Karine Ventalon évoque sa belle actualité, sur grand écran et sur scène !

Publié le par Julian STOCKY

crédit photo # Philippe Vermale

 

 

Bonjour Karine,

Quel plaisir d’effectuer ce nouvel échange avec vous !

On pourra vous retrouver sur grand écran, à partir du 24 novembre prochain, au Saint-André des Arts. On peut penser que, dans le contexte actuel, pouvoir proposer quelque chose d’inédit au public doit être un vrai plaisir et une vraie joie ?

Oh oui ! Cela fait vraiment plaisir d’avoir un film qui sort au cinéma au vue de la conjoncture actuelle. Tout est très compliqué avec la crise sanitaire, il y a beaucoup de diffusions reportées. Je suis donc ravie que ce joli film foncièrement dans l’air du temps sorte enfin sur les écrans puisqu’il a été tourné il y a trois ans maintenant.

Avec vos mots, comment le présenteriez-vous ?

Tout d’abord, j’imagine que vous vous demandez ce que signifie « Hikikomori » !

Il s’agit d’un mot japonais qui peut paraitre un peu compliqué comme ça mais il désigne un véritable problème de société au Japon donc, qui concerne essentiellement les jeunes qui craignent de vieillir et de se confronter au monde des adultes et de ses responsabilités. Au départ, cela « touchait » principalement les hommes mais cela s’étend aussi aux femmes. Souvent, ces personnes restent enfermées dans leur chambre, se réfugient dans le monde virtuel des jeux vidéo et s’habillent comme dans les mangas avec des tenues très colorées, des tutus, des ailes de fées, des chaussettes à paillettes …c’est ce que l’on appelle la mode Kawaii… Ils vivent dans un monde très décalé de jeux vidéo, de mangas, de réseaux sociaux. Ces jeunes refusent de se confronter aux problèmes d’adultes, de vivre sous les règles de la société, de travailler… souvent ils mangent même dans leur chambre pour éviter d’avoir des réflexions de leur parents si ceux-ci leur font des remarques ou les poussent à se responsabiliser. Ils développent donc de gros problèmes relationnels, ils n’arrivent plus à communiquer avec les autres. Même sortir de chez eux peut-être une angoisse, cela leur devient impossible d’aller boire un café avec quelqu’un.

 

 

Dans le film, il s’agit d’une famille composée de trois femmes, de trois générations différentes, qui vivent sous le même toit. Il y a donc Camille, l’héroïne de 18 ans (interprétée par Coline Chantrel), qui vit avec sa maman Annie (moi-même) qui l’a eue très jeune et sa grand-mère Rose (Colette Roche). Elles ont peu de moyens, la maman, Annie donc, cumule plusieurs boulots, elle essaie d’élever sa fille comme elle peut. En même temps, elle doit s’occuper de sa mère Rose dont elle a la charge et ce n’est pas chose facile car celle-ci ne parle plus et n’est plus autonome, il faut lui faire sa toilette, l’habiller etc…

Camille, jeune adulte hikikomori, ne se sent pas bien dans ce monde qu’elle ne comprend pas et décide d’en finir avec la vie. Pour cela, elle doit sortir pour se procurer une arme car c’est le moyen qu’elle choisit pour attenter à ses jours. Cela va être compliqué pour elle de sortir mais elle va se faire violence et lors de sa quête pour chercher comment mettre fin à ses jours elle va rencontrer sur son chemin des personnes plus ou moins sympathiques, comme une sorte de parcours initiatique jusqu’au dénouement final.

Ce qui contribue également à l’originalité du film c’est le côté dessin-animé qui est suggéré. A un moment, c’est comme si on passait dans l’esprit de Camille, on se retrouve dans un univers manga-dessin animé, un peu comme dans le film « Roger Rabbit » où l’acteur principal rencontre des personnages de dessin-animés. On oscille entre la dure réalité de la vie et un univers onirique fantasmé.

Vous y interprétez la maman de Coline. Pour son interprétation, vous êtes-vous plongée dans la documentation de cet univers ?

Je me suis bien évidemment renseignée mais je ne me suis pas « plongée » dans la documentation de cet univers pour préparer le rôle puisque mon personnage est dépassé par l’attitude de sa fille qu’elle ne comprend pas. Il fallait donc que je me laisse totalement porter par la situation et que mon approche du rôle soit instinctive. Le personnage d’Annie est complètement perdu par rapport à sa fille et quand elles se croisent dans l’appartement c’est pour se disputer. D’ailleurs à un moment elle rentre dans une colère noire contre Camille et lui pose un ultimatum :« soit tu te bouges soit je te mets à la porte ». C’est une maman qui a plusieurs petits boulots, qui essaie de maintenir sa famille à bout de bras, elle ne connait pas ce monde des Hikikomoris.

Avez-vous une anecdote particulière de tournage ou quelque chose que vous aimeriez dire au sujet de ce film ?

Effectivement, je connaissais la réalisatrice, Sophie Attelann, avant le tournage, car Sophie a été comédienne avant de se lancer dans la réalisation et nous nous étions rencontrées lors d’un stage. Je connaissais également Gigi Ledron avec qui j’ai déjà tourné, Séverine Berthelot, Chantal Baroin et Marianne Chevallier.

