Thierry de Carbonnières évoque sa riche actualité artistique !

Publié le par Julian STOCKY

 

Bonjour Thierry,

 

Quel plaisir d'effectuer cet entretien en votre compagnie !

 

1/ La dixième réimpression de votre livre « Saluts et applaudissements », sorti en 2015, vient récemment d'être faite. Très simplement, pour ceux qui ne l'aurait pas encore lu, quel est le contenu de cet ouvrage ?

 

C'est assez simple, je jouais à l’époque la pièce « De si tendres liens » de Loleh Bellon au théâtre Mouffetard. Je l'avais acceptée car, dans la distribution, étaient présentes Marianne Epin et Annick Blancheteau, deux comédiennes exceptionnelles avec lesquelles je voulais absolument jouer.

 

Je ne m'en étais pas rendu compte... mais, c'était un rôle minuscule. Je passais plus de temps dans ma loge que sur scène. Pour ne pas déprimer, disons les choses, parce que c'est dur d'être dans sa loge, face à soi-même en entendant les autres jouer, je me suis mis à écrire ce que je ressentais. Résultat, au fil du temps, je ne venais plus pour jouer au théâtre mais pour écrire. C'était une façon de me sauver un peu je pense.

 

En sortant de cette expérience qui a duré quand même huit mois, j'ai montré ces carnets à Michel Archimbaud, l'éditeur, qui m'a dit qu'il y avait un vrai roman à écrire. Il y avait même le roman de la profession d'acteur ! Personne n'avait jamais écrit ce genre de chose. Personne n'avait jamais témoigné de ce que cela faisait de jouer un rôle qui n'est pas dans l'histoire, mais qui fait avancer l'histoire des autres, un rôle qui est, en fin de compte, une fonction. Sans m'en rendre compte, j'ai écrit ce que vivent et ressentent 90% des acteurs. C'est pour cela que ce livre a toujours un écho très important dans la profession et au delà.

 

 

Il en est à sa dixième réimpression tout simplement parce que je parle de sentiments dont on n'a jamais parlé et dont les comédiens ont beaucoup de pudeur à l'évoquer. Pour vous donner un exemple, un comédien qui tourne deux jours dans un film, l'un en mars, l'autre en juin vous dira qu'il va formidablement bien si vous lui demandez comment il va. Parce qu'il travaille. Mais non, en fait, il ne travaille que deux jours. J'ai donc écrit la dessus, j'ai brisé le miroir. Ce livre est très important pour moi parce qu'il m'a fait rentrer en littérature.

 

2/ Fin mars, la suite de « Saluts et applaudissements » sera disponible en librairies. Que dire sur cette nouvelle aventure artistique ?

 

Quatre à cinq mois après avoir fini décrire ce roman-récit, cette autofiction, avec un personnage qui s'appelle Victor, j'ai ressenti un vide très important parce que ce dernier m'aidait à agir. Entre temps, il m'était arrivé une aventure totalement étonnante, totalement bouleversante, d'inconnu j'étais passé à très connu, après avoir tourné dans « Plus belle la vie » . Résultat, dans la rue, les gens me prenaient en photos, les femmes me serraient dans leurs bras.

 

J'ai alors écrit la suite de « Saluts et applaudissements ». Victor passe de quelqu'un seul dans sa loge qui attend d'aller jouer à quelqu'un qu’on reconnaît dans la rue, dans le métro, dans les ascenseurs, sur la plage... J'ai eu envie de témoigner sur ce phénomène étrange de la "Reconnaissance". Sachant que les gens s'adressent à vous sans vraiment s'adresser à vous, mais plutôt au personnage. Ils vous appellent même par son prénom. Comme je sais d'où je viens, c'était tellement incongru, et un plaisir tellement violent, que j'ai eu envie d'écrire la dessus. A la limite, j'étais presque plus ému que les gens qui me rencontraient.

 

Petit à petit, dans l'écriture, des choses sont réapparues, des souvenirs oubliés de mon enfance et j'ai compris pourquoi je voulais être acteur, et pourquoi la reconnaissance est primordiale, pourquoi être reconnu dans la rue est quelque chose d'extrêmement important pour moi.

