à Marseille, Saint-Etienne ou Lens par exemple mais là-bas, ça fait vraiment partie de leur quotidien, ça les anime et on sent que tout le monde est passionné par ce sport. Quand on va au stade en Angleterre, on est porté par cette énergie, pour ce souffle.

Donc, oui, c’est un bonheur tous les week-ends. En plus, cerise sur le gâteau, on a récupéré la Ligue des Champions deux ans plus tard et c’est quand même LA meilleure compétition de clubs au monde, avec les plus beaux matchs. La saison 2018/2019 a été juste rocambolesque, presque irréelle, par les retournements de situation de Tottenham, de Liverpool, par l’épopée de l’Ajax. C’est un privilège et une chance énorme.

Cela faisant partie de l’identité de RMC, vous êtes entouré de consultants de renom, pour certains qui ont arrêté leur carrière il y a peu et qui sont encore au cœur des réseaux.

Surtout Jérôme Rothen, qui on va dire est le consultant phare de la radio. Il est le plus jeune de tous nos consultants et il a encore, effectivement, ses entrées dans les clubs par lesquels il est passé, et pas que. C’est sûr que commenter avec ces gens-là est, là aussi, une grande chance. Après, la méthode n’est pas la même selon que l’on commente en radio ou en télé. Chez nous, en radio, le consultant n’est pas au stade, contrairement à la télé. Ça change pas mal de choses mais c’est une plus-value incroyable… de toute façon, c’est l’ADN de RMC et de RMC Sport, on met en valeur les consultants. On est les premiers à avoir donné des émissions de radio à des consultants. Donc, oui, ils ont une importance chez nous qui est prépondérante.

 

 

En amont d’une rencontre, quelle est votre méthodologie de préparation ?

La première chose à faire, de toute façon, est d’avoir une veille générale. C’est-à-dire, quand on est fan de foot, on s’intéresse à tous les clubs. Bon, plus particulièrement, mon pain quotidien est la Premier League on va dire mais, avec la Ligue des Champions et l’Europa League, je ne peux pas me permettre de ne regarder que les clubs anglais. Je vais commenter Psg v Real, évidemment il faut que je suive, même si ce n’est pas très compliqué, il faut que je suive l’actualité du Real de Madrid. Par exemple, quand j’ai su que j’allais commenter Real Sociedad v Monaco, j’ai commencé à me renseigner, à regarder des matchs, des images, des résumés.

Tous les matins, je fais une revue de presse française et anglaise. Là, je sais que je vais commenter le Real mais aussi l’Atlético contre United donc, tous les matins, j’ouvre Marca et As, les deux journaux sportifs madrilènes de référence. Si ça avait été le match entre l’Inter et Liverpool, j’aurais jeté un coup d’œil un peu plus précis à la Gazzetta, au Corriere. Après la presse, il y a aussi le suivi des comptes Twitter officiels des clubs mais aussi ce qui nous aide beaucoup, ce sont les comptes Twitter des fans. C’est quelque chose de méconnu mais c’est une source incroyable d’informations. Ils sont souvent tenus par des dingos de leur club, par des fans absolus. Je vous invite par exemple à regarder le compte de Manchester United France, tenu par un supporter français des Red Devils. Il suit l’actualité comme moi-même je n’ai même pas le temps de le faire. Il va être en veille internet de tous les articles qui parlent de son club et il va les traduire après en français, sortir les meilleures citations, sortir les infos mercato en ce moment par exemple. Ça demande évidemment vérification mais c’est une première approche qui est, pour nous, très riche en fait. C’est super !