Vous allez me dire qu’il n’y a que des femmes ? Non je vous rassure il y a également de très beaux rôles masculins ! Même s’il est vrai que cela reste l’histoire de trois femmes de trois générations différentes, que le film a été réalisé par une femme et que la première assistante Olivia Yahiel est donc également une femme.

Être entre femmes pour aborder parfois des thèmes qui nous sont propres a permis de pouvoir s’exprimer sans retenue ni pudeur. Dans l’histoire, elles ont une vie difficile donc elles sont natures, il y a beaucoup de vérité dans ce film et certains personnages lorsqu’ils s’expriment c’est un peu comme s’ils poussaient un cri, nous sommes dans des émotions brutes parfois contrebalancées par le côté onirique de l’image et des effets spéciaux.

Je profite d’ailleurs que vous me donniez la parole pour remercier Sophie pour m’avoir choisie pour ce joli rôle. Elle nous a dirigés avec intelligence et bienveillance et j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à travailler avec elle.

 

 

On l’a dit, le film a été tourné il y a trois ans. Avec tout ce qui s’est passé depuis, notamment le confinement et l’enfermement liés à la crise Covid, pensez-vous que le regard du public sera différent ?

Tout à fait ! D’ailleurs, des psychologues vont intervenir et des débats seront organisés après certaines séances. Le film sera diffusé à partir du 24 novembre au Saint-André des Arts à 13h.

Avec le confinement, beaucoup de jeunes ont développé un peu ce syndrome à travers l’Europe et le monde d’ailleurs, ils n’osent plus sortir de chez eux, ils sont habitués à communiquer par Zoom, à vivre en regardant Netflix, à développer un imaginaire grâce aux séries télé… Donc nous pouvons établir des points communs avec le thème majeur de notre film.

En effet, certains jeunes ont été privés de beaucoup de contacts humains et ont du mal à retrouver une vie sociale. J’en connais dans mon entourage, qui appréhendaient la rentrée des classes, de revoir des gens, des profs, même de se lever, d’avoir des horaires, de devoir respecter des règles de vie pour vivre en communauté tout simplement.

Vous n’avez pas encore vu le rendu final. On vous imagine impatiente de le découvrir et même presque de le redécouvrir, trois ans après le tournage ?

Oui je suis effectivement impatiente ! Mais je dois vous avouer que j’ai toujours une appréhension lorsque je découvre un film dans lequel j’ai joué au cinéma en même temps que le public, j’ai toujours peur ! Mon premier regard est toujours critique sur moi-même et ma prestation. J’ai donc besoin de le voir deux ou trois fois avant de lâcher prise. Et puis on a cette envie que le film plaise, que les personnes soient contentes de l’avoir vu donc nous attendons les réactions du public dès la première projection le 24 novembre prochain.

A qui ce film s’adresse-t-il ?

Ce film s’adresse vraiment à tout le monde. Dans notre entourage, on a souvent des enfants ou des adolescents que l’on ne comprend pas. Du coup, si cela peut aussi éclairer et permettre d’aborder les choses différemment, c’est une bonne chose.

A titre personnel, j’ai été touchée par ces trois destins de femmes, qui s’adorent mais qui n’arrivent pas à communiquer. La jeune de 18 ans est complètement perdue, elle vit recluse mais a la danse comme exutoire, ainsi que les jeux vidéo. La grand-mère attend la mort, il faut la laver, la nourrir, la coucher. Et Annie, la mère, que j’ai eu beaucoup de plaisir à interpréter car c’est un rôle de femme forte un peu au bout du rouleau mais qui se dit qu’elle n’a pas le droit de s’écrouler, c’est une guerrière.

On peut s’aimer, vivre ensemble mais ne plus se supporter par manque de communication.

Enfin, Camille va rencontrer des personnages hauts en couleur, chacun aura son histoire…Donc je pense que tout le monde peut se retrouver dans un personnage du film.

 

crédit photo # Philippe Vermale

 

En parallèle, sur les planches, vous poursuivez votre tournée avec la pièce « Des plans sur la comète » dans laquelle vous jouez deux rôles en alternance. C’est une joie et un plaisir de sillonner la France à la rencontre du public…

Effectivement quel bonheur d’être sur scène ! Les dates de tournée que l’on fait depuis la rentrée sont des dates de report, nous aurions dû les jouer il y a un an mais elles ont été décalées à cause du covid. Nous avons déjà repris cet été puisque nous avons fait le festival d’Avignon et à présent nous sommes en tournée jusqu’en mars. Nous ne devrions pas tarder à avoir des dates supplémentaires qui découleront du festival d’Avignon justement. J’interprète en ce moment le rôle d’Estelle, la cosmologue. A partir de janvier, je repasse sur le rôle de Garance, la productrice de télévision.

Merci, Karine, pour toutes vos réponses !

 

Hikikomori 

Première : le 24 novembre à 13h au Saint-André des Arts

Du 24 novembre au 6 décembre (sauf le 30) et les 14 et 21 décembre à 13h

Genre : drame social/fantastique

Durée : 75 mins

30 rue Saint-André des Arts 75006 Paris

Publié dans Théâtre, Télévision

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