 

Le personnage de Victor est innocent, il dit les choses de manière très brutale, comme les enfants. Dans mon psychique à moi, cette fenêtre est tout le temps ouverte, cette inspiration est toujours présente. Autant, la première fois, pour Saluts et applaudissements " l’inspiration était venue dans la loge, autant à présent elle est permanente. On a tous une conversation avec soi-même, on est tous une conversation. "L'entretien que nous sommes" Hölderlin. Victor est celui avec qui je parle.

 

3/ En parallèle, toujours dans l'écriture, vous êtes en finalisation d'un scénario. Comment le présenter ?

 

C'est le prochain film d'Emmanuel Courcol, qui a écrit une dizaine des scenarii de Philippe Lioret. Nous sommes en co-écriture de son second long-métrage et nous venons de finaliser le scénario, qui sera produit par Agat Films.

 

Il s'agit d'un fait divers arrivé en Suède. Un directeur de prison décide de faire faire du théâtre à ses prisonniers, en montant « En attendant Godot ». Après avoir été jouée dans la prison, la pièce a beaucoup de succès dans toute la Suède, jusqu'à être interprétée au Théâtre Royal de Göteborg, où il arrive quelque chose d'assez étonnant. Il nous a fallu adapter l'histoire à la France, ce qui nous a permis de raconter plein d'autres choses.

 

Le tournage aura lieu sans doute fin 2018 ou début 2019. J'espère être présent au casting, mais je fais attention à ne pas mêler l'écriture et le jeu. On verra bien.

 

4/ Vous préparez également un seul en scène. Comment vous est venue cette envie ?

 

C'est un projet très important. A la suite de la mort de mon père, la perception que j'ai de la vie en générale a explosé. J'ai eu envie d'écrire la dessus. J'ai rédigé un tiers environ, ça marche bien. J'ai envie de venir parler de la vie, vue du côté de la mort, de manière extrêmement forte, extrêmement bouleversante parce que forcément "unique", forcément "intense". On pourrait dire que c'est une adaptation, au théâtre, de la pleine conscience.

 

J'y suis moi-même. J'y raconte comment la mort de mon père a tout changé dans ma vie. Comment j'ai tout changé. Mon rapport aux autres a changé, celui à ma femme et à mes enfants aussi. C'est quelque chose que j'attendais depuis toujours. Je comprenais que je vivais, que je faisais des choses intéressantes, parfois un peu moins... mais j'étais toujours un peu à côté.

 

Je pense que l'écriture sera finie en septembre ou octobre. Peut-être que je ferai avant des lectures partielles, je ne sais pas encore.

 

5/ Vous êtes aussi comédien. Quels sont projets dans ce sens ?

 

Toutes ces casquettes se rejoignent. J'ai décidé, moi Thierry, de ne plus faire dépendre mon activité des castings, des metteurs en scène, des réalisateurs. Moi-même je deviens producteur de mon propre métier, comme si j'avais décidé de monter ma propre boutique.

 

Pour revenir à votre question, Henri Helman a adapté un roman de Daniel Vaxelaire, « Chasseur de Noirs », qui raconte la vie des marrons, c'est à dire des esclaves qui échappaient à l'esclavagisme en montant dans les hauteurs de l’île de la Réunion.

 

De temps en temps, ils descendaient faire des razzias tout simplement pour survivre, pour manger. Ce film raconte comment la population blanche s'est organisée pour aller chasser et exterminer ces noirs-marrons. C'est un long métrage extrêmement important parce que c'est une partie de l'histoire française que l'on ne connaît pas beaucoup. Il y a un rôle pour moi.

 

6/ Pour finir, quels sont vos envies artistiques actuelles ?

 

De continuer à écrire ! Cela structure l'être intérieur que l'on possède tous, mais qu’on néglige la plus part du temps. Je suis en train d'ailleurs aussi d'écrire des conversations que peuvent avoir les gens un peu partout, dans la rue, dans le métro, à la boulangerie... J'ai un projet autours de cela. Pour témoigner aussi de la beauté des rapports entre les gens. Parce que personne ne le sait, mais les gens se disent de très belles choses entre eux. Je suis, en fait, étonné et amoureux des autres. Mon étonnement d’être au monde n’a pas de limite. Je le découvre en ce moment. Et puis revenir sur scène ou devant une caméra...le bonheur.

 

Merci, Thierry, pour votre disponibilité !

Publié dans Télévision, Théâtre

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