Quand on s’approche vraiment, à quelques jours du match, en Premier League, on a ce que l’on appelle des « Stats pack », qui nous sont fournis en tant que détenteurs des droits télé. On a accès à une base de statistiques pour chaque rencontre, qui fait entre trente quarante pages. C’est quelque chose de monstrueux ! Ça va dans le détail, c’est une compilation de statistiques et d’anecdotes qui retrace le parcours des joueurs, des entraineurs, des équipes, leur forme du moment. C’est d’une exhaustivité incroyable et l’UEFA fait un peu la même chose, mais en moins poussé, ce qui nous aide beaucoup également à préparer les rencontres. Après, plus on s’approche du match, plus on se plonge évidemment dans la presse et dans ces données, sans oublier les coups de fil à nos correspondants. Parfois, si on a des contacts parmi les joueurs impliqués, évidemment on leur passe un petit coup de fil, soit à eux, soit à leur agent, soit à leurs proches.

Au stade, avant l’antenne, avez-vous l’occasion d’échanger aussi avec des journalistes locaux ?

Ça arrive, on se connait, évidemment, surtout quand on va en Angleterre, où on croise toujours les mêmes journalistes. Ce qui est toujours intéressant aussi, c’est de discuter avec des supporters que l’on va croiser dans l’avion ou dans l’Eurostar. Ou de discuter avec le chauffeur de taxi. En Angleterre, un chauffeur de taxi est forcément supporter d’un club donc son avis peut être intéressant. Récemment, on est allés commenter City v Chelsea, avec Sébastien Piocelle. Le chauffeur de taxi était supporter de United donc c’est toujours intéressant d’avoir le contre-pied quelque part à ce niveau-là. Donc les sources d’informations sont multiples, ça peut être même le réceptionniste de l’hôtel.

Evidemment, le jour du match, on est imprégnés de tout ça, à l’approche du stade, on voit les supporters, on peut discuter avec certains d’entre eux. Quand je me ballade avec Manu Petit et que l’on débarque dans un stade anglais, il y a une nuée de supporters qui viennent discuter avec lui. L’change se crée naturellement.

Pendant la rencontre, on imagine aussi que vous êtes amené à adapter votre commentaire en fonction de ce que qui se passe sur le terrain et de l’ambiance, au sens large du terme ?

De toute façon, le commentaire, télé ou radio, est une musique. C’est d’autant plus vrai à la télé. Parce que, à la radio, le supporter qui nous écoute n’a pas la télé et il doit se concentrer encore plus parce qu’il n’a pas l’image. Donc il va nous écouter très attentivement et on va devoir être beaucoup dans le descriptif. A la télé, le fan de foot a l’image comme support, on est là quelque part pour l’accompagner, on va lui délivrer une petite musique. Il a l’habitude de nos voix maintenant. Après, c’est la qualité du match qui va faire l’intensité de ton propos et de tes commentaires. Donc c’est bien, de toute façon, d’alterner les phases d’enthousiasme, d’envolée et puis les phases un peu plus calmes. On ne peut pas être pendant 90 minutes comme un dingue, je pense que ça serait lassant pour le téléspectateur et une rencontre est faite de hauts et de bas, de temps forts, de temps faibles.

Après, on en revient à cette Ligue des Champions 2018/2019, il y a des matchs qui sortent de l’ordinaire. J’ai commenté le ¼ de finale retour City vs Tottenham, il y avait deux partout après quinze minutes de jeu, ça se finit à 4 à 3, ça a failli faire 5 à 3 mais le but d’Aguero est refusé à la fin à cause d’une position de hors-jeu. On est à Amsterdam avec Eric Di Méco, il y a 2 à 0 pour l’Ajax à la mi-temps, ils gagnent 1 à 0 à l’aller à Tottenham, on pense qu’ils vont se qualifier tranquillement, ils en prennent trois dans le dernier quart d’heure, avec un triplé totalement improbable de Lucas. Là, si vous voulez, tu ne t’appartiens plus, tu es tellement enthousiaste et tellement pris par l’ambiance, par le scénario, que tu emmènes tout le monde avec toi et le téléspectateur, je pense, est fou, il devient dingue. Donc c’est vraiment la qualité du match qui va aussi influer la force du propos et son intensité.

Je fais un distinguo entre les matchs commentés au stade, qui sont un privilège, qui sont ceux durant lesquels tu vas t’enthousiasmer le plus, c’est évident parce que tu es dans l’ambiance, tu es avec les supporters, il se passe quelque chose. Alors que, en cabine à Paris, tu es quelque part détaché de tout cela, le lien émotionnel est beaucoup moins présent en fait. C’est souvent une frustration quand tu commentes des matchs fous en cabine. J’en parlais avec Stéphane Guy qui commente chez nous la Ligue des Champions avec moi cette saison, il a commenté Chelsea vs Liverpool le 2 janvier en cabine, il était tellement frustré de ne pas être en cabine et ça se comprend. Après, les restrictions sanitaires étaient ce qu’elles étaient, maintenant on peut retourner en Angleterre, c’est quand même beaucoup plus simple.

C’est pour cela qu’un commentaire au stade est irremplaçable, par l’investissement et l’émotion que tu vas ressentir.

 

 

En Ligue des Champions, vous évoquiez le fait de commenter des clubs français. Il n’est pas rare, je pense à Jérôme Rothen les saisons précédentes, que le consultant soit encore fervent supporter du club concerné. Commenter un club français sur un média français est-il si évident que cela ?

Je ne sais pas si vous avez lu l’interview de Thomas Villechaize lorsqu’il parlait de ses commentaires des matchs de l’équipe de France de handball sur beIN, il dit que l’on ne peut lui demander d’être objectif sur l’équipe de France. Je ne suis pas complètement d’accord avec lui. Quand je commente un club français ou l’équipe de France, je suis toujours objectif. Pour moi, il y a une différence entre neutralité et objectivité. Tu commentes l’équipe de France, comme je l’ai fait à l’époque sur RMC, tu commentes un club français en coupe d’Europe, tu ne peux pas être neutre, ce n’est pas possible. Tu es forcément un parti-pris. Je supporte tous les clubs français en coupe d’Europe. Mais en tant que journaliste sportif français, je vais commenter l’OM de la même manière que je vais commenter le PSG. Je vais commenter Lyon de la même manière que je vais commenter Monaco ou Rennes. Je vais m’emballer pour le club français parce que je les supporte en coupe d’Europe. Donc je ne suis pas neutre, je vais encourager le club français, je vais commenter dans cette optique-là.

En revanche, je suis, en tout cas j’essaie, d’être toujours objectif. C’est-à-dire que quand Paris est mauvais, et en Ligue des Champions cette saison ça a quand même souvent été le cas, on le dit. Quand Paris est excellent et nous fait vibrer, évidemment qu’on les accompagne. Je pense que ce que voulait dire Thomas, c’est que l’on ne peut pas ne pas être supporter de l’équipe de France ou d’un club français. En revanche, et il l’a très bien fait lors de la demi-finale récemment, il fallait dire que les gardiens sont passés à côté de leur match. C’est ça être objectif, par contre, oui, on est supporters de l’équipe de France et des clubs français.

Vous évoquiez la ferveur des stades anglais. Certains d’entre eux vous marquent-ils plus encore que d’autres en ce sens ?

Je pense, aujourd’hui en Angleterre, que l’ambiance la plus dingue est à Anfield, avec Liverpool. Déjà, il y a une chose, c’est le « You’ll never walk alone » qui, que l’on soit supporter de Liverpool ou pas, vous dresse le poil, c’est obligé. J’en ai la chair de poule à chaque fois que je suis au stade et que je les entends chanter. C’est encore plus vrai quand c’est un choc contre un Big 6. Peut-être même plus encore quand ils affrontent Manchester City car, aujourd’hui, la rivalité en Angleterre se fait avec ce club-là…et avec Chelsea. J’ai commenté Liverpool vs Chelsea au stade en début de saison, c’était le premier match que l’on faisait au stade depuis le début de la pandémie, après un an et demi d’attente, j’étais avec Manu Petit, c’était un volcan, c’était incroyable de ressentir cette puissance. A la fin de la première période, il y a un carton rouge pour une main sur la ligne de but puis le pénalty de Mohamed Salah, Manu Petit dit « le stade a tremblé, le stade a tremblé ». Effectivement, le stade avait tremblé, c’était fou. Anfield a cette capacité, je pense, à sublimer les Reds. On l’a vu contre Barcelone en Ligue des Champions, il y a ce supplément d’âme dans ce stade.

J’aimais beaucoup l’ancien White Hart Lane, qui était un peu vétuste mais qui avait son histoire, on voyait encore les murs en brique, les tourniquets riquiqui parmi lesquels il fallait se faufiler pour pouvoir passer. Il y avait une ambiance superbe, notamment lors de sa dernière saison.

En Europe, évidemment il y a Dortmund, le Westfalenstadion. J’aime beaucoup le Juventus Stadium, qui a une acoustique très très forte. Vicente Calderon était quelque chose aussi, on ne retrouve pas encore cela au Wanda Metropolitano à Madrid. Evidemment, il y a les stades grecs et les stades turcs, on passe encore un cap dans la folie. Je n’ai encore jamais eu la possibilité de commenter un club français dans un stade turc, je l’ai fait en Grèce déjà, où c’était déjà très fort mais un de mes rêves serait de commenter à Galatasaray, à Besiktas ou au Fenerbahce contre un club français. Il parait que c’est une expérience complètement dingue.

En conclusion, sportivement parlant, quel regard portez-vous sur cette première partie de saison, en Premier League ?

On espérait avoir une lutte à trois pour le titre entre Manchester City, Chelsea et Liverpool, c’était bien parti pour. On se rend compte que City a encore quelque chose en plus. Liverpool a un tout petit espoir de revenir, pour cela il faudra gagner un match en retard, permettant de revenir à six points. Après, il y a encore un City vs Liverpool au mois d’avril. Il n’y aurait alors, en cas de victoire, plus que trois points à récupérer d’ici là pour espérer peut-être les devancer. Donc c’est encore jouable pour Liverpool. Pour Chelsea par contre, c’est fini depuis qu’ils ont perdu à l’Etihad Stadium au mois de janvier. Donc c’est une saison que l’on espérait encore plus à suspense, encore plus passionnante, c’est la petite frustration. Mais bon, on n’est qu’au mois de janvier, il peut encore se passer des choses.

Pour la première fois, en 2021, City a dépassé United en termes de revenus commerciaux, ce qui veut dire quelque chose du basculement qui est en train de s’opérer là-bas. En fait, on ne se rend pas compte de la place qu’a prise City en Angleterre, ils sont quand même partis pour un quatrième titre en cinq ans, dans le championnat le plus compétitif et le plus concurrentiel au monde. C’est une performance qui est dingue. Donc, vraiment, ce club-là est en train de devenir le numéro un en Angleterre, à eux de passer le cap en Ligue des Champions. On pensait que ce serait peut-être le cas face à Chelsea l’an dernier, mais non. Peut-être cette année ?

Pour le reste, Liverpool est fidèle à lui-même, proposant un jeu toujours génial à regarder avec Jurgen Klopp. Chelsea est évidemment une déception, on pensait tous que Lukaku serait la pièce manquante, le dernier morceau du puzzle qui permettrait de faire de Chelsea aussi un candidat au titre. Mais ça n’a pas été le cas, pour plusieurs raisons. Déception évidemment encore plus grande pour Manchester United, tu vas chercher Varane, Ronaldo, Sancho, pour moi c’est le plus grand flop de cette saison de Premier League en termes de recrutement. Ce club est le plus titré de l’histoire de Premier League mais là ils sont simplement en train de lutter pour une place en Ligue des Champions. J’aime beaucoup le renouveau d’Arsenal, c’est fait à marche forcée, Arteta ne se fait pas beaucoup d’amis mais ça fonctionne. Tottenham a fait le casse du siècle en attirant Conte. Donc c’est toujours aussi passionnant. Ce qui est génial en Angleterre, c’est que, dans un Big 6, dès qu’ils s’affrontent, il y a tellement d’histoire, on ne sait jamais qui va gagner, c’est merveilleux.

Merci, Jérôme, pour toutes vos réponses !

Publié dans Télévision